Vie des campus

Présidentielle : fin de la procédure des voeux 2022

Par Enora Abry, Théo Haberbusch | Le | Stratégies

Il n’y a pas que les vœux sur Parcoursup ! À l’aube de cette présidentielle, les principales conférences d’établissements se sont prononcées sur leurs attentes pour l’enseignement supérieur, avec l’espoir de peser sur les programmes des candidats. Campus Matin vous propose un résumé de leurs propositions phares.

Depuis plusieurs semaines les conférences d’établissements s’expriment sur les mesures à prendre - © D.R.
Depuis plusieurs semaines les conférences d’établissements s’expriment sur les mesures à prendre - © D.R.

Depuis le mois de janvier, chacun y est allé de son analyse, de ses demandes et de ses suggestions aux candidats à l’élection présidentielle. Au fil des semaines, France Universités, la Conférence des directeurs d’écoles d’ingénieurs (Cdefi), la Conférence des grandes écoles (CGE), la Conférence des grandes écoles de management (CDEFM) ou encore la Fédération des établissements d’enseignement supérieur d’intérêt collectif (Fesic) ont fait état des mesures à prendre pour les années à venir concernant l’enseignement supérieur.

Leurs propositions s’agencent autour de cinq sujets principaux : le financement du sup', la gouvernance des établissements, l’orientation, la mixité/diversité dans les filières ainsi que la vie étudiante.

Booster le financement de l’enseignement supérieur

Un investissement attendu de la part de l’État 

C’est la proposition phare de la France Universités pour le prochain quinquennat : une loi de programmation de l’enseignement supérieur, jugée comme l’indispensable complément à la loi de programmation pour la recherche promulguée en 2020, votée à la fin de l’actuel quinquennat. France Universités chiffre le besoin à un milliard d’euros d’investissement supplémentaires par an de la part de l’État, et ce pour une durée de cinq ans.

Jacques Fayolle, président de la Cdefi, est intervenu lors de Think 2022, l’événement de News Tank et Campus Matin - © Seb Lascoux
Jacques Fayolle, président de la Cdefi, est intervenu lors de Think 2022, l’événement de News Tank et Campus Matin - © Seb Lascoux

Cette idée de loi de programmation est partagée par la Cdefi, qui met en avant l’enjeu de former 5000 ingénieurs supplémentaires par an. La Conférence, qui rassemble des établissements aux statuts variés, plaide à la fois pour une augmentation de la dotation aux écoles d’ingénieurs publics ainsi que pour une hausse de la subvention accordée à celles disposant du label « établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt » (Eespig) - il faudrait la passer à 1500 euros par étudiant et par an, contre 600 euros en 2020. 

Du côté des écoles de management, la CDEFM porte son attention sur l’apprentissage en demandant que l’État joue un rôle de financeur plus important, en s’assurant de la prise en compte du coût-contrat complet pour les étudiants des écoles reconnues par le ministère de l’enseignement supérieur de la recherche et de l’innovation (Mesri), et en répartissant le paiement de la scolarité entre le coût apprenti et la prise en charge par l’entreprise d’accueil de l’étudiant.

Même son de cloche pour la Cdefi, qui avance le chiffre de 11 000 euros minimum pour faire financer par l’État le coût complet de la formation par apprentissage.

Quant à France Universités, elle préconise de créer 100 000 places en apprentissage en cinq ans au sein des universités, à tous les niveaux.

Un contrat pluriannuel pour les universités

Nathalie Drach-Temam est présidente de Sorbonne Université. - © Laurent Ardhuin
Nathalie Drach-Temam est présidente de Sorbonne Université. - © Laurent Ardhuin

Pour France Universités, il faut davantage d’autonomie, en particulier sur les ressources humaines des établissements, la gouvernance et dans le dialogue avec l’État. La solution ? 

Un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens avec évaluation des résultats a posteriori. L’enjeu : donner une meilleure visibilité sur leurs ressources, fixer des objectifs à moyen terme… et prévoir des contrôles moins fréquents. 

