[Replay] Une nouvelle dynamique pour l’école inclusive
Quels leviers pour répondre aux enjeux en matière d’inclusion à l’échelle de l’élève, des enseignants, l’école et des territoires ? Pour esquisser quelques pistes, Campus Matin et son partenaire le réseau des Inspé ont réuni quatre experts lors d’un webinaire organisé le 15 décembre dernier. Synthèse.
Cycle : Campus Matin
Parmi les priorités érigées par le quinquennat d'Emmanuel Macron figure la scolarisation des élèves dits en situation de handicap inscrite dans la loi « Pour une école de la confiance ».
Le Président de la République s’est fixé un objectif : permettre à l’école d’être pleinement inclusive afin d’assurer une scolarisation de qualité à tous les élèves de la maternelle au lycée et la prise en compte de leurs singularités et de leurs besoins éducatifs particuliers.
Mais concrètement, comment cela se matérialise-t-il sur le terrain ? Comment relever le défi de transformer l’école en école inclusive ? Éléments de réponse lors du webinaire organisé par Campus Matin et son partenaire le réseau des Inspé le 15 décembre dernier.
Comment définir l’école l’inclusive ?
L’école inclusive, une notion apparue dans les années 1980
La notion d’école inclusive, relativement récente est apparue à la fin des années 1980. « Cette notion s’est construite sur une idée forte : l’école inclusive est soucieuse de la réussite de tous les élèves », affirme le sociologue Serge Ebersold.
« Jusque dans les années 1980, le handicap était associé à la conséquence d’une déficience. Progressivement, il est devenu une restriction de participation. C’est-à-dire qu’on ne situe plus les difficultés dans les incapacités de l’élève, mais dans l’inaccessibilité du système scolaire », détaille le professeur au Cnam et spécialiste du handicap pour expliquer ce changement de pensée. Serge Ebersold met d’ailleurs en avant le rôle de la classification internationale du handicap dans ce processus.
Une notion qui ne se réduit pas au handicap
Les quatre experts invités par Campus Matin insistent tous sur la nécessité de penser l’inclusion des élèves bien au-delà de celle des déficiences et du handicap. Mieux vaut donc nommer les enfants concernés par l’inclusion « élèves à besoins éducatifs particuliers ». Une notion large, mais plus pertinente.
« Est un élève à besoins éducatifs particuliers tout élève qui a besoin d’être soutenu dans sa réussite éducative, définit ainsi le sociologue Serge Ebersold. Il est important d’associer les élèves dits en situation de handicap aux élèves des besoins éducatifs particuliers, car les élèves avec des déficiences sont des élèves à besoins éducatifs particuliers. »
Le professeur au Cnam, spécialiste du handicap critique la réduction de la notion de l’école inclusive au handicap. « C’est source de confusion, car cela invite à résumer l’école inclusive à 3 % de la population alors que le nombre d’élèves bénéficiant de dispositifs de soutien est beaucoup plus important », justifie-t-il.
Passer d’une école pour tous à une école pour chacun
Corollaire de cette nouvelle manière d’appréhender le handicap, l’apparition de la notion d’école inclusive s’est accompagnée d’un changement majeur de paradigme : le passage de l’école pour tous à l’école pour chacun.
« Ce n’est pas l’élève à besoins particuliers de s’adapter au contexte, c’est au contexte de s’adapter à l’élève, affirme Anne Gombert, maitresse de conférences à l’Inspé d’Aix Marseille . L’école inclusive se fonde sur un postulat : l’école est un patrimoine commun et le privilège de personne. »
Comment les politiques éducatives prennent-elles en compte l’école inclusive ? État des lieux
« Nous sommes au milieu du gué »
« Au moment de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, le projet d’inscrire des enfants à situation de handicap à l’école était audacieux, même risqué », raconte Jacqueline Dubois, députée LREM de Dordogne et ancienne enseignante.
« Dans notre pays, le parcours de ces enfants s’était construit à l’écart, dans des établissements médico-sociaux ce qui fait que la handicap n’était pas du tout le cœur du métier d’enseignant », poursuit l’élue, également présidente de la commission d’enquête sur l’inclusion des élèves handicapés dans l’école et l’université de la République.
