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Dirigeants de grandes écoles : les salaires montent, l’exigence aussi

Par Gilbert Azoulay | Le | Contenu sponsorisé - Management

Le niveau d’exigence pour diriger un établissement d’enseignement supérieur, notamment une grande business school, s’élève depuis quelques années, selon Michel Caste Ballereau, PDG de la société HRM, qui a recruté de nombreux patrons du supérieur.

Pourquoi ce phénomène. Et quelles en sont les conséquences ?

Michel Caste Ballereau (DR) - © D.R.
Michel Caste Ballereau (DR) - © D.R.

Comme dans les autres marchés, y a-t-il une guerre des talents pour les postes de direction dans l’enseignement supérieur ?

Diriger une grande école, c’est diriger une business unit dans toutes les dimensions

Il y a une élévation du niveau d’exigence. Le management des écoles est devenu complexe. Le terrain sur lequel se joue la concurrence est devenu complètement international. Les marges de manœuvre financières n’ont cessé de se réduire. Diriger une grande école, c’est diriger une business unit dans toutes les dimensions d’un tel exercice : développer, manager, promouvoir et vendre, piloter et accompagner le changement. Mais c’est aussi bien sûr innover, en particulier lorsqu’il s’agit d’inventer les programmes du 21e siècle et de miser sur le numérique pour faire évoluer le modèle économique, ou bien encore de faire des écoles de véritables opérateurs d’excellence en matière de formation continue.

Comment ont évolué les dirigeants depuis vos débuts ?

Ils ont évolué avec la taille des écoles, et avec la diversification de leur portefeuille d’activité. Ils évoluent aujourd’hui radicalement dans un contexte où on doit allier l’exigence académique avec une plus forte connexion avec le monde d’entreprise.

Le directeur général d’une grande école est confronté à un contexte de mutations rapides et profondes…

Il faut de sérieuses compétences pour organiser et conduire les changements

L’importance et la qualité des ressources qu’il faut mobiliser pour progresser dans les classements internationaux qui font référence, viennent se télescoper avec une tendance de fond à la réduction des ressources de nature publique (subventions / taxe d’apprentissage). Il faut de sérieuses compétences pour organiser et conduire les changements qui résultent de l’innovation dans le numérique. Il en faut également pour se mettre en ordre de bataille, développer des partenariats et aller chercher des ressources en entreprise.

Les écoles forment les élèves. Elles accompagneront les anciens élèves tout au long de leur carrière. L’adaptation professionnelle permanente par la formation des alumni va constituer un challenge majeur pour chaque école. Que dire aussi de la maturité relationnelle, de l’épaisseur managériale nécessaire pour manager des professeurs dans un environnement international multisites et pour piloter des projets auprès d’une grande diversité d’acteurs externes publics ou privés, nationaux ou internationaux…

Oui, le profil des directeurs d’école a changé. Ce sont aujourd’hui des patrons, ce sont aussi des leaders.

En ce qui concerne le profil des candidats, doivent-ils être tous titulaires d’un doctorat ?

l’exigence entrepreneuriale se double d’une exigence académique

Il y a un dénominateur commun dans les demandes de nos clients. « Trouvez-nous un patron » ! Ensuite, il y deux cas de figure : celui des écoles qui s’inscrivent dans la logique des accréditations internationales, et celui des écoles qui appartiennent à des groupes privés d’enseignement supérieur, hors systèmes d’accréditations.

Pour les premières, l’exigence entrepreneuriale se double d’une exigence académique interne (légitimité scientifique du directeur doublée d’une capacité supposée à manager des enseignants chercheurs). Il y a aussi une exigence externe, du fait des procédures d’accréditations et de la capacité du directeur à incarner par lui-même une grande institution d’enseignement et de recherche. Notre mission est d’identifier de tels profils, notre valeur ajoutée est de les évaluer.

Les rémunérations également ont évolué ?

Les rémunérations ont évolué vers les standards internationaux. Elles sont également aspirées vers le haut dès lors que l’on souhaite pouvoir attirer des cadres dirigeants issus du monde de l’entreprise. Il est fréquent que les rémunérations des patrons ou patronnes de business school tangentent ou dépassent les 200 K€. Ces rémunérations comportent aussi fréquemment des parties variables sur objectif. Avec l’émergence des nouveaux statuts, on va voir de nouvelles formes de rémunérations comparables à celles qui peuvent exister dans les entreprises.

N’y-a-t-il pas un risque de recruter des managers plutôt intéressés par le salaire ?

Je ne crois pas. Nous sommes d’ailleurs là pour faire le tri. Et, à ma connaissance, il n’y a pas de mercenaires sur le marché des dirigeants de grandes écoles de commerce.

Des écoles, comme HEC, ont recruté un DG non français. Est-ce une tendance ou le signe d’une pénurie de top managers en France ?

c’est juste la preuve de l’internationalisation

Ce n’est pas le signe d’une pénurie de talents, c’est juste la preuve de l’internationalisation. Après celle des promotions et celle des corps professoraux, elle se poursuit très naturellement au niveau des DG. Toutes nos chasses sont aujourd’hui internationales. Il ne peut en être autrement. On observe simplement à ce niveau qu’il ne faut pas confondre la nationalité d’un candidat et l’internationalité de son parcours.

Il peut exister des candidats qui peuvent avoir un passeport étranger sans avoir intégré la spécificité du modèle français des grandes écoles ou qui pensent pouvoir diriger une école dont le siège est implanté en France, sans connaître notre langue.

Les universités font-elles appel à des chasseurs de têtes ?

Pour les universités, le parallèle est évident.

Ce n’est pas une tendance enracinée, mais si on prend l’exemple des grandes écoles et de leur pratique en matière de recrutement, on voit qu’elles ne se sont tournées que très progressivement vers les chasseurs de tête, d’abord pour recruter des DG, ensuite pour recruter d’autres membres des équipes de direction. Pour les universités, le parallèle est évident.

Pour des domaines aussi importants que la formation continue ou l’accompagnement du changement en matière d’innovation pédagogique, le besoin des compétences extérieures spécifiques se consolidera au fur et à mesure.

Votre prestation n’est-elle pas trop onéreuse pour les établissements publics ?

Le budget est certainement un frein dans les universités, même si les recrutements envisagés devront bien sûr apporter une élévation de la performance opérationnelle en matière d’enseignement ou bien apporter une augmentation des ressources par la vente de prestations à forte valeur ajoutée. Nous pourrions sans doute faire une offre spécifique pour les universités. C’est là un marché en devenir.