[Replay] CPGE économiques et commerciales : quelle nouvelle dynamique pour la rentrée 2023 ?
Parcours d’excellence incontestés, les classes préparatoires sont, ces derniers temps, desservies par une image brouillée. Alors que Parcoursup indique un léger frémissement en faveur des CPGE, quelles stratégies porter pour asseoir une nouvelle dynamique pour la rentrée prochaine et les suivantes ? Tel était l’enjeu des débats menés dans le cadre du webinaire organisé par Campus Matin et son partenaire, Skema Business School, le 1er juin dernier.
Cycle : Campus Matin
Les concours viennent de s’achever et les premiers résultats Parcoursup semblent montrer une légère hausse sur le plan des candidatures, après un fléchissement assez sensible il y a deux ans et une stabilisation l’an passé.
L’occasion d’un point d’étape sur la perception des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) économiques et commerciales par le public, à commencer par les jeunes, et sur les réflexions en cours pour adapter cette filière d’excellence au nouveau paysage de l’enseignement supérieur.
La perception des classes prépas : l’excellence réaffirmée, mais une image « sacrificielle » qui la dessert
Alice Guilhon, présidente de la Conférence des directeurs des écoles françaises de management (CDEFM) et directrice générale de Skema Business School, présente une étude exclusive sur les CPGE, réalisée par l’association et ses partenaires auprès de jeunes, de familles et d’entreprises.
« L’image traditionnelle de la prépa reste forte, rapporte-t-elle. Pour toutes les parties prenantes, c’est un outil fantastique, synonyme d’excellence, de réussite et d’épanouissement personnel et professionnel, et également un levier fort d’ascenseur social. »
L’étude marque toutefois aussi une image moins positive. « On associe souvent la prépa à un parcours de sacrifice et de pénibilité, à l’idée d’une vie mise entre parenthèses pendant deux ans. Un schéma encore aggravé par un certain flou sur l’offre des grandes écoles et la multiplication des alternatives (formations spécialisées, bachelors, passerelles…) », note Alice Guilhon.
La nécessité d’agir, en prenant appui sur la méthodologie du changement
« Cette étude nous paraît poser les bons diagnostics et ouvrir des pistes d’évolution assez fédératrices, qui pourraient ne pas casser le système, mais l’aider à s’adapter », réagit Alain Joyeux, président de l’Association des professeurs des classes préparatoires économiques et commerciales (APHEC).
Jonas Hoffman, professeur associé à Skema, éclaire sur les enjeux de la stratégie à adopter :
« Dans un laps de temps assez court, on peut voir des changements très profonds dans des filières qui se croyaient bien en place », décrypte-t-il.
Selon lui, une école doit notamment asseoir son contrôle sur son environnement transactionnel : actuels, futurs et anciens étudiants, médias, syndicats, gouvernements, intérêts industriels, société globale…
« Il importe de se demander quelles sont les alliances que nous pouvons faire avec ces acteurs, pour avoir la capacité d’en influencer d’autres », développe-t-il. Il pointe aussi l’existence d’évolutions plus globales (sociétales, économiques ou politiques), sur lesquelles il n’est pas possible d’avoir de prise. « D’où la nécessité d’anticiper sur les changements impactant dans les années à venir », relève-t-il.
Mieux communiquer sur l’intérêt et les enjeux de la filière
En matière de perception, le levier d’action numéro un semble la communication. « Nous avons tous péché en prenant les atouts des prépas pour acquis, mais la diversification des filières, assortie d’une communication non systématique pour accompagner cette évolution, a conduit à un brouillage de l’image de la filière », analyse Alice Guilhon.
Démystifier les réalités de la filière
Joël Bianco, proviseur et président de l’Association des proviseurs de lycées à classes préparatoires aux grandes écoles (APLCPGE), déclare : « Un effort de communication est à faire sur les points faibles ou supposés comme tels par le public de la prépa. » Alain Joyeux souligne d’ailleurs le décalage entre la perception de ceux qui sont passés par ce parcours et les autres.
Clarifier les parcours
« Il nous faut repenser la réponse à la question qui nous est remontée par de nombreux jeunes : “Pourquoi faire une CPGE pour aller en grande école, alors je peux avoir la même chose sans passer par la prépa ?” », retrace Alain Joyeux. Ce qui passe par rappeler, outre l’excellence de la filière, sa gratuité et ses larges débouchés : l’intégration quasi systématique en école et les poursuites de parcours via l’université.
