Comment attirer et fidéliser les talents dans un contexte de plus en plus concurrentiel ?
Transformation digitale, essor des thématiques RSE : autant d’évolutions sociétales qui modifient en profondeur les relations des entreprises à leurs collaborateurs. Quelles clés donner aux DRH et aux recruteurs pour attirer et fidéliser des talent de plus en plus convoités et exigeants ? Tel était le thème du webinaire Campus Matin et RH Matin, en partenariat avec l’Essca le 22 juin.
Cycle : Campus Matin
« Avec un taux de chômage inédit depuis 1982, la problématique de l’attractivité des talents concerne aujourd’hui toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, leur secteur d’activité ou leur implantation géographique », relève Xavier Chauveau, directeur talents et parcours intérimaires de Groupe Partnaire. Quels sont leurs leviers d’attraction et de fidélisation des candidats et des collaborateurs ?
Baisse de l’engagement et prime à la flexibilité et à la reconnaissance
La démarche commence par le fait de repenser l’expérience employé. Les employeurs pourront s’appuyer sur l’étude présentée par Philippe Valo, associé consulting RH et SIRH de KPMG France. « Quasi 80 % des salariés se disent satisfaits de leur travail, indique-t-il. Par contre, seuls 17 % seraient prêts à recommander leur organisation. Depuis la Covid, on observe une dégradation croissante de l’engagement vis-à-vis de l’entreprise. »
Autre point intéressant : l’aspiration à une flexibilité accrue. « Les salariés ayant accès au télétravail sont plus satisfaits que ceux qui n’y ont pas accès, expose Philippe Valo. Or, si 50 % des postes sont télétravaillables, seulement 25 % des employés télétravaillent effectivement. » D’où l’intérêt des autres vecteurs de flexibilité. Éclairage notoire de l’étude : 43 % des salariés seraient prêts à opter pour une semaine sur quatre jours, assortie d’une charge de travail de cinq.
La relation au manager est un autre élément clé. « La sensation globale est celle d’un manque d’écoute au quotidien. Les salariés attendent aussi une reconnaissance du travail effectué », précise Philippe Valo.
Il conclut : « Ces chiffres montrent la nécessité d’un réengagement, tant pour attirer les candidats que pour créer une dynamique interne positive, propre à retenir les collaborateurs. »
Les clés pour attirer les talents
Les entreprises peuvent mettre en œuvre différentes tactiques afin de se démarquer en matière de recrutement.
Savoir donner des gages solides en matière d’engagement
Les entretiens inversés se multiplient, avec des candidats qui posent des questions aux recruteurs. « Ce qui implique d’être préparé à argumenter autour des thématiques du moment : qualité de vie au travail, avantages sociaux, sens mis dans les projets d’entreprise et engagement de celle-ci vis-à-vis de ses parties prenantes externes », détaille Virginie Chevriot, responsable attractivité et marque employeur de Saint-Gobain France.
Multiplier les avantages sociaux
Pour attirer les talents, plus question de se cantonner au niveau de salaire, ni même au remboursement des transports et autres tickets restaurants et mutuelle. Laurent Pillet, directeur général associé de News Tank RH, donne l’exemple d’une offre d’emploi d’un éditeur de logiciel pour une start-up parisienne, qui déroule cinq éléments de flexibilité propres à séduire les candidats.
« Contrat à temps partiel possible ; une journée par mois en sus des congés à consacrer à un projet personnel; poste en full remote permettant de travailler de partout dans le monde, avec juste deux jours par mois dans les bureaux de l’entreprise, tous frais pris en charge ; 400 euros donnés pour s’équiper et 200 euros par an pour la culture. Et même 25 euros mensuels d’abonnement thé-café ! », énumère-t-il.
Impliquer financièrement les collaborateurs
Néanmoins, les leviers salariaux traditionnels n’ont pas dit leur dernier mot. Selon l’étude KPMG, la rémunération est même le sujet numéro un pour 64 % des personnes interrogées. C’est ce qu’on a bien compris chez Saint-Gobain. « Nos collaborateurs en France sont les premiers actionnaires du groupe, et le Plan épargne entreprise est toujours un levier d’attractivité », note Virginie Chevriot.
Des stratégies pour fidéliser ses collaborateurs
Attirer les talents est une chose, les conserver en est une autre. Là encore, les outils RH ne manquent pas.
