Vie des campus

3 dispositifs d’accompagnement à la réussite en première année universitaire à la loupe

Par Marine Dessaux | Le | Expérience étudiante

Depuis la loi Orientation et réussite des étudiants de 2018 et avant, en France comme à l'étranger, les universités mettent en place des outils spécifiques pour favoriser la réussite des étudiants en première année… Avec plus ou moins de succès. Zoom sur trois d’entre eux, présentés lors du colloque diversité et réussite(s) organisé par Nantes Université et l’Université Laval (Québec), le 4 avril.

À l’Université de Liège, la première année de psychologie a un taux d’échec de plus de 50 % - © C.M/M.Dessaux
À l’Université de Liège, la première année de psychologie a un taux d’échec de plus de 50 % - © C.M/M.Dessaux

1. Un suivi personnalisé pour les L1 les plus fragiles à l’Université d’Angers

Depuis la rentrée 2016, l’Université d’Angers s’est dotée d’un dispositif d’accompagnement à la réussite des étudiants, qui a pour objectif de faciliter l’adaptation à l’université.

Cette initiative, c’est « une opportunité de financement qui a rencontré une volonté politique », résume Anna Reymondeaux, responsable du pôle accompagnement à la réussite de l’établissement angevin.

Le financement du Fonds social européen (FSE) jusqu’en 2019, a permis de recrutement d’une cheffe de projet et quatre chargées d’accompagnement- une équipe qui s’est étoffée pour atteindre aujourd’hui 12 personnes. Puis l’établissement s’est appuyé sur l’appel à projets nouveaux cursus à l’université s’inscrivant dans la lignée de la loi orientation et réussite des étudiants (ORE) de mars 2018.

Ouverture à de plus nombreux profils

L’Université d’Angers a d’abord rendu obligatoire l’accompagnement pour les étudiants issus de bacheliers professionnels et technologiques. Puis cela a été le tour de tous les bacheliers admis en « oui si » sur Parcoursup — un dispositif intégré au Plan étudiants de novembre 2017 et instauré à partir de la rentrée 2018.

« Nous nous sommes rendus compte que la démarche prescriptive avait des limites : elle est stigmatisante, manque de sens pour certains et peut être redondante avec les cours de méthodologie du travail universitaire. Nous nous sommes donc tournées vers une logique inclusive. Désormais, nous nous intéressons aux besoins spécifiques des étudiants et souhaitons proposer le bon accompagnement au bon moment au bon étudiant. Pour cela, nous avons diversifié les publics et les pratiques », rapporte Anna Reymondeaux.

Notre public s’est élargi.

Le programme s’est ainsi ouvert à tous les L1 et L2 volontaires et aux étudiants obtenant une note faible aux tests de positionnement ou identifiés par les équipes pédagogiques. Les régimes spéciaux d’études (comme les sportifs de haut niveau, étrangers hors échanges…) sont également ciblés. « Notre public s’est élargi », note Béatrice Davy, chargée d’accompagnement des étudiants de l’Université d’Angers.

L’initiative est victime de son succès : « Nous n’avons pas les moyens d’accompagner tous les intéressés, particulièrement en sciences dures », indique Anna Reymondeaux.

Rendre les étudiants acteurs de l’accompagnement

L’Université d’Angers a recruté quatre chargées d’accompagnement à la réussite des étudiants. - © D.R.
L’Université d’Angers a recruté quatre chargées d’accompagnement à la réussite des étudiants. - © D.R.

Afin que les étudiants ne se sentent pas stigmatisés, les rendre acteurs de l’accompagnement a été clé. Les modalités et séances de méthodologie sont désormais flexibles et définies en fonction d’un premier entretien individuel en début d’année. Ce dernier est effectué par les chargés d’accompagnement à la réussite étudiante ou des enseignants référents. Un travail énorme qui demande une mobilisation de ressources humaines que toutes les universités ne peuvent pas s’offrir.

Les étudiants ont ensuite accès à 32 heures de tutorat par les pairs ou individuel en fonction de leurs besoins. « Nous amenons l’étudiant à se poser des questions sur ses points forts et faibles pour moins s’autostigmatiser », explique Béatrice Davy.

Les séances de méthodologie ont aussi été adaptées pour être moins descendantes et intégrer l’approche par compétences (APC). « Nous proposons des mises en situation d’apprentissage afin de développer la réflexivité au cours des séances », rapporte Marine Gauthier, cheffe de projet APC de l’Université d’Angers.

Pistes pour la suite

À l’approche du terme de cette première année de test, « nous n’avons pas encore pu tester tous les effets », s’accordent les interlocutrices. Leurs pistes de réflexion sont les suivantes :

  • Rendre plus lisible le référentiel de compétences ;
  • Améliorer l’outil d’accompagnement à la réflexivité ;
  • Universaliser l’accompagnement en l’inscrivant dans les maquettes ;
  • Mieux évaluer les actions.

2. Tutorat et réorientation dans une licence à fort taux d’échec à l’Université de Liège

À l’Université de Liège en Belgique, Trecy Martinez Perez, coordinatrice de la cellule d’appui pédagogique, a testé plusieurs dispositifs d’accompagnement qui se sont soldés par des échecs.