Comme le souligne Nathalie Drach-Temam, présidente de Sorbonne Université, « il est difficile d’évaluer les avancées de la recherche d’un établissement sur seulement un an. On n’a pas été jusqu’au bout de l’autonomie des universités. Il faut un contrat d’objectifs et de moyens pluriannuel », poursuit-elle.

Diversifier les modes de financement

Laurent Champaney est président de la CGE. - © Nicolas Krtolica
Laurent Champaney est président de la CGE. - © Nicolas Krtolica

Les écoles souhaitent pouvoir diversifier leurs modes de revenus. La Cdefi dit ainsi vouloir « faciliter pour les écoles les politiques de développement de ressources propres hors État : partenariats avec les entreprises et mécénat en encourageant les dons à destination des établissements d’enseignement supérieur et de recherche par une défiscalisation accrue et la mise en place d’outils adéquats de gestion de ces dons.

Dans la même veine, la Conférence des grandes écoles ouvre à nouveau le débat concernant les droits d’inscription, comme l’indique Laurent Champaney, son président :

« Dans certaines écoles publiques du Mesri, nous estimons que la limitation des frais de scolarité devient un frein à la qualité de vie étudiante et cela génère aussi des biais entre nos établissements. Il faut aller de l’avant en donnant plus de souplesse aux établissements publics pour qu’il puisse y avoir une modularité possible, entre l’exonération totale et le plein tarif. »

Des pistes pour le paiement des droits d’inscription

Comment financer des droits d’inscription à la hausse ? La mise en place du prêt à remboursement contingent au revenu (Parc) serait une solution, selon la CGE et la CDEFM. Ce dispositif permet à un étudiant de rembourser son prêt une fois entré dans le monde du travail et son revenu ayant atteint un certain seuil. Mais il est loin de faire l’unanimité. 

Alice Guilhon est présidente de la CDEFM - © Lora Barra
Alice Guilhon est présidente de la CDEFM - © Lora Barra

La Fesic s’accorde aux deux premières conférences sur le Parc, mais propose aussi le développement des prêts étudiants garantis par l’État. Celui-ci permet à l’étudiant de rembourser son emprunt de manière différée puisque l’État s’en porte garant, dans la limite d’un budget voté chaque année. 

Une autre manière d’aider à payer ces droits est avancée par Alice Guilhon, présidente de la CDEFM : 

« Si on voit l’enseignement supérieur comme un investissement et comme un des piliers de la compétitivité de notre pays, pourquoi ne pas l’accompagner d’une politique de défiscalisation des droits de scolarité qui permettrait d’avoir plus de fonds à donner aux boursiers ? »

La Cdefi présente aussi cette piste, mais pas pour le financement de la formation initiale. Elle suggère de « défiscaliser les dépenses de formation continue des particuliers et des entreprises, à travers un crédit d’impôt formation ».

La Fesic précise cette idée en donnant deux possibles applications :

  • En défiscalisant les frais de scolarité versés aux Eespig sur l’année fiscale en cours en relevant le seuil ;
  • En défiscalisant les remboursements d’un emprunt lié aux frais de scolarité, pendant les premières années de remboursement (pour le jeune diplômé).

Repenser l’orientation

Face à la pression démographique, à l’échec en première année de licence ou encore au manque de mixité dans certaines filières, les conférences d’établissements plaident pour revoir l’orientation des étudiants.

Manuel Tunon de Lara est président de France Universités (ex-CPU) - © D.R.
Manuel Tunon de Lara est président de France Universités (ex-CPU) - © D.R.

France Universités insiste d’abord sur l’offre de formation qui doit évoluer, massivement. Elle propose ainsi de consolider la professionnalisation du premier cycle et d’ouvrir 50 000 places en cinq ans en bac+1, bachelor universitaire de technologie (BUT) et licence professionnelle. Il faut aussi jouer au niveau master, préviennent les universités, avec le financement de 25 000 places, et du doctorat, avec 10 000 contrats en cinq ans.