Être à l’écoute
Saint-Gobain a mis en place un baromètre annuel pour mesurer le bien-être de ses 170 000 collaborateurs et améliorer en continu ses process RH. Xavier Chauveau préconise d’« être à l’écoute de la personne, quel que soit son niveau, d’aborder l’individu dans sa globalité pour lui apporter une trajectoire individualisée, tout en encourageant la co-construction et la prise d’initiatives. »
Donner du sens au travail
Chez Partnaire, chaque collaborateur en CDI dispose de deux jours par an pour partager son savoir-faire, auprès d’une association par exemple. Et les résultats sont là : « Pour 77 % de nos salariés, ce mécénat de compétences augmente leur attachement à l’entreprise », précise Xavier Chauveau.
Soigner particulièrement le processus d’intégration
Un point encore négligé dans nombre d’entreprises, à tel point que 25 % des nouvelles recrues partent sans donner de nouvelles. Une déperdition des talents encore plus marquée au niveau des nouvelles générations. « Pour éviter cet écueil, il s’impose de mettre en place un parcours d’intégration bien défini, recommande Laurent Pillet. Il faut que les trois premiers mois des nouvelles recrues soient extraordinaires, uniques. »
Jalonner l’expérience salarié de moments d’exception
Ces moments d’exception doivent perdurer tout au long de la vie du collaborateur dans l’entreprise.
« Il convient d’être attentif au passage de l’équipe recrutement aux RH et aux managers, pour travailler de concert sur la manière de fournir à la personne un accompagnement sur mesure au long cours », précise Philippe Valo.
Améliorer les process RH
Pour Virginie Chevriot, s’adapter nécessite de s’ouvrir sur les pratiques qui se font ailleurs. Pour Philippe Valo, cela demande de rendre ces process plus horizontaux. « Chez KPMG, cette démarche passe notamment par le reverse management, via un Next Gen Committee où des jeunes viennent travailler avec les comex pour éclairer les décisions du cabinet de manière différente », illustre-t-il.
Les process RH gagneront également à être toujours plus évolutifs. « La reconnaissance passe aussi par la formation et la montée en compétences des collaborateurs », souligne Virginie Chevriot. Sans oublier la dimension « motivation personnelle ». Laurent Pillet appelle de ses vœux un « changement de mentalité » en matière de formation des managers. « Ceux-ci doivent acquérir la dimension d’un coach, qui aide les collaborateurs à se dépasser », avance-t-il.
Les points de vigilance
Certains écueils sont à éviter afin de ne pas gripper la machine.
Le manque de réactivité
« Face à des remontées des collaborateurs, la temporalité est fondamentale », note Virginie Chevriot.
La dilution du lien social liée au full remote
Autre enjeu majeur pour les DRH : recréer rituels et environnement de travail collaboratifs, afin de pallier le risque de perte de lien social associé au remote working. « Aujourd’hui, quand les gens viennent au bureau, il faut qu’ils aient une bonne raison, pointe Laurent Pillet. Ce qui impose de redonner un vrai sens aux périodes en présentiel. »
Le « green washing »
L’entreprise doit tenir scrupuleusement ses promesses.
« Les jeunes, en particulier, demandent des gages autour de nos engagements en matière de RSE, témoigne Virginie Chevriot. Il n’y a rien de pire, pour une marque employeur, que d’être en décalage entre sa communication et le vécu des collaborateurs en interne. »
Ne pas oublier le départ de l’entreprise
« Il faut aussi soigner cette phase, en recueillant et synthétisant les messages du collaborateur sortant, pour faire en sorte qu’il redevienne potentiellement un jour un collaborateur entrant », conseille Virginie Chevriot. C’est dans cette même optique que KPMG travaille la gestion de ses alumni.
Se préparer à une véritable révolution du travail
Dans les années à venir, les défis posés aux équipes RH vont encore monter en puissance.
La délocalisation totale des compétences
Pour Laurent Pillet, le lieu de travail est une notion appelée à disparaître. « Aujourd’hui, ce qui intéresse le recruteur, ce n’est pas où est la personne, mais de trouver la compétence, le plus rapidement possible, et sur un terrain de jeu mondial, analyse-t-il. Pour attirer les talents, il va falloir se préparer à un changement total d’organisation du travail. »
Des tensions qui vont encore s’accélérer
« Il faut sensibiliser les dirigeants au fait que la compétition va être de plus en plus forte et que la pénurie de compétences va être le facteur clé de leur business dans les quinze prochaines années, appuie Laurent Pillet. Et les nouveaux défis, comme l’intelligence artificielle, vont encore accélérer les choses. »