Inclusion : adapter les campus et les formations aux besoins du territoire

Le décalage fréquemment observé entre carte sanitaire et carte académique impacte la capacité des établissements à répondre aux besoins des territoires. Lors d’un webinaire organisé le 17 octobre dernier, Campus Matin et le démonstrateur numérique Include (Université Lyon 1) ont zoomé sur la manière dont acteurs académiques et institutionnels se mobilisent pour ancrer les formations en santé au plus près de ces besoins.

Cycle : Campus Matin

Des cartes académique et sanitaire qui ne se chevauchent pas

« En France, les universités ont un bassin de recrutement lié à leur académie. Ce qui pose un problème quand les cartes académique et sanitaire ne se chevauchent, en particulier pour des études longues », relève Philippe Malbos, directeur scientifique du Demoes Include et vice-président (VP) stratégie numérique et pilotage de l’Université Claude Bernard Lyon 1.

Sandrine Genest est la première vice-présidente du département de l’Ardèche. - © D.R.
Sandrine Genest est la première vice-présidente du département de l’Ardèche. - © D.R.

À Valence, les premiers et deuxièmes cycles dépendent ainsi du rectorat de Grenoble et les internes de l’Agence régionale de santé (ARS) de Lyon. « Les étudiants ardéchois des deux premiers cycles de médecine font donc leurs stages en Savoie ou Haute-Savoie, au risque de vouloir rester dans ces départements », soulève Sandrine Genest, VP santé, petite enfance et politiques contractuelles du département de l’Ardèche. Avec en creux, l’accroissement du problème de désertification.

Une expérimentation pour répondre aux enjeux sociétaux

Lauréat en 2021 de l’appel à manifestation d’intérêt Demoes pour quatre ans, le projet Include est co-porté par l’Université Claude Bernard Lyon 1. « Ce démonstrateur de l’ESR, centré sur l’inclusion des apprenants dans les filières, vise à transcender différentes barrières, notamment géographiques », précise Philippe Malbos.

Trois expérimentations d’Include Campus (des campus de proximité) sont en cours : deux sur des formations en santé (à Bourg-en-Bresse, dans l’Ain et à Aubenas, en Ardèche) et une sur Valserhône (Ain) dédiée aux filières scientifiques. Deux autres sont en préparation à Ambérieu-en-Bugey (Ain) sur les métiers du nucléaire et de l’aérospatiale.

Une synergie avec les acteurs de terrain

Les Include Campus sont pilotés par un comité composé de collectivités, élus locaux, ordre des médecins, représentants de l’université…

L’Ardèche a ainsi vu la création d’une cellule santé, porteuse de nombreuses initiatives comme une journée d’accueil des étudiants en lien avec le Service départemental d’incendie et de secours pour leur proposer des formations inédites.

L’ARS finance la partie universitaire du traitement des praticiens hospitaliers nommés sur des postes de professeurs associés et implantés dans les territoires. Un amorçage qu’il incombera ensuite aux collectivités de poursuivre.

Les défis à surmonter

Philippe Malbos est vice-président stratégie numérique et pilotage de l’Université Claude Bernard Lyon 1. - © D.R.
Philippe Malbos est vice-président stratégie numérique et pilotage de l’Université Claude Bernard Lyon 1. - © D.R.

Premier défi : s’assurer de la soutenabilité du projet sur le plan financier. « La dotation des universités est en fonction du nombre d’étudiants présents sur leurs campus. Ce qui ne permet pas forcément de disperser ceux-ci aux quatre coins des régions. Et nécessite de mettre en place de nouveaux modèles économiques, en lien avec l’ensemble des acteurs », pointe Philippe Malbos.

En Ardèche, « la Région apporte une subvention de fonctionnement de plus de 700 000 euros sur trois ans pour financer la délocalisation de la première année de médecine. Côté département, le centre hospitalier met à disposition le terrain, nous accompagnons aussi l’équipement de l’amphi. L’agglomération et la ville d’Aubenas contribuent également à ce montage », illustre Sandrine Genest.

Vincent Piriou préside la commission médicale d’établissement des Hospices civils de Lyon. - © Iannis Giakoumopoulos/REA
Vincent Piriou préside la commission médicale d’établissement des Hospices civils de Lyon. - © Iannis Giakoumopoulos/REA

Du point de vue pédagogique, ensuite, deux éléments liés à l’externalisation des formations sont à considérer : l’engagement accru des équipes universitaires déjà fortement sollicitées et la nécessité d’assurer à l’étudiant sur le campus en région une immersion pédagogique équivalente à celle d’un amphi métropolitain.

« Nous nous acheminons vers des professeurs issus des territoires, chargés non pas d’enseigner leur discipline, mais de représenter l’université dans leur centre hospitalier, d’encadrer étudiants et internes et d’y organiser la recherche », expose Vincent Piriou, président de la commission médicale d’établissement des Hospices civils de Lyon.

Rebooster l’attractivité sur le long terme

« Il est important de travailler sur l’attractivité et la fidélisation de ces étudiants, pour qu’ils choisissent de s’implanter en Ardèche une fois leurs études finies, en se penchant aussi sur les organisations sanitaires locales. Un pari de long terme, à dix ans », estime Vincent Piriou.

Une démarche gagnant-gagnant

Philippe Paparel est doyen de la faculté de médecine et de maïeutique Lyon Sud à l’Université Claude Bernard Lyon 1 - © D.R.
Philippe Paparel est doyen de la faculté de médecine et de maïeutique Lyon Sud à l’Université Claude Bernard Lyon 1 - © D.R.

Pour Philippe Paparel, doyen de la faculté de médecine et de maïeutique Lyon Sud à Université Claude Bernard Lyon 1, la plus-value des Include Campus est déjà évidente. « La réforme des études médicales a été un formidable booster pour tous ces projets. Avec 40 % d’étudiants en médecine en plus sur Lyon, la faculté a dû sortir de ses murs pour trouver des terrains de stage. »

« Cela démocratise l’accès aux études supérieures de proximité, tout en conférant aux hôpitaux de territoires une valence universitaire qui leur permet de développer de la recherche, hausse de la qualité des soins à l’appui », ajoute-t-il.

Un maillage dont Sandrine Genest voit les retombées : « On nous avait prédit neuf médecins généralistes installés par an en Ardèche, or au bout de deux ans nous en avons déjà 45 en prévision. Mettre en place des facilitations concrètes, ça marche ! »