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Jeunes chercheurs : « Le statut d’enseignant vacataire ne devrait pas exister »

Par Marine Dessaux | Le | Doctorat

La Confédération des jeunes chercheurs (CJC) partage ses positions et travaux sur les sujets d’actualité de ses membres : guide du vacataire en plein appel à la rétention des notes, flou toujours aussi présent autour du caractère obligatoire du serment du doctorat, manque de temps des bénévoles contre les violences sexistes et sexuelles…

La CJC rassemble une quinzaine d’associations de chercheurs en début de carrière. - © France Universités/Université de Haute-Alsace
La CJC rassemble une quinzaine d’associations de chercheurs en début de carrière. - © France Universités/Université de Haute-Alsace

Antonin Marquant, président de la CJC et doctorant à l’Institut Charles Gerhardt (UMR CNRS-Université de Montpellier), et Julie Crabot, ancienne présidente de l’association et postdoctorante à l’Université Clermont Auvergne, répondent à Campus Matin.

Qu’est-ce que la CJC et à qui s’adresse-t-elle  ? 

Julie Crabot : Fondée en 1996, la Confédération des jeunes chercheurs porte la voix des chercheurs non permanents auprès des institutions et les accompagne face à différentes problématiques. Nous sommes contactés en moyenne par une à deux personnes par semaine.  

L’association s’adresse aux chercheurs en début de carrière, depuis la thèse jusqu’à cinq ans après : docteurs contractuels, vacataires, attachés temporaires d’enseignement et de recherche (Ater)… Cela ne correspond pas à une tranche d’âge, nous avons déjà eu des membres actifs de plus de quarante ans.  

Il est difficile de définir le nombre de membres actifs, car nous confédérons une quinzaine d’associations dont chaque membre peut nous solliciter. Nous avons au minimum deux contacts administratifs par association. Lors de nos réunions nationales, nous rassemblions une quarantaine de personnes en 2019 et, depuis la Covid, il est plus compliqué de mobiliser des chercheurs venant de toute la France, nous sommes plutôt autour d’une quinzaine de personnes. 

Quels événements rythment l’année ? 

Julie Crabot : Nous organisons trois réunions nationales par an, dont une assemblée générale en décembre au cours de laquelle est élu le nouveau bureau. Nous avons pérennisé le format de visioconférence, utilisé pendant la Covid, pour l’une d’entre elles. C’est à la fois plus simple pour l’organisation, mais aussi plus économique et écologique. Le prochain est rendez-vous est fixé aux 3 et 4 juin 2023 à Caen. 

Quelles actualités vous ont particulièrement mobilisés en 2022-2023 ? 

Antonin Marquant :  Récemment, avec la réforme des retraites, nous avons observé un pic de demandes de chercheurs plus ou moins âgés qui découvrent qu’ils n’ont pas cotisé pour différentes raisons (libéralités, séjour à l’étranger, etc.).  

Antonin Marquant est l’actuel président de la CJC. - © D.R.
Antonin Marquant est l’actuel président de la CJC. - © D.R.

Sur les contrats de droits privés, nous nous interrogeons sur la qualité scientifique de ces travaux alors que les thèses Conventions industrielles de formation par la recherche (Cifre) témoignent déjà de la difficulté d’allier intérêts académiques et industriels.  

Par ailleurs, fin août 2022, un nouvel arrêté est paru sur le doctorat augmentant notamment sa rémunération. Nous avons participé à trois réunions ministérielles l’année universitaire passée, puis en décembre.  

Julie Crabot : La CJC se bat par ailleurs sur la question du statut des enseignants vacataires, statut qui ne devrait pas exister. La Loi de programmation de la recherche prévoyait la mensualisation des vacataires au plus tard pour la rentrée 2022. La création d’un groupe de suivi avait également été annoncée. Lorsque nous avons demandé son avancement au ministère, nous avons eu l’impression de leur rappeler son existence…

La mensualisation est un sujet complexe dans plusieurs établissements. L’application OSE, utilisée notamment par l’Université Caen Normandie, semble favoriser leur mise en place. Mais plusieurs membres nous ont signalé que cela restait loin d’être parfait… 

Vous soutenez vacataire.org qui appelle à la rétention des notes en mai jusqu’au doublement des salaires…

Julie Crabot  : Oui, dans ce cadre nous avons finalisé le guide des droits de l’enseignant vacataire. Il s’agit du résultat de plusieurs années de travail qui était en stand-by. Cet outil, qui se présente sous la forme d’un questions/réponses peut servir aux vacataires qui souhaitent connaître leurs droits et clarifier ce qu’englobe ce statut. On y trouve notamment des éléments sur : «  Est-ce que j’ai le droit de faire grève  ?  », «  En cas de rétention des notes, que se passe-t-il en termes de salaire  ?  », «  Est-ce que je cotise quand je suis vacataire  ?  ». 

Quel est votre position concernant le nouveau serment doctoral  ? 

Antonin Marquant : Nous avons aussi participé aux discussions sur le serment doctoral. Nous n’étions pas très convaincus par ce dispositif qui semble être un nouveau cache-misère, tout comme la création des chaires de professeur junior qui exigent un rythme de travail très intense pendant quelques années sans certitude d’un poste derrière.  

