Le Comité numérique pour la réussite étudiante et l’agilité des établissements du ministère de l’ESR a diffusé en mars sa stratégie numérique. Une feuille de route construite avec les acteurs de terrain, qui définit des orientations pour les établissements et doit aboutir à des propositions concrètes dans les mois à venir sur différentes thématiques comme les RH, les systèmes d’information ou les infrastructures numériques.
Analyser l’impact de l’IA sur les pratiques et dispositifs pédagogiques, établir la cartographie des systèmes d’information scolarité, orientation et insertion professionnelle, simplifier les procédures pour les étudiants, élaborer une stratégie nationale pour l’éducation ouverte, proposer une offre nationale de solutions collaboratives souveraines pour l’ESR.
Voici quelques-unes des 14 mesures prioritaires définies par le Comité numérique pour la réussite étudiante et l’agilité des établissements (Coreale) dans sa
feuille de route pour 2023-2027
diffusée en mars 2024.
Comment cette feuille de route a-t-elle été construite ?
En 2023, la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (Dgesip), la direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI) et France Universités ont lancé le Coreale pour élaborer une feuille de route.
Ont participé aux travaux les différentes directions ministérielles et associations professionnelles, comme l’Assemblée des directeurs des systèmes d’information (A-DSI), l’association des vice-présidents numériques (VP-Num) ou encore le Comité des services informatiques de l’enseignement supérieur et la recherche (Csiesr).
Un document stratégique issu d’une démarche participative
« Ce sont les établissements qui implémenteront les sujets. Le lien entre stratégie et expérience sur le terrain devrait encourager l’adoption des décisions », indique Gilles Roussel, président de l’Université Gustave Eiffel et coprésident du Coreale à News Tank (abonnés).
La feuille de route qui en découle contient 30 mesures dont 14 prioritaires. Chacune a été confiée à un binôme de coordinateurs chargé de solliciter des interlocuteurs puis de fournir un livrable dans les 6 à 36 mois à venir avec des propositions.
« Les vice-présidents numériques ont participé à la construction. C’est une bonne chose que l’on puisse définir le cadre ensemble, mais quels sont les moyens derrière pour le mettre en œuvre ? », commente Olivier Wong, vice-président numérique de l’Université de Rennes lors d’une journée d’échanges sur le projet Demoes de l’Université de Lorraine le 22 mars.
Renforcer la coordination des acteurs du numérique
Les acteurs impliqués dans la stratégie numérique de l’ESR sont larges et comprennent à la fois le ministère, les établissements du supérieur, les organismes de recherche, les producteurs de ressources, les centrales d’achat et les entreprises edtechs.
« Cette multitude d’acteurs constitutifs de notre écosystème numérique dont les responsabilités, les besoins et les pratiques ne sont pas les mêmes, dont les rôles et périmètres de compétences respectifs peuvent parfois apparaitre comme manquant de clarté et dont la coordination est déterminante à la construction d’une vision commune de nature à offrir à tous les étudiants et personnels un environnement numérique adapté à leurs attentes, nécessite de revisiter la cohérence d’ensemble et de définir un pilotage adapté », souligne le Coreale.
Quels en sont les principaux enjeux ?
La feuille de route du Coreale présente quatre enjeux majeurs à prendre en compte par l’enseignement supérieur et la recherche pour la période 2023-2027 :
Des infrastructures numériques et des services associés en appui à la production et la diffusion de connaissance ;
Un numérique au service de la réussite des apprenants ;
Un système d’information en appui au bon fonctionnement des universités, des écoles et des organismes de recherche ;
Un système d’information au service des personnels des directions du ministère.
Quitter les Gafam pour assurer la souveraineté de l’ESR ?
Avec la sécurité, le numérique responsable, la cloudification et l’ouverture ou circulation des données, la souveraineté fait partie des cinq grands principes dictés par le ministère et qui doivent accompagner l’ensemble des projets menés par les acteurs du numérique de l’enseignement supérieur et de la recherche.
« Le but de la souveraineté est que l’État conserve une possibilité et une capacité de choix des outils qu’il utilise, afin de pouvoir garantir, sur la durée, la disponibilité et la maîtrise des données et logiciels qu’il produit », précise la feuille de route.
Dans cette optique, la Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (Dgesip) a mis à disposition des établissements publics gratuitement quatre plateformes numériquesopen source et souveraines en mars 2023 :
la solution de classe virtuelle BigBlueButton (BBB) alternative à Zoom ou Teams et opérée par direction du numérique pour l’éducation ;
Esup-Pod pour les vidéos à la demande ;
une solution de tableaux de bord pédagogiques conçue par Avignon Université ;
et un espace collaboratif d’examen à distance.
Difficile de se passer des outils américains
Sur la souveraineté, la feuille de route du Coreale va encore plus loin et évoque la possibilité de « quitter les Gafam », quand des alternatives existent. Un principe nuancé par le référent numérique de France Universités, Gilles Roussel :
« Dans l’état actuel, cela semble irréalisable. Toutefois, si les questions de souveraineté deviennent prioritaires et que l’État définit clairement ses attentes vis-à-vis de ses opérateurs, cela deviendra nécessaire. »
« Pour encourager l’utilisation des outils souverains proposés par la Dgesip, il est crucial d’expliquer aux établissements l’importance de cette démarche. Sans directive explicite, il est difficile de se détourner des outils des Gafam en raison de leur qualité. Leur simplicité et leur qualité sont des atouts majeurs. Sans contraintes de confidentialité ou de souveraineté, il n’y a pas de raison pour que les établissements changent de fournisseurs », poursuit-il.