Pour la CGE, la réforme du lycée et du bac doit s’accompagner de davantage de mécanismes d’orientation. Elle avance plusieurs idées pour « améliorer le continuum entre le secondaire et le supérieur », par exemple d’inventer un statut de “professeur orientateur” volontaire, qui travaillerait avec le supérieur. Il faut aussi, selon les grandes écoles, améliorer la lisibilité des offres de formation et en particulier mieux réguler les cursus proposés par les établissements du secteur privé lucratif.

La CDEFM propose d’uniformiser l’orientation dans tout le paysage du sup’ et cela passe par deux grandes idées. En premier lieu, la création d’un portail unique dans les régions pour diffuser l’information sur l’orientation. Dans un second temps, une uniformisation de la formation des conseillers d’orientation.

La Cdefi poursuit cette idée du portail unique en évoquant la mise en place d’un observatoire des choix disciplinaires.

Favoriser la mixité dans les filières

Depuis la réforme du bac qui a entraîné une baisse de fréquentation de la part des étudiantes dans les filières scientifiques, la question de la mixité dans ces filières est régulièrement soulevée. Pour y parvenir, la CGE propose un petit retour en arrière en requérant que le socle des matières au lycée soit obligatoirement composé de sciences humaines et sociales ainsi que d’éducation aux sciences dures et aux sciences de l’ingénieur.

Cette mesure vise à lutter contre l’autocensure des étudiants, que ce soit celle des jeunes femmes pour les sciences, comme pour les jeunes hommes pour les filières littéraires.

De son côté, la Cdefi souhaite définir des indicateurs de mixité et également renforcer la formation scientifique en amont du bac, dès le primaire. Cela pourrait se faire par des programmes de mentorat.

Une volonté d’améliorer la vie étudiante

La crise sanitaire a mis les conditions de vie des étudiants en pleine lumière et les conférences d’établissements s’en souviennent à l’heure d’exprimer leurs attentes. 

Une réévaluation des critères d’accès aux bourses 

France Universités, qui aimerait que le pilotage de la vie étudiante et la coordination de ses acteurs à l’échelle des territoires soient confiés aux universités, propose une refonte des dispositifs d’action sociale. Cela passerait notamment par une refonte des bourses sur critères sociaux.

Pour les écoles de la CDEFM, il faut une augmentation significative des bourses pour les étudiants issus d’établissements relevant du Mesri, une mesure indispensable à une meilleure ouverture sociale. 

Le logement à développer

La Cdefi n’est pas en reste, évoquant notamment le besoin d’accroître l’offre de logements Crous, disponibles pour moins de 10 % des étudiants actuellement. « Le nombre de logements étudiants devrait être triplé pour offrir un logement Crous à tous les étudiants qui en ont besoin. »

Les écoles d’ingénieurs évoquent aussi une politique plus ambitieuse d’aide à l’alimentation étudiante, notamment à travers un renforcement des moyens du Crous et l’ouverture de restaurants universitaires.

La Fesic n’oublie pas les étudiants des établissements labellisés Eespig, qui devraient bénéficier d’un accès aux services publics universitaires.

Des établissements acteurs des transitions ?

Si le sujet du développement durable a du mal à émerger dans le débat politique, il figure parfois dans les propositions des acteurs du supérieur.

Les universités doivent être « actrices de la transition écologique et sociétale », lance France Universités. La conférence énumère des pistes nombreuses : déployer un grand plan de rénovation du patrimoine, « positionner les universités comme des actrices majeures de la stratégie de l’État en matière de transition écologique et sociétale » et intégrer le sujet dans les cursus en mettant à disposition un socle commun de connaissances et compétences.

Pour le président de la Conférence des grandes écoles, Laurent Champaney,  « la question se pose de savoir comment nos générations vont devenir actrices de nos transitions ». Il propose pour cela de « construire des ponts avec les mondes socioéconomiques dans les cursus » et de travailler sur la question de la montée en compétences des cadres déjà en place dans les entreprises pour les sensibiliser aux enjeux de demain.