Co-autrice d'un rapport publié en 2019 sur le sujet, la députée témoigne du chemin parcouru en matière d’inclusion depuis 2005. « Nous sommes au milieu du gué, il reste encore beaucoup à faire. Depuis deux ans, je constate une accélération dans la prise en compte de la nécessité d’adapter l’environnement de l’enfant à ses besoins, la nécessité de partenariats et la nécessité de formations », s’enthousiasme-t-elle.
Aller au-delà du quantitatif pour observer le qualitatif
Après la publication du rapport de Jacqueline Dubois en 2019, le gouvernement s’est engagé à se doter d’indicateurs afin de mesurer les avancées dans tous les domaines, une étape nécessaire pour Serge Ebersold.
« L’école inclusive ne se concrétise qu’à travers les éléments d’information dont vont pouvoir bénéficier les acteurs pour identifier les progrès effectués. Sans ces éléments, on ne pourra pas apporter la qualité de scolarisation et d’enseignement », souligne le sociologue.
Anne Gombert insiste elle sur la nécessité de dépasser le quantitatif pour observer le qualitatif.
« Les rapports macro nous permettent d’avancer. Mais il ne faut pas que ce soit l’arbre qui cache la forêt : il faut aussi aller voir ce qui se fait dans les classes, voir à quoi on forme les enseignants et comment on professionnalise sur ces questions d’inclusion », précise la maîtresse de conférences.
Quels sont les principaux leviers liés au processus inclusif dans l’école ?
« Le défi de l’inclusion ne passe pas seulement pas l’éducation nationale, mais par la société tout entière. On ne peut pas avoir un école inclusive dans une société qui ne l’est pas », martèle Jacqueline Dubois. La députée a mis en avant dans son rapport parlementaire plusieurs leviers pour favoriser une école inclusive :
- la formation des enseignants ;
- la formation et la professionnalisation des accompagnants comme les Accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) ;
- l’élaboration de partenariats avec les établissements médiaux sociaux et les écoles.
Favoriser les synergies entre l’ordinaire et le spécialisé
La députée de Dordogne a également identifié un autre levier important : « L’élaboration de partenariats avec les établissements médiaux sociaux afin qu’ils puissent avoir des dispositifs intégrés dans les établissements scolaires et pas seulement des dispositifs externalisés. »
Le sociologue Serge Ebersold abonde dans ce sens :« L’école inclusive ne peut se penser sans une redéfinition du rapport entre l’ordinaire et le spécialisé. » Il est convaincu que le transfert de compétences entre professionnels spécialisés et professionnels ordinaires favorise l’inclusion.
Il insiste donc sur les bienfaits de la coopération entre « les enseignants spécialisés, les enseignants ordinaires, les acteurs du secteur social et ceux du secteur médico-social ». Pour la députée Jacqueline Dubois, les formations croisées permettent également un brassage des professionnels et donc un partage de connaissances.
Donner des outils concrets aux enseignants
« Le problème n’est pas tant les outils, mais leur utilisation en contexte ordinaire », nuance Anne Gombert, de l’Inspé d’Aix Marseille. La députée LREM renchérit : « Il faut que les enseignants aient des savoirs opérationnels, pas des savoirs théoriques. »
La formation des enseignants du premier et du second degré et celle des CPE va ainsi évoluer dans les Inspé. La nouvelle maquette, actuellement discutée par les responsables pédagogiques de ces structures comptera 25 heures de cours sur les enjeux d’inclusion.
« Tous nos étudiants sont confrontés à la diversité des élèves. Les enseignants se sentent démunis, car c’est extrêmement chronophage d’adapter un cours à un ou plusieurs élèves, relate Nathalie Catellani, directrice de l’Inspé d’Amiens, porteuse d’un appel à projets commun à quatre Inspé pour développer la recherche et la formation sur le sujet de l’inclusion. C’est pourquoi il fait accompagner les étudiants dans l’analyse de classe, leur apporter des connaissances, des outils didactiques et pédagogiques pour leur permettre de réagir en anticipant les difficultés dans la classe. »