Les études de psychologie sont « parfois choisies par dépit et font l’objet de représentations qui ne sont pas toujours justes », rapporte-t-elle. Ces formations connaissent de forts taux d’échec en L1. Dans l’établissement liégeois, ce chiffre oscille entre 58 % et 83 % pour de grandes cohortes de plus de 800 étudiants, dont 600 primo-accédants.

Le cours de psychostatistique de l’Université de Liège est réputé pour être particulièrement difficile en L1. - © Wikimedia Commons
Le cours de psychostatistique de l’Université de Liège est réputé pour être particulièrement difficile en L1. - © Wikimedia Commons

Pour accompagner l’entrée dans ce cursus universitaire, l’établissement a d’abord misé sur le parrainage par des étudiants de deuxième ou troisième année ciblé sur un cours particulièrement complexe, la psychostatistique.

Sur 245 inscrits à ce soutien de 12 heures au total, 161 ont été au rattrapage… et n’ont en moyenne pas mieux réussi que ceux n’en ayant pas bénéficié.

« Les résultats étaient décevants sur toutes les variables évaluées, que ce soit l’adaptation académique, sociale, etc. », rapporte Trecy Martinez Perez.

Un autre dispositif a alors été imaginé : un séminaire de deux heures pour « passer de la motivation à l’action », inscrit dans le cursus, mais ni obligatoire ni évalué. Sur 300 étudiants concernés, seuls 19 ont répondu présents. « Nous ne sommes pas convaincus qu’il y ait eu de réels impacts sur l’évaluation », indique la coordinatrice de la cellule d’appui à la pédagogie.

Différencier la communication en fonction des taux de réussite aux examens

Une troisième tentative a alors vu le jour : une communication post-partiels par mail afin de « faire connaître les ressources, ouvrir la porte pour une réorientation précoce et accompagner le changement de posture de l’étudiant ».

Le nombre d’étudiants ayant échoué la session a triplé.

Six versions d’email ont d’abord été envoyées en fonction du nombre de cours auxquels les étudiants ont échoué, partageant des statistiques de réussite des promotions précédentes. « Les délégués de promotion nous ont dit que les pourcentages partagés pouvaient être démoralisants, raconte Trecy Martinez Perez. Aux partiels suivants, le nombre d’étudiants ayant échoué la session a triplé, passant de 14 % à 43 %. »

La cellule d’aide à l’appui pédagogique s’est donc tournée vers seulement deux versions d’email, moins stigmatisantes. Une démarche plutôt bien perçue cette fois. Néanmoins, 61 % des étudiants n’ont cliqué sur aucune des ressources citées dans le mail.

La conclusion ? « Nous tâtonnons. Si l’accompagnement n’est pas obligatoire, il est difficile d’inciter les étudiants à le suivre. Ils sont en outre nombreux et nous n’avons pas les ressources pour les accompagner individuellement », regrette Trecy Martinez Perez.

Un enjeu pourtant crucial alors que le décret Paysage, voté en 2001 et applicable à partir de la rentrée universitaire 2024, interdit la réinscription dans les universités belges pendant cinq ans après avoir échoué deux fois en première année de licence.

3. Les dispositifs qui fonctionnent le mieux à l’Université de Strasbourg

Sonder le niveau de connaissance et l’usage des outils destinés à l’accompagnement des étudiants en première année : c’est l’objectif d’une enquête menée entre mars et juin 2023 par l’Université de Strasbourg (Unistra), auprès de presque 14 000 personnes et ayant obtenu 45 % de réponses.

L’Unistra compte presque 14 000 étudiants en première année. - © D.R.
L’Unistra compte presque 14 000 étudiants en première année. - © D.R.

L’Unistra propose notamment d’accéder à Moodle Air — une plateforme pédagogique dédiée à l’acquisition de compétences transversales —, de réaliser des entretiens avec des conseillers à la réussite et à l’orientation, du tutorat, le forum d’entraide universitaire FEU !, l’événement Booste ta rentrée…

Sur sept dispositifs mis en place à l’échelle de l’établissement, au moins un est connu de plus d’un étudiant sur deux (57 %). Un chiffre satisfaisant, mais derrière lequel se cache une forte disparité : 91 % des étudiants en cursus de santé connaissent au moins un des dispositifs contre 53 % en licence générale et seulement 20 % en bachelor universitaire de technologie (BUT). À part en santé, ces outils sont moins plus connus en deuxième année qu’en première.

Quels sont les usages ?

3,3 étudiants sur 10 utilisent ces dispositifs. Quel que soit le cursus, les plus plébiscités sont le tutorat et Moodle Air. « Il s’agit d’outils clé en main disponibles sans inscription préalable dans le cursus de l’étudiant », analyse Sophie Kennel, vice-présidente déléguée à la transformation pédagogique de l’Unistra. Les plateformes qui permettent de s’auto-évaluer sont, elles, moins utilisées.

L’usage est moins préventif que curatif.

Autre information notable : « Les dispositifs sont plus saisis quand l’enjeu de réussite est imminent. L’usage est moins préventif que curatif », ajoute Sophie Kennel.

Elle envisage de requestionner les étudiants à la lumière de ces usages. En 2024, ce sont les étudiants des IUT qui sont ciblés afin de savoir si leur grand volume horaire est synonyme d’un manque de temps pour recourir aux outils mis en place par l’université.

Enfin, les deux femmes préconisent d’éviter la surinformation sur ces dispositifs par mail : c’est par les enseignants que doit être renforcée la prescription.