Les nouveaux challenges de la recherche en management
Comment les sciences de gestion peuvent-elles encore monter en puissance, par leur dimension applicative et les opportunités de collaboration avec les entreprises ? Ce défi majeur pour les écoles de management, au cœur du webinaire organisé par Campus Matin en partenariat avec l’Essca, ouvre de nouvelles perspectives de valorisation de la recherche.
Cycle : Campus Matin
« Le métier de chercheur a évolué, ses missions impliquent de rendre visibles ses travaux et d’avoir un impact dans la société civile. » Pour Marie Le Borgne-Larivière, responsable de la valorisation de la recherche à l’Essca, différents outils contribuent à ce trait d’union entre les laboratoires et les parties prenantes externes — entreprises, institutions publiques, associations professionnelles, grand public.
Il s’agit notamment de faciliter la compréhension des résultats de travaux qui peuvent être difficiles à appréhender, par les relations médias, dans la production de podcasts, d’événements de vulgarisation scientifique… Mais c’est un autre volet de la valorisation qui a été au centre du webinaire organisé dans le cadre de Think Éducation & Recherche 2024 : les partenariats multiformes avec les entreprises.
Viser l’implication des entreprises dès la définition du sujet de recherche
Un enjeu d’autant plus important que la recherche émanant des écoles de management peut parfois être jugée hors-sol, trop théorique. « Il y a donc un intérêt de s’associer aux entreprises, dès la conception du sujet de recherche, pour renforcer la dimension pratique, applicative », estime Mathieu Joubrel, co-fondateur et CTO de la fintech ValueCo.
Pour Dejan Glavas, directeur de l’institut « AI for Sustainability » et professeur associé en finance à l’Essca, plusieurs leviers peuvent être activés pour rapprocher les mondes de la recherche et de l’entreprise :
- la mise en place ou le renforcement d’équipes en charge de la valorisation ;
- des incitations économiques ou organisationnelles ciblant les enseignants-chercheurs ;
- ou encore l’implication directe des entreprises, à l’initiative des projets de recherche.
« Auparavant, le rapport laboratoire-entreprise relevait essentiellement de la mise à disposition d’expertise pour répondre à une problématique. Nous allons désormais vers davantage de collaboration, dès la définition des questions de recherche », rapporte-t-il.
Expertises variées et transverses au cœur des partenariats
Comment aller plus loin dans la logique partenariale ? La réorganisation des instituts de recherche de l’Essca autour de thèmes socio-économiques majeurs (IA et durabilité, transport et mobilité durable, mode éthique et consommation écologique) illustre les pistes à creuser.
« Nos instituts rassemblent des forces et expertises variées, pour aider les entreprises à trouver des solutions à des problématiques concrètes », confirme Marie Le Borgne-Larivière. Un avis partagé par Dejan Glavas, qui estime que les thématiques portées par les instituts appellent la transversalité et les échanges nourris avec le monde économique.
Autre axe de progrès, mis en avant par Marie Le Borgne-Larivière : « La pédagogie doit être poursuivie pour expliquer que la recherche en sciences de gestion ne vise pas seulement la production de connaissance ».
Les résultats des travaux menés par les enseignants-chercheurs de l’Essca intègrent ainsi, systématiquement, une partie dédiée aux implications managériales.
Des freins à lever pour mieux interfacer le monde académique et l’entreprise
Comme le rappelle Mathieu Joubrel, le partenariat recherche académique-grandes entreprises peut se confronter à des problématiques de propriété intellectuelle, générant une certaine frilosité du monde économique — tout comme la perspective d’externaliser une partie de la recherche. « L’écosystème français est dynamique, mais des enjeux culturels restent à dépasser », juge le CTO de ValueCo.
Pour Dejan Glavas, les hésitations des entreprises peuvent concerner la protection des données : « Il faut donc leur rappeler que les chercheurs prennent aussi cette problématique à cœur ». Afin de s’assurer que les travaux scientifiques sont bien en phase avec des préoccupations terrain, le directeur de l’institut « AI for Sustainability » recommande que « les questions des praticiens deviennent aussi des thèmes de recherche ».
Valorisation et transfert : de nouveaux champs à explorer
Si les notions de valorisation et de transfert sont avant tout l’apanage des sciences dures, les SHS et sciences de gestion peuvent aussi, à leur manière, intégrer cette logique. Marie Le Borgne-Larivière cite notamment l’appui à la réalisation de produits ou de procédés, sur la partie aval de la mise sur le marché ; ou encore l’amélioration de pratiques, produits et services existants :
« Sous l’angle de la coopération, des recherches complémentaires en sciences du management peuvent apporter des éléments d’information et de compréhension aux entreprises. »
Dejan Glavas insiste sur l’importance de l’accompagnement dans la durée, citant l’exemple de la production d’un ouvrage collectif par l’institut et ValueCo : « Une production intellectuelle, que les chercheurs et l’entreprise peuvent valoriser via du conseil, de l’apport de méthodologie. »
Les trois intervenants se retrouvent sur l’importance d’une collaboration performante, qui permet de produire une recherche de qualité, rigoureuse méthodologiquement, utile pour l’entreprise et pour la société civile. Une dynamique d’émulation qui, pour Marie Le Borgne-Larivière, « alimente un cercle vertueux de fonctionnement de la recherche, de la question initiale à la mise en œuvre, avec des applications qui en découlent et, in fine, qui nourrissent la pédagogie et l’enseignement ».