Tuteurs, entraide et partenariats : les bonnes recettes d’un campus connecté
Par Marine Dessaux | Le | Expérience étudiante
Spécial rentrée, épisode 3. Passés de 13 à 89 après la troisième vague d’appel à projets dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir 3, les campus connectés s’installent dans le paysage de l’enseignement supérieur. Pensés comme complémentaires de l’université pour des profils spécifiques, ces campus d’enseignement à distance évoluent depuis leurs débuts, en 2019. Campus Matin s’est rendu à Saint-Raphaël pour esquisser le portrait de ce nouvel objet.
Vous avez du mal à vous représenter un campus connecté, c’est-à-dire un établissement physique, mais des cours à distance ? Imaginez : un bâtiment, parfois classé comme celui du campus de Dreux, parfois un ancien lieu public géré par une association, et ici : l’ancienne chambre de commerce et d’industrie de la petite ville de Saint-Raphaël dans le Var, située en plein centre avec de larges fenêtres qui donnent sur la place du marché.
Dans ce lieu fraîchement rénové en 2019, on trouve des bureaux, des ordinateurs et même deux salles de détente. Les étudiants, inscrits dans différents cursus à distance proposés par des universités à travers la France, sont postés devant un écran. Ils étudient et révisent parfois même ensemble, pourtant, ils sont loin de suivre les mêmes parcours. Licence d’histoire ou de sociologie, BTS comptabilité, master, préparation à un concours de la fonction publique, diplôme d’accès aux études universitaires… Il y en a pour tous les goûts !
« Il y a parfois des cours communs entre nos formations et on peut s’entraider dans ces cas-là, explique Hugo, étudiant en licence 1 de sociologie. Les tutrices ont également des spécialités dans lesquelles elles nous épaulent en cas de besoin. »
Des tutrices aux petits soins
Les « tutrices » en question, ce sont Joëlline Pradier et Angélique Bègue, toutes deux employées par la mairie de Saint-Raphaël, et qui ont par ailleurs bien d’autres casquettes que celle d’aides aux devoirs ! Toutes deux accompagnent les étudiants dans divers domaines : administratif, informatique, orthographique…
« Pendant la rentrée, nous passons une bonne partie de notre temps à accompagner les personnes qui se tournent vers nous parce qu’elles n’ont pas trouvé de formation. Nous sommes devenues expertes dans la recherche de places dans les cursus à la dernière minute », sourit Angélique Bègue.
« Nous nous occupons également de tout ce qui est administratif, inscriptions et transferts de dossier notamment. Nous sommes également là pour les étudiants pour des choses toutes bêtes : relire un devoir, faire fonctionner une imprimante, enregistrer un document au format PDF », complète Joëlline Pradier.
Un campus pour des profils spécifiques
Bienveillantes, les deux femmes se considèrent un peu comme de deuxièmes mamans pour les étudiants ! En effet, parmi la trentaine de jeunes - et moins jeunes - qu’accueillera le campus connecté cette année, une majorité de profils est en rupture ou dans une situation qui nécessite un accompagnement et un cadre structurant.
« Des personnes dont la situation financière ne permet pas un emménagement dans une ville étudiante, de jeunes mamans, des sportifs qui ont besoin d’un emploi du temps adapté, des personnes en situation de handicap, agoraphobes ou encore qui souhaitent reprendre les études après une première vie professionnelle : tous ces profils correspondent aux campus connectés », décrit Erwan Paitel, chargé de projet Campus Connecté au sein du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (Mesri).
« Il s’agit par ailleurs souvent d’étudiants qui sont très attachés à leur environnement et dont la présence participe rendre actif leur territoire », poursuit-il.
Fanny, par exemple, est maman d’un petit garçon qu’elle dépose à l’école chaque jour avant de venir travailler sur son BTS sanitaire et social et souhaite continuer jusqu’à la licence professionnelle. Autre profil, Sarah s’est vu refuser toutes ses demandes de master après une licence de droit. Elle a donc décidé de préparer le concours d’inspectrice du travail.
