[Replay] Baisse des effectifs en prépa ECG : que faire pour remonter la pente ?
Moins 13,7 % : c’est l’évolution des effectifs des classes préparatoires économiques et commerciales en 2021-2022. Simple problème conjoncturel de communication envers élèves et enseignants du secondaire ou signal de la nécessité de redéfinir ce format de formation, encore trop estampillé élitiste et fermé ? C’est ce dont ont débattu le 16 février 2022 cinq acteurs du secteur, lors d’un webinaire organisé par Campus Matin et son partenaire Skema Business School.
Cycle : Campus Matin
La classe prépa ECG : des effectifs en berne
La classe préparatoire économique et commerciale générale (ECG) a remplacé, depuis la rentrée 2019, les deux filières ECS (option scientifique) et ECE (option économique).
Une réforme corrélée avec celle du lycée et qui pose question aujourd’hui, face à un premier bilan « un peu inquiétant », selon les termes d’Alain Joyeux, président de l’Association des professeurs des classes préparatoires économiques et commerciales : moins 13,7 % d’effectifs cette année. « Nous ne sommes pas sur une dynamique forte, ce qui interroge à la fois l’image, l’utilité et l’attractivité de la filière », décrypte-t-il.
La prépa ECG sur la sellette
Comment interpréter cette évolution ? Première piste : la multiplication des voies d’accès aux grandes écoles de management (Bachelors, admissions sur titre…). Des parcours d’autant plus plébiscités que la prépa souffre, de longue date, d’une triple stigmatisation. L’élitisme, d’abord.
« Les prépas sont vues, en particulier par les élèves issus de milieux défavorisés, comme des classes très privilégiées qui regardent vers l’étranger. Une fois sur deux, ce sont des pistes qu’ils ne connaissent pas ou n’envisagent pas », évoque Boris Walbaum, le co-fondateur d’Article 1, une association qui œuvre pour la diversité et l’inclusion sur le marché du travail.
Une réputation de compétition et de pression, ensuite. « Les jeunes sont de moins en moins prêts à faire le sacrifice de deux ans ou plus, poursuit-il. Cela pose aussi la question de la santé mentale ».
Enfin, elles sont vues comme des structures un peu fermées, des sortes de « super lycées » où l’on reproduit les exercices et modes d’évaluation traditionnels. Loin de l’ouverture sur le monde professionnel d’autres filières postbac.
Une communication grevée par la crise sanitaire
Covid oblige, ces tensions structurelles ont encore été alourdies, ces deux dernières années, par des problèmes de communication sur la filière classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) - grandes écoles.
« Or, si on n’arrive pas à communiquer de manière assez claire sur le lien indéfectible entre les deux, cela peut créer de la confusion », souligne Alice Guilhon, présidente de la Conférence des écoles françaises de management (CDEFM) et directrice générale de Skema Business School.
Une réforme du bac problématique
Un contexte encore compliqué par la réforme du lycée. « Celle-ci a changé radicalement les stratégies d’orientation des élèves, note Alain Joyeux. Avec le nouveau bac, ils font des choix déterminants de spécialités et d’orientation dès la fin de la seconde et en première. Et si on ne fait pas un effort pour aller toucher professeurs et élèves dès ce stade, je crois qu’on rate quelque chose. »
La réforme questionne aussi sur le fond. « La transformation des séries ECS et ECE en ECG avec des options (maths, économie, sociologie et histoire du monde contemporain et histoire-géographie) pose un problème d’adaptation aux spécialités du nouveau bac », estime Vincent Cornu, proviseur du lycée Descartes à Antony dans les Hauts-de-Seine et président de l’Association des proviseurs de lycées à classes préparatoires aux grandes écoles.
La place des maths au cœur des débats
Au cœur des débats, la place des mathématiques, du lycée jusqu’aux coefficients des concours.
« Avant, on avait deux filières de prépa pour deux niveaux en mathématiques différents. Aujourd’hui, on a deux options « maths » (générale ou approfondie) pour une seule spécialité au lycée », poursuit Vincent Cornu.
Une spécialité « maths » plus souvent délaissée par les élèves. « Si j’avais passé mon bac dans le cadre de la réforme, je ne serais pas allé en prépa, car je n’aurai pas choisi la matière », témoigne Romain Vismara, étudiant à Burgundy Business School et président du Bureau national des étudiants en école de management.
Toutefois, la matière demeure essentielle, à l’heure des data, des cryptomonnaies et de la fintech. « Au lycée puis en prépa, elle fait partie des fondamentaux de l’apprentissage des étudiants et de leur réussite, notamment dans nos grandes écoles, souligne Alice Guillon. C’est pourquoi il nous faut maintenir un socle de maths très solide partout dans les cursus. »
Ce qui n’exclut pas de réfléchir à laisser la place à d’autres apports, dans le cadre de la pluridisciplinarité qui est l’ADN de la prépa ECG.
La prépa : une filière d’excellence, en pleine évolution
La classe prépa présente toutefois des atouts unanimement reconnus, résumés par Romain Vismara :
« La filière apporte quelque chose en plus au niveau intellectuel, sur le plan de la culture générale et de la méthodologie de travail. Sans compter que passer par la case prépa permet d’avoir deux ans de respiration financière avant l’école. »
La filière se situe, par ailleurs, dans une vraie dynamique d’évolution ces dernières années. « On développe l’esprit de promotion et d’entraide, tandis que l’ouverture sociale va croissant et que programmes et épreuves intègrent une transversalité croissante des disciplines », évoque Alain Joyeux. Vincent Cornu ajoute : « Certaines prépas prennent des initiatives comme des parrainages de chefs d’entreprise ou des missions en entreprise en première année. »
Réinterroger le format dans la collégialité
Pour remettre la filière ECG sur les rails, plusieurs solutions sont envisagées. D’abord, redéfinir la valeur ajoutée des classes prépas. « À savoir, qu’est-ce qui est différenciant, au-delà de la pluridisciplinarité ? Cela, ce sont les grandes écoles qui doivent le dire et même, derrière, une partie du monde professionnel », interroge Vincent Cornu. Ce à quoi Alice Guilhon répond :
« À la CDEFEM, nous sommes très attachés au continuum classe prépa-grande école : un modèle que nous revendiquons comme étant extrêmement robuste et apte à rayonner partout dans le monde. »
Ces solutions sont à trouver de manière collégiale. « Il nous faut nous retrouver tous autour de la table (ministère, lycées, CGPE et écoles) pour ne pas perdre nos avantages compétitifs, puis pouvoir faire évoluer conjointement nos modèles. Mais aussi mener un travail de fourmi en termes d’information, afin de favoriser une meilleure orientation des lycéens », appuie la présidente de la CDEFM.
Préserver la prépa, ascenseur social majeur
Vincent Cornu lance un appel au ministère de l’enseignement supérieur : « Il faut laisser la réforme s’installer, être comprise, plutôt que de menacer. »
Pour Alain Joyeux, président de l’association des professeurs de classes préparatoires ECG, « les prépas ont besoin de sécurité : la perte d’effectifs ou la menace de fermeture remettent en cause le maillage territorial et constituent un drame humain pour les enseignants concernés. Et surtout, on ferme avant tout des prépas de proximité, celles qui favorisent le plus la diversité sociale. »
Une analyse partagée par Boris Walbaum : « Je pense que les prépas sont un très bon élément de l’ascenseur social et qu’elles le seront de plus en plus. »