Beaucoup de zones grises en matière d’intégrité scientifique

En trois ans de thèse avant le serment, les jeunes docteurs ont largement eu le temps de faire face à des méconduites scientifiques. Beaucoup doivent mettre des noms de co-auteurs sur des papiers qui ne devraient pas y figurer, par exemple. La charge de la sincérité du serment est portée par le jeune docteur uniquement… qui souvent n’est pas à l’origine des méconduites. Il y a beaucoup de zones grises en matière d’intégrité scientifique et le serment ne règle pas tout. Par ailleurs, l’absence d’obligation n’est pas comprise par un grand nombre d’écoles doctorales.  

Julie Crabot a été présidente de la CJC en 2022. - © D.R.
Julie Crabot a été présidente de la CJC en 2022. - © D.R.

Julie Crabot  : Il n’est aujourd’hui pas possible de connaître les répercussions du refus de prêter serment. Même si j’y suis défavorable, je ne peux pas dire à de jeunes chercheurs de faire ce choix en leur âme et conscience.  

Il y a aussi une idée de « spectacularisation » de la soutenance de thèse ou lors des cérémonies de remise des diplômes avec le lancer de chapeaux à l’américaine qui ne convient pas à tous. 

Cela étant dit, l’enquête menée par le Réseau national des collèges doctoraux (RNCD) début 2023 montre un accueil positif [avec plus de 70 % des doctorants considérant le serment comme une bonne ou très bonne mesure, NDLR]. C’est aussi pour nous un rappel que les personnes qui nous contactent ne sont pas toujours représentatives de l’ensemble des doctorants puisque ce sont uniquement celles qui ont un problème ou plus politisées et sensibilisées aux questions propres à l’ESR que la moyenne.

Le harcèlement et les VSS sont un sujet récurrent… 

Julie Crabot  : Nous sommes contactés régulièrement pour des faits de harcèlement ou de violences sexuelles et sexistes (VSS) sur lesquels nous ne sommes pas spécialistes. Nous redirigeons vers le collectif Clasches qui accompagne les victimes sur le plan juridique et disciplinaire. L’Observatoire des VSS est également un interlocuteur sur ce sujet. 

Les écoles doctorales doivent proposer une formation. Cependant, comme elle n’est pas obligatoire, seules les personnes déjà sensibilisées la suivent. Nous ne savons en outre pas si elle est dans réellement dans tous les catalogues.  

Nous avons bien senti qu’au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, cette problématique était prise en compte, mais on ne nous en a pas dit quels seraient les moyens. 

Où en est votre lutte contre le travail gratuit et le travail au noir ? 

Julie Crabot  : Nous sommes de moins en moins contactés sur ces questions qui continuer à exister en France. Ces dernières semaines, nous avons été sollicités par une personne en Europe qui n’avait pas de contrat de travail…  

Il y a en outre un flou juridique pour les jeunes chercheurs  : quelles copies doivent-ils corriger, quels examens doivent-ils surveiller ? L’interprétation générale est de s’occuper de tout ce qui est lié à l’enseignement que nous avons donné. Mais si nous sommes amenés à sortir de ce cadre, nous devons être payés. C’est un combat que nous menons depuis longtemps. 

Le Conseil pour l’enseignement doctoral de l’Association des universités européennes (EUA-CDE) organise du 14 au 16 juin un colloque sur la communication dans le doctorat. C’est un sujet qui vous parle  ? 

Julie Crabot  : Nous ne sommes actuellement pas très actifs sur le sujet, mais c’est une thématique que le RNCD prend à bras le corps. Contrairement à d’autres pays, la valorisation et la représentation du doctorat en France sont un véritable enjeu. C’est aussi à cela que devait répondre le serment du doctorat  : lutter contre la défiance de la société face à la science suite à la Covid.  

Quels sont vos chantiers à venir ? 

Antonin Marquant : Nous sommes co-organisateurs du workshop sur l’encadrement doctoral du cabinet de conseils RH, Adoc Métis, avec le RNCD et l’Association nationale des docteurs (Andès), qui se tiendra les 16 et 17 novembre à Strasbourg.  

Synthétiser les problématiques des doctorants qui ont des missions de représentations

Nous aimerions aussi organiser une rencontre, sûrement en visioconférence, avec les doctorants qui ont de missions de représentation. Les droits sont assez différents selon les instances ou les commissions de recherche d’une université à l’autre. Ils souffrent également souvent d’une grande solitude. L’objectif est de synthétiser les problématiques qu’ils rencontrent et de publier les résultats. Et pourquoi pas constituer un réseau  ? C’est ce que demande une partie d’entre eux. La problématique étant qu’il y a un turn-over important et des adresses mail qui changent tout le temps.  

Julie Crabot : Dans les associations, avoir des actifs est le nerf de la guerre. C’est quelque chose que l’on se dit en permanence  : il faut y travailler. Nous essayons de mettre en place un parrainage avec les associations membres pour que ceux qui s’en vont fassent entrer un nouveau bénévole. Nous contactons également d’autres associations pour nous faire connaître.