Vie des campus

L’ESR en alerte avant les législatives anticipées

Par Marine Dessaux | Le | Stratégies

La dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin et la tenue d'élections législatives anticipées, le 30 juin et le 7 juillet, provoquent de premières réactions des acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche. Si les conférences nationales ne citent aucun parti, certaines universités et collectifs nomment le Rassemblement national plus directement et appellent à lui faire barrage.

Les élections législatives anticipées se tiendront le 30 juin et le 7 juillet. - © CC BY-SA - Rama, Wikimédia Commons
Les élections législatives anticipées se tiendront le 30 juin et le 7 juillet. - © CC BY-SA - Rama, Wikimédia Commons

Avant le premier tour des législatives anticipées ce dimanche 30 juin, les associations et collectifs de l’ESR, les universités et les syndicats appellent massivement au vote. En encourageant plus ou moins explicitement à faire barrage à l’extrême droite.

Les conférences nationales restent prudentes

France Universités, qui rassemble les présidents d’université, a appelé à « la participation la plus large », dès le 13 juin. Elle ne nomme aucun parti politique, mais indique que « dans l’incertitude du moment qui trouble les esprits, il importe que l’université rappelle les valeurs qui l’inspirent, leur force, mais aussi les menaces qui pèsent sur elles ».

L’association de dix grandes universités de recherche françaises, Udice, déclare que « l’excellence de la recherche, de la formation et de l’innovation ne peut pas se construire sans ouverture au monde ! », le 27 juin.

Dans le même ton, les directeurs des écoles françaises d’ingénieurs, rassemblés au sein de la Cdefi, appellent « l’ensemble des communautés de l’ESR à exercer leur droit de vote », le 26 juin. La conférence renouvelle « son attachement aux principes d’universalisme républicain, d’humanisme et de libertés d’enseigner, d’étudier et de chercher qui fondent l’histoire de l’ESR français et son rayonnement à travers le monde ».

La Conférence des grandes écoles (CGE) appelle, elle aussi, à une mobilisation importante dans les bureaux de vote : « Formant les futurs cadres et acteurs du changement de la société, les grandes écoles se doivent d’être pleinement investies dans la vie de la Cité et appellent donc toutes leurs communautés, étudiante, administrative et enseignante, à participer massivement aux scrutins. »

Dissolution de l’Assemblée nationale : les dossiers en souffrance

Si le Sénat peut continuer son activité sur les projets déjà adoptés par l’Assemblée nationale, les textes et travaux parlementaires devront être redéposés par le futur gouvernement ou transmis.

Sont abandonnés ou interrompus, notamment : la création d’un label sur le supérieur privé, l’acte 2 de l’autonomie des universités et la commission d’enquête sur le pluralisme dans le supérieur.

Des nominations stratégiques sont en outre susceptibles d’être modifiées par le contexte politique : le prochain directeur de Sciences Po Paris, le futur directeur général de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle, le successeur de Thierry Coulhon à la présidence du Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur…

En revanche, le gouvernement continue d’agir comme si la réforme de la formation des enseignants pouvait être mise en œuvre dès la rentrée 2024. Ce que plus aucun acteur ne semble juger réaliste, ne serait-ce que pour des questions opérationnelles.

Des universités se positionnent clairement contre l’extrême droite

Le message du conseil académique de l’Université Bordeaux Montaigne est engagé. Ce dernier « rappelle son attachement aux principes républicains que la dissolution de l’Assemblée nationale menace en mettant l’extrême droite aux portes du pouvoir », le 18 juin.

Les membres du congrès de l’Université de Strasbourg, le 25 juin, « s’opposent à la mise en danger des valeurs de l’université, héritière de l’humanisme, et défendrons avec leurs concitoyennes et concitoyens ces valeurs avec leurs bulletins de vote. »

Réseaux et collectifs prennent la parole

« Une science qui ne circule pas, qui ne se transmet pas, est une science morte. Les connaissances scientifiques n’ont pas de frontières. Elles ne laissent aucune place à la xénophobie, au racisme, à l’antisémitisme ou à l’exclusion de quiconque en raison de son appartenance à un groupe », déclarent quelque 800 scientifiques et médecins dans un appel publié dans Le Monde le 23/06/2024. À noter que plusieurs dirigeants d’organismes nationaux de recherche figurent parmi les signataires, comme Antoine Petit, P-DG du CNRS, Philippe Mauguin, P-DG d’Inrae et Didier Samuel, P-DG de l’Inserm.

L’Association des Villes Universitaires de France (Avuf) s’alarme « que se dessine une majorité aux antipodes de leurs missions à l’issue des élections législatives ». Ses élus appellent leurs administrés à faire barrage au Rassemblement national.

L’Association nationale des écoles supérieures d’art (Andéa) appelle « à une mobilisation massive, dès le premier tour du scrutin législatif, en faveur des candidates et des candidats qui portent les valeurs humanistes et ouvertes sur le monde dont nous avons besoin pour nos avenirs ».

Des syndicats du supérieur appellent à voter pour le Nouveau front populaire

Le SNRS-CGT, le SNCS-FSU et la CGT FERC Sup mettent en garde contre l’arrivée du Rassemblement national au pouvoir, et ses implications pour l’ESR. Ces syndicats appellent par ailleurs à voter pour les candidats du Nouveau front populaire.

Sup’Recherche-Unsa ne prend pas position pour un parti, mais indique se tenir « aux côtés de ses adhérents et sympathisants qui portent et font vivre au quotidien les valeurs d’attachement aux libertés publiques, aux principes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ».

Le Sgen-CFDT, dans un communiqué du 11 juin, alerte : « L’extrême droite a une vision réactionnaire et liberticide pour l’ESR : la mise en œuvre de son programme aurait des effets terribles. L’extrême droite ne condamne jamais l’insuffisance des moyens dans les universités, les services et les laboratoires, ni ne parle de la dégradation des conditions de travail pour tous les personnels. »

Dans une lettre ouverte aux présidents d’université, le 27 juin, le Snesup-FSU les appelle à se positionner « très explicitement face à ce danger de l’extrême droite pour nos universités ».

Des déclarations plus explicites seront-elles partagées entre les deux tours des législatives, selon les résultats ? France Universités avait appelé « à voter contre l’extrémisme de Marine Le Pen » au second tour des élections présidentielles de 2022 et 2017.

Un comparateur de programmes « du point de vue de l’usager »

Le collectif Nos services publics a publié, le 25 juin, un comparateur des programmes pour les élections législatives du Nouveau front populaire, d’Ensemble, des Républicains et du Rassemblement national concernant neuf grands domaines des services publics, dont l’éducation.