Toucher les jeunes via leurs canaux d’information privilégiés
Améliorer la communication envers les jeunes passe par différentes voies. D’abord, une anticipation maximale, dès la classe de seconde si possible. Ensuite, l’adaptation du message au public. « Quand on s’adresse à des élèves de seconde, on parle avant tout à leurs parents. Or, face à des élèves de terminale, nous ne pouvons pas avoir les mêmes éléments de langage qu’envers des adultes », note Alain Joyeux.
Enfin, il convient de doubler les canaux de communication traditionnels avec les réseaux sociaux aujourd’hui plébiscités par la génération Z. Tout en continuant à aller les toucher là où ils sont, à savoir dans les lycées et les territoires.
S’appuyer sur les enseignants de lycée
Les associations de promotion des CGPE doivent aussi travailler avec les professeurs — prescripteurs principaux face aux élèves — pour faire passer leurs messages. Ce qui peut rendre nécessaire de surmonter certains biais cognitifs. « Ils ne sont pas tous au même niveau d’information et véhiculent parfois eux-mêmes des a priori négatifs sur les prépas, en particulier dans certaines zones géographiques reculées », regrette Joël Bianco.
Comment repenser le modèle ?
Pour mieux répondre aux attentes, faire évoluer le système s’impose. Mais dans quel sens, et dans quelle mesure ?
Faire preuve d’esprit critique et de projection
« Il est important de faire preuve du même esprit critique que nous enseignons à nos élèves », indique Jonas Hoffman. Il préconise de se demander : « C’est quoi l’éducation de demain ? » et d’imaginer l’avenir des prépas à l’horizon trois, cinq ou huit ans.
Ouvrir la prépa au monde socio-économique
Repenser le modèle de la prépa, centré sur l’acquisition des seuls fondamentaux, pour faire davantage interagir la filière avec les acteurs de l’écosystème, est une piste d’évolution privilégiée.
« La prépa doit s’ouvrir au monde socio-économique, car les jeunes y aspirent », estime Alain Joyeux.
Ouverture déjà expérimentée dans plusieurs lycées (mise en place de stages en fin de première année, désignation d’un parrain de promotion issu de l’entreprise…).
Assouplir et élargir les profils d’étudiants
Les concours actuels, basés sur un mérite strictement académique, sont-ils toujours pertinents ? C’est ce que questionne Jonas Hoffman, en accord avec les autres intervenants. Et les suggestions alternatives ne manquent pas. « Proposer des parcours pour sportifs ou artistes de haut niveau », pour Alain Joyeux. « Mieux prendre en compte la dimension vie étudiante en valorisant des éléments d’engagement », pour Joël Bianco.
Revoir les contenus des programmes
« Si les contenus sont déjà plus en phase avec l’actualité, quelques évolutions seraient peut-être à opérer : quelle place pour les maths, pour l’économie, etc. », interroge Joël Bianco.
Le tout, sans perdre son âme pour autant
Joël Bianco poursuit : « Je crois qu’il ne faut pas demander aux prépas de jouer un rôle qui n’est pas le leur, mais simplement introduire une respiration dans le système, sans déstabiliser complètement la maquette. Sous peine d’une rupture de l’équilibre, dans laquelle tout le monde aurait à perdre. »
Quels effectifs cibler dans les années à venir ?
À ce stade, pas d’objectifs fixés, les services du ministère pariant seulement sur une augmentation modérée des effectifs en CPGE. La filière regroupe toujours plus de 80 000 élèves, dans près de 500 lycées, d’après l’étude de la CDEFM qui n’est pas encore parue. Pour Joël Bianco, « la tendance est plutôt encourageante, et nous sommes toujours en quatrième position dans les demandes des jeunes, derrière l’université, les BTS et les BUT. »
Selon Alain Joyeux, la prudence s’impose toutefois. « Il y a, certes, une augmentation du nombre de candidatures, mais je n’irai pas jusqu’au terme de retournement : j’attends la rentrée 2023 pour savoir ce que seront nos effectifs. »
Quel timing d’action ?
« Nous souhaitons nous mettre très vite au travail, informe Alain Joyeux. Il serait souhaitable de pouvoir arriver, en octobre-novembre, à présenter une campagne de communication différente, donnant des perspectives d’évolution sur dix ans. » Alice Guilhon confirme : « Les neuf écoles de la CDFEM sont très investies, on veut aller vite, on y croit. »
Jonas Hoffman tempère : « Vous avez davantage de temps par rapport à d’autres filières, où les cycles de changement sont beaucoup plus rapides. » Joël Bianco conclut : « Il est donc sage d’agir, mais sans se précipiter. Sans non plus surréagir, mais en étant fiers de ce que nous sommes. »