[Replay] Nouveaux outils, nouvelles pratiques : les mutations de l’enseignement supérieur

Entre l’apparition d’outils numériques et de nouveaux modes d’apprentissage, le modèle pédagogique de l’enseignement supérieur est en constante évolution. Alors qu’approche la présidentielle, quel développement des usages imaginer au cours du prochain quinquennat ? Campus Matin et son partenaire Wooclap se sont posés la question à l’occasion d’un webinaire de Think Education et Recherche 2022.

Cycle : Campus Matin

Pendant la crise sanitaire, l’enseignement supérieur a dû se réinventer entre cours à distance et enseignement hybride. Les nouveaux usages qui se sont instaurés invitent à la réflexion. Comment évolueront-ils dans les cinq prochaines années ? Quelles nouvelles pratiques et outils pédagogiques pourra-t-on voir émerger ?

Une pédagogie plus flexible…

Kristine Naltchadjan est directrice éducation et recherche chez Microsft - © Microsoft
Kristine Naltchadjan est directrice éducation et recherche chez Microsft - © Microsoft

« Beaucoup des emplois d’aujourd’hui n’existeront plus dans quelques années. L’adaptabilité est donc vraiment importante pour l’employabilité de demain », souligne Kristine Naltchadjan, directrice éducation et recherche chez Microsoft

Et cette adaptabilité, estime-t-elle, doit être acquise au cours des études supérieures. Ce qui passe par une évolution déjà entamée : celle d’un modèle pédagogique flexible. 

… dans le temps …

Une flexibilité qui s’inscrit dans la temporalité du suivi des enseignements. Entre l’envie d’un cursus plus diversifié, un petit boulot ou encore un engagement associatif, il s’avère complexe, pour les étudiants, de suivre un cursus de manière linéaire. Selon Philippe Malbos, vice-président stratégie numérique et système d’information à l'Université Claude Bernard Lyon 1, il faut repenser l’enseignement afin que celui-ci s’adapte aux diverses contraintes.

« La personnalisation permet aux étudiants artistes ou sportifs de haut niveau de faire une pause dans leurs études tout comme elle permet aux étudiants qui veulent aller plus loin, plus rapidement, d’obtenir des doubles diplômes. Avec les césures, ils peuvent ainsi interrompre leurs études de façon totalement sécurisée pendant trois mois ou six mois pour un projet de vie, et les reprendre là où elles s’étaient arrêtées. À Lyon 1, ça a permis de décloisonner les cursus », avance-t-il. 

Un étalement des cursus dans le temps qui implique de se pencher sur les microcompétences. Ces dernières permettent ainsi de reconnaitre les acquis obtenus dans une matière n’ayant pas été complétée dans son intégralité. La validation intervient alors une fois toutes les microcompétences maîtrisées.

Cette nouvelle manière d’évaluer permet par ailleurs de lutter contre le décrochage, selon Philippe Malbos. « Si l’on détecte un décrochage scolaire chez un étudiant, on peut mettre en place un dispositif de validation de microcompétences qui sont vectrices de stimulation et de réussite. On s’adapte en fonction du ressenti de l’étudiant et on peut dilater l’apprentissage dans le temps en travaillant avec le microlearning et les microcompétences pour laisser à l’étudiant le temps de progresser. »

… et dans l’espace !

Philippe Malbos travaille sur le projet Include retenu dans le cadre de l’AMI Demoes - © Université Lyon 1
Philippe Malbos travaille sur le projet Include retenu dans le cadre de l’AMI Demoes - © Université Lyon 1

L’enseignement de demain est également amené à évoluer dans ses modalités de lieux. Entre les vagues de Covid-19 qui obligent à l’isolement et le développement de tiers-lieux, les cours adoptent de nouvelles formes hybrides. 

Une flexibilité d’espace qui offre une plus grande accessibilité aux enseignements, notamment pour les étudiants en zone rurale, au sein d'antennes universitaires et de campus connectés. Selon Philippe Malbos, cette idée doit être encouragée :

« À partir de cette année, nous allons développer des programmes d’hybridation qui seront effectifs sur l’ensemble d’une formation. Un étudiant pourra effectuer une licence entière en distanciel. Il faut donc repenser le projet pédagogique enseignement par enseignement mais également sur l’ensemble de la formation. »

Pour Fabien Maurin, directeur des ventes chez Wooclap, l’hybridation est aussi le moyen d’avoir accès à un plus large flux d’informations. Ainsi, un étudiant français peut décider de suivre les cours de grandes universités à travers le monde.