Le détail des 30 mesures du Coreale
Faciliter l’entrée à l’université, le parcours d'études et la préparation de son avenir professionnel
Établir la cartographie des SI « scolarité, orientation et insertion professionnelle », recenser les redondances, s’assurer de leur interopérabilité et identifier les projets pouvant devenir des communs numériques.
Mener une réflexion nationale autour d’une démarche de simplification des procédures administratives conduisant à des propositions concrètes pour que les services numériques soient facilement accessibles par les étudiants.
Clarifier les modalités réglementaires et expérimenter les solutions techniques de la mise en place d’un diplôme numérique national/européen.
Cartographier et urbaniser les SI du domaine santé.
Le numérique en appui à la stratégie internationale
Identifier les usages numériques des universités permettant d’assurer un parcours fluide européen et les compléter si besoin.
Établir et diffuser aux établissements une cartographie des acteurs des SI en appui aux relations internationales afin de faciliter les démarches des étudiants en mobilité.
Identifier, d’une part, les irritants et les incompréhensions pour et avec les étudiants en mobilité et, d’autre part, préconiser des pistes d’amélioration en lien avec tous les acteurs concernés.
Aider à apprendre, comprendre et réutiliser ses connaissances et compétences
Identifier les freins aux usages numériques pédagogiques et proposer des actions, notamment RH, pour y remédier.
Améliorer la visibilité et l’interopérabilité des ressources pédagogiques en favorisant les convergences et les mutualisations.
Élaborer une stratégie nationale pour l’éducation ouverte, notamment en renforçant l’accès et la valorisation des ressources éducatives libres.
L'usage des technologies de l'éducation et l'impact de leur évolution sur les enseignements dispensés dans le supérieur
Mutualiser la veille technologique pour l’éducation au niveau national, repérer les dispositifs mutualisables, mesurer leurs impacts sur les apprentissages et encourager les échanges entre pairs via des communautés de pratique.
Analyser l’impact de l’IA sur les pratiques et dispositifs pédagogiques.
Construire un cadre technique et réglementaire favorisant l’utilisation, la cohérence et l’interopérabilité des offres numériques, notamment celles des edtechs.
Des services numériques adaptés au projet d'études de l'apprenant et à sa vie étudiante
À partir de la cartographie des principaux services numériques existants pour les étudiants, identifier les plus pertinents pour qu’ils deviennent des services numériques nationaux (communs numériques) avec le souci permanent de l’interopérabilité entre services, établissements, administrations…
Définir une stratégie de développement des usages des dispositifs Statut étudiant/statut boursier (API) par des fournisseurs de services (e.g., transport, activités culturelles, collectivités territoriales) afin de simplifier leurs échanges avec tous les étudiants.
Des solutions numériques facilitant l'inclusion de tous les apprenants
Créer un observatoire national de l’accessibilité des services numériques de l’ESR, constituer des communautés d’utilisateurs, pour les positionner au centre de la conception et de l’évaluation de ces services.
Proposer un agenda de mise à niveau des services numériques nationaux respectant les normes d’accessibilité, avec un plan de remédiation, ciblant en priorité les services les plus utilisés. Concernera à la fois les dispositifs proposés par le MESR, l’Amue, le Cnous, etc.
Identifier les équipements et matériels adaptés aux étudiants à besoins spécifiques pour en créer un vademecum diffusable au niveau national.
Mettre en place un groupe de travail chargé de proposer des dispositifs numériques facilitant la recherche d’une « formation entièrement dispensée à distance » (EAD) pour les publics éloignés des sites universitaires (campus connectés).
Un SI en appui au bon fonctionnement des universités, des écoles et des organismes de recherche
Établir un état des lieux concernant l’hébergement des plateformes et services numériques des principaux opérateurs et proposer une offre nationale de solutions collaboratives souveraines pour l’ESR interopérables avec les SI des établissements et tenant compte de tous les usagers (personnels et étudiants).
S’assurer de l’équité de connexion à Internet des établissements et proposer un plan de financement.
Réunir tous les acteurs concernés par « l’Identité numérique de l’apprenant » pour élaborer des propositions de nature à fluidifier l’accès aux solutions numériques en tenant compte de l’identité numérique des citoyens et de celles déployées dans l’ESR et l’enseignement scolaire.
Des systèmes d'information fournissant des données fiables au service de la gouvernance
Définir un socle d’indicateurs communs et évolutifs entre les SI décisionnels des établissements à interfacer avec celui en construction au MESR.
Publier la liste des cadres de cohérence des données administratives disponibles.
Prolonger les démarches de convergence des processus administratifs dans la sphère « recherche ».
Proposer un cadre des différentes coconstructions possibles de solutions de SI pour les fonctions support impliquant les établissements.
Faciliter l'activité professionnelle de toutes les catégories de personnels
Mettre en place un catalogue national des formations mutualisées entre établissements d’ESR et opérateurs numériques nationaux pour tous les personnels et les enseignants de l’ESR tenant compte d’une cartographie de l’évolution des métiers de l’ESR.
Élargir l’utilisation de PIX+ afin de permettre aux enseignants/chercheurs et personnels de l’ESR d’évaluer leurs compétences numériques et déterminer un niveau PIX+ à atteindre dans tous les recrutements.
Une politique RH adaptée aux métiers du numérique
Participer à un état des lieux avec la DGRH de la situation dans les établissements (concours infructueux, nombre de candidats aux concours, taux de mobilités, procédures de recrutement sans candidat,…) et proposer, avec tous les acteurs concernés, des solutions pour remédier aux difficultés identifiées.
Élaborer un plan de formation national pour renforcer les compétences des informaticiens en lien avec l’évolution du numérique