« Nous avons reçu une opposition violente » : quand la mixité dans les colloques s’impose
Par Marine Dessaux | Le | Rse - développement durable
Les mesures et les initiatives pour la parité dans l’enseignement supérieur et la recherche se font de plus en plus nombreuses. Certaines, comme la mixité des colloques scientifiques, font néanmoins parfois des remous, même si le principe est généralement accepté.
Contre-exemple avec un épisode que retrace Sandrine Rousseau, vice-présidente à l’égalité femme-homme de l’Université de Lille. Elle témoigne, pour Campus Matin, d’une réaction virulente à laquelle elle a été confrontée.
Depuis la signature d'une charte pour l’égalité homme-femme, en juillet 2019, l'Université de Lille soutient « uniquement les colloques organisés au sein de l’université (…) dont les comités scientifiques sont mixtes, dans une proportion au moins équivalente à la discipline ».
Cela fait un an, donc, que seuls les colloques répondant à ces conditions sont financés ou hébergés par l’établissement.
Une initiative pour la mixité que Sandrine Rousseau, vice-présidente à l’égalité femme-homme de l’université de Lille et présidente de la Conférence permanente des chargé de mission égalité et diversité (CPED), explique :
« La charte, votée par l’ensemble des conseils de l’université, indique qu’il ne peut pas ne pas y avoir de colloques non mixte. Cela concerne les colloques où il n’y aurait que des hommes comme les colloques où il n’y aurait que des femmes. »
Une réaction virulente
La demande d’une égalité entre hommes et femmes dans les colloques n’a posé aucun problème… Jusqu’à ce qu’un chercheur propose un colloque sur les changements démocratiques entièrement masculin. Et refuse d’en adapter le programme quand cela lui a été demandé. Ce qui a conduit Sandrine Rousseau à déplorer publiquement la situation sur Twitter.
Dire que les meilleurs experts sont tous des hommes est absurde
L’argument du professeur en question, selon Sandrine Rousseau ? La qualité de la recherche n’a rien à voir avec le sexe : s’il n’y a que des hommes, c’est qu’ils sont plus experts.
« Dans un domaine où il y a presque autant de femmes que d’hommes chercheurs, dire que les meilleurs experts sont tous des hommes est absurde », pointe Sandrine Rousseau.
« C’est la première fois qu’on est confronté à cette réaction, la première fois que le président de l’université a dû écrire pour expliquer les demandes. De manière générale les colloques sont mixtes et, quand ce n’est pas le cas, il suffit d’envoyer un message et tout se passe bien. Mais cette fois, nous avons reçu une opposition violente ».
L’université surveille qu’il y ait des hommes et des femmes dans les différents temps du colloque (ateliers et plénières) mais ne va pas jusqu’à exiger un temps de parole identique, précise Sandrine Rousseau. Et si la mixité n’est pas atteinte, une solution simple est de rajouter un ou deux ateliers au programme pré-existant et des intervenantes lors des séances plénières.
Comment ça fonctionne ?
La demande de colloque, fournie à l’établissement, contient toutes les informations nécessaires sur le comité d’organisation. « On peut ainsi vérifier la mixité de l’événement. Si elle n’est pas respectée, nous demandons aux organisateurs de faire quelques modifications. Il ne s’agit pas de retirer des intervenants, simplement d’ajouter des intervenantes. »
Pour apprécier le respect de la mixité selon les disciplines, l’université se base sur les chiffres publiés par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. En économie, par exemple, on compte 40 % de femmes. L’université demande donc à ce que dans le colloque, il y ait une telle proportion de chercheuses.
Plus largement, « c’est dans toute l’organisation du colloque, de A à Z, que les femmes doivent être présentes », souligne Sandrine Rousseau. L’université, sans en faire un critère précis ni fixer de quotas, veille à ce que les femmes soient présentes à chaque étape.
Malgré diverses initiatives, le confinement impacte la parité
Des initiatives pour l’égalité hommes-femmes dans la recherche, il y en a d’autres à l’Université de Lille. Cette dernière s’assure notamment, à chaque passage de promotion, qu’il y ait autant de candidatures féminines que masculines.
« Pour les promotions sur lesquelles on a la main, on s’assure que toutes les personnes qui ont des promotions représentent la proportion du domaine », indique Sandrine Rousseau.
Malgré ces initiatives, le confinement a révélé de nouvelles inégalités : « La production scientifique des hommes a augmenté, quand celle des femmes a diminué voire complètement chuté », déplore Sandrine Rousseau.
Elle a donc lancé, en tant que présidente de la CPED, plusieurs alertes, comme cette lettre à destination des présidents d’université et directeurs d’écoles.
« Je ne sais pas encore comment nous allons remédier à cette situation mais il faudra l’aide du ministère, puisque cette problématique concerne toutes les universités », conclut-elle.