Nouveau modèle, nouvelle méthodologie

Tamim Elbasha est directeur apprentissage et développement de la qualité chez Audencia - © D.R.
Tamim Elbasha est directeur apprentissage et développement de la qualité chez Audencia - © D.R.

Un pré-requis néanmoins au bon déroulement d’un modèle pédagogie aussi flexible : une exigence accrue de rigueur ou de méthode des étudiants. À cela, Kristine Naltchadjan répond : « Il ne faut pas confondre flexibilité et manque de méthodologie. Il y a une méthodologie qui est différente. »

Du côté de l’enseignant également, cela nécessite une adaptation. Tamim Elbasha, directeur apprentissage et développement de la qualité chez Audencia, explique le numérique et la flexibilité impliquent « de nouvelles pratiques de scénarisation pédagogique, une nouvelle préparation du cours et des évaluations ».

« Ce sont des pratiques que l’on a adaptées pendant le confinement et même après la réouverture des campus, ces nouvelles pratiques persistent. Chez Audencia, nous organisons des semaines pour apprendre à apprendre destinées aux enseignants et aux étudiants, pour leur expliquer comment gérer cette liberté, cette flexibilité. En plus, nous venons de monter un programme de formation sur 18 mois pour nos professeurs afin de les aider à adapter leurs pratiques pédagogiques aux cours hybrides », annonce-t-il.

Développer une pédagogie plus inclusive : le projet Include

Coordonné par l’Université Claude Bernard Lyon 1, le projet Include est retenu par l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) en octobre 2021. Il fonctionne comme « un lieu de travail et de réflexion entre les edtechs, les équipes pédagogiques et les laboratoires de recherche sur toutes les problématiques liées à l’inclusion », explique Philippe Malbos. Son but est de mettre en place des méthodes de travail inclusives et adaptables aux besoins des étudiants qu’ils soient spatiaux, temporels ou cognitifs. À terme, les méthodes de travail pourront irriguer les cursus déjà existants et inciter les enseignants à créer de nouveaux cursus.

Vers une nouvelle pédagogie guidée par la data ? 

Agir sur l’expérience globale de l’étudiant

« Quand on est dans un amphi face à 100 ou 200 élèves, il est difficile de savoir si chacun a compris. Ce que l’on peut faire avec Wooclap, c’est interroger les étudiants. En récupérant les données, l’enseignant saura quelle proportion de sa classe a compris une notion ou pas et par la suite, il pourra s’adapter », explique Fabien Maurin.

Fabien Maurin est directeur des ventes chez Wooclap - © D.R.
Fabien Maurin est directeur des ventes chez Wooclap - © D.R.

Le présentiel augmenté permet de rendre les cours plus interactifs et adaptables aux besoins des étudiants. « Si un élève n’a pas compris ce qu’est un triangle rectangle, il décrochera au moment de passer au théorème de Pythagore. A l’aide d’outils numériques, on peut détecter les difficultés de l’apprenant en amont. Et ainsi permettre à l’enseignant de s’adapter et de proposer des contenus complémentaires. »

Par ailleurs, grâce aux données produites par ces outils numériques (présence d’un étudiant en cours, interactivité, latence de réaction), il est possible de savoir si un élève est en situation de décrochage. Plus loin encore, on peut imaginer détecter le mal-être d’un étudiant et imaginer une prévention adaptée.

Des outils à cocréer 

Pour créer des outils adaptés aux besoins, le travail main dans la main avec les établissements est primordial, défend Fabien Maurin. 

« Il y a un vœu qui est formulé par l’ensemble de l’écosystème edtech, c’est celui de collaborer avec l’enseignement supérieur. La bonne nouvelle est que ce lien est en train de s’intensifier ».

Les craintes pour la protection de la vie privée

Bien que la loi européenne impose le respect du Règlement général sur la protection des données (RGPD), des inquiétudes subsistent quant à l’utilisation des datas. Pour répondre à ces craintes, une solution est de favoriser la communication entre les edtechs, les enseignants et les étudiants, propose Kristine Naltchadjan. 

« Il ne faut pas que les élèves aient l’impression d’être passés sous scanner. Il doit y avoir une totale transparence. Il ne faut pas hésiter à demander aux entreprises de venir expliquer l’utilisation des données », indique-t-elle. 

Les vœux des intervenants pour le prochain quinquennat