Ainsi, les campus connectés ne sont pas semblables aux antennes universitaires en cela qu’ils proposent un catalogue de formations plus vaste et ouvert sur tout le territoire, mais aussi parce qu’ils ne s’adressent pas à un aussi large public. « Il n’y aura jamais 200 étudiants sur un campus connecté, ce n’est pas l’objectif ni le propos… ou alors il faudrait repenser complètement les infrastructures », souligne Erwan Paitel.
Des partenariats locaux
Encore au début de leur existence, les campus connectés nouent leurs premiers partenariats avec le tissu local :
- Les clubs sportifs avec lesquels ils collaborent pour proposer des cours de langue souvent pour les conjoints des sportifs et les Centres de ressources d’expertise et de performance sportive (Creps) ;
- Les associations locales et, également, au niveau national Aspie Friendly et les Apprentis d’Auteuil ;
- Avec la médiathèque pour effectuer des emprunts dans les BU ;
- Les musées de Saint-Raphaël notamment pour des conférences en anglais dans le cadre des Micro-Folies ;
- Le Fablab local pour créer des goodies lors d’évènements ;
- Une radio pour réaliser des spots de présentation du campus aux lycéens.
« Nous avons une très bonne entente avec les Crous qui nous réservent des chambres pour les étudiants qui viennent passer leurs examens en présentiel et notamment celui de l’Université Côte d’Azur qui a validé notre demande pour obtenir des canapés et ameublements pour notre salle de détente », précise Joëlle Pradier.
Un financement issu des budgets de la contribution à la vie étudiante et de campus dont les étudiants du campus connecté doivent s’acquitter et qui revient à l’établissement d’inscription (Université de Caen, Aix-Marseille Université, UCA, etc.).
Et de futurs projets !
Au niveau local, le campus de Saint-Raphaël a deux principaux objectifs. Primo, mettre en lien les étudiants de la même spécialité sur les différents campus via la visio. « Avec 89 campus, c’est désormais plus simple de trouver des étudiants qui ont le même profil ! », s’enthousiasme Erwan Paitel.
Secundo, pour stabiliser le modèle économique - très soutenu par le maire et président d’agglomération qui souhaite agrandir les locaux qui, à terme, devraient s’étendre sur quatre étages et être gérés par trois tuteurs -, le campus envisage de louer ses locaux auprès d’entreprises pour de la formation continue.
Au niveau national, cette rentrée 2021 est un défi sur plusieurs plans. Il y a la mise en place de récents partenariats et projets, notamment avec les prisons, et l’ébauche d’autres collaborations, possiblement avec les Pepite des universités.
Il y a aussi la question de la réussite des diplômés, car c’est bien dans le cadre de la loi orientation et réussite des étudiants), qu’ont été portés les campus connectés. C’est un enjeu de taille : si la poursuite d’études est déjà un accomplissement en soi pour plusieurs étudiants, la question demeure de leur insertion professionnelle. Il est encore trop tôt pour juger de ce sujet, mais l’un des risques est, avec l’ouverture d’un vaste catalogue d’enseignements, de former dans des disciplines déjà saturées et qui ne correspondent pas nécessairement aux opportunités professionnelles locales.
Enfin se profile une quatrième vague d’appels à projets. C’est du moins le souhait d’ « une cinquantaine de collectivités [qui] sont demandeuses », informe Erwan Paitel.
Campus Matin fait sa rentrée, à vos côtés !
Cette semaine du 13 septembre, Campus Matin organise à nouveau un tour de plusieurs campus de France pour vivre la rentrée au plus près des établissements. Un rendez-vous annuel, qui a vu le jour à la rentrée 2020 avec des reportages dans quatre villes de Lille à Grenoble, et que vous pourrez retrouver en intégralité dans notre newsletter !
Retrouvez nos reportages :
• sur les semaines d’intégration de l’Edhec Business School et l’École de Condé ;
• à la foire de Châlons-en-Champagne où expose l’Urca ;
• à la maison de l’étudiant à Nice.