À quels risques sont confrontés les personnels et les enseignants-chercheurs ?
Par Catherine Piraud-Rouet | Le | Personnels et statuts
Les personnels des établissements du supérieur sont soumis à toute une typologie de risques, variables en fonction de leur métier : physiques, et potentiellement générateurs d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, ou psychosociaux.
Ceux qui pensent que travailler dans un établissement du supérieur n’est pas vraiment générateur de risques gagneraient à se plonger dans leurs documents uniques d’évaluation des risques (Duerp), ainsi que dans les rapports de l’Assurance maladie !
Car si les risques encourus sont très divers selon les fonctions occupées, ils n’en sont pas moins réels. Et de plus en plus nombreux et complexes, avec la montée en puissance de nouveaux aléas ces dernières années.
Risques physiques : chercheurs et laborantins en première ligne
Risques liés à l’utilisation de machines ou d’outils, explosion, incendie, contamination — potentiellement cancérogène, mutagène ou toxique — à des agents biologiques ou chimiques ou encore à des rayonnements ionisants…
« Les chercheurs, ingénieurs et techniciens (risques chimiques, biologiques, missions, etc.) peuvent être confrontés à des accidents de travail durant leur activité », note Emmanuel Rodriguez, directeur adjoint de la mission qualité, santé, sécurité, environnement et conseiller prévention à l’Institut de recherche pour le développement (IRD).
Le risque existe aussi dans le cadre d’une étude externe à leur environnement habituel (risques industriels, expédition, embarquement, risque hyperbare pour les chercheurs allant faire des missions sous-marines…).
« Des dangers qui peuvent également concerner les femmes de ménage, et de manière générale tous les personnels gravitant dans ces zones », relève François Paquis, directeur général des services de l’Université Clermont-Auvergne (UCA).
Qui plus est, de nouveaux risques, précédemment ignorés ou sous-estimés, montent en puissance régulièrement.
« La recherche est, par définition, confrontée en permanence à ce phénomène », explique Emmanuelle Rosa, secrétaire académique du syndicat SNPTES à Aix-Marseille Université et membre SNPTES-Unsa de la formation spécialisée en santé et sécurité au travail du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
« Au début de l’étude de quelque chose de novateur, on peut se sentir protégé par certains équipements, et au fil du temps se rendre compte que ce n’était pas suffisant. C’est notamment ce qui s’est passé avec le prion », poursuit-il.
Les troubles musculosquelettiques, risques numéro 1, dans le supérieur comme ailleurs
« Ces risques, potentiellement les plus graves, sont aussi, heureusement, aujourd’hui très maîtrisés et rares », tempère Alice Evain, secrétaire générale du pôle Léonard de Vinci, qui comprend quatre établissements, dont l’Esilv, une école d’ingénieurs intégrant des laboratoires de mécanique.
De fait, les risques les plus fréquents, dans le supérieur comme dans l’ensemble des milieux professionnels, sont les troubles musculosquelettiques (TMS), qui représentent pas moins de 50 % des accidents du travail recensés par l’Assurance maladie.
Une catégorie qui rassemble les affections touchant les articulations, les muscles et les tendons, du dos (lombalgies), des membres supérieurs (poignet, épaule, coude) et inférieurs (genoux).
« Ces affections touchent indifféremment toutes les fonctions, y compris les administratifs, car liées à des postures non adaptées, comme la position debout fréquente ou des gestes répétitifs », commente Thierry Martin, consultant RH à l’Union professionnelle de l’enseignement supérieur privé (Upes), la nouvelle organisation patronale du supérieur privé.
Les chutes et les risques routiers
Juste après viennent les chutes (20 % des accidents du travail), soit de plain-pied, soit d’une hauteur, par exemple de l’estrade en amphithéâtre. Mais aussi les accidents de trajets (déplacements du logement au lieu de travail ou dans le cadre de la fonction). Ceux-ci constituent même, d’après l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, la première cause de mortalité au travail.
Ce risque routier, parfois sous-estimé, fait de plus en plus souvent l’objet d’une politique proactive. « C’est le sixième risque (sur 27) le plus identifié par les structures dans notre Duerp. Nous avons déployé sur l’ensemble de nos sites près de 1500 actions de prévention pour le réduire », expose Jonathan Casal, directeur prévention, sécurité et environnement de l’Université de Lorraine.
Autre fléau rencontré par les personnels du supérieur : les risques liés à l’environnement de travail (lumière artificielle, bruit, température des salles, qualité de l’air — avec présence d’amiante notamment…).
« 30 % des mesures immédiates préconisées par l’inspection du ministère dans les établissements concernent les bâtiments », pointe Emmanuelle Rosa.
Les risques psychosociaux : la catégorie qui monte
Les agents peuvent également être exposés à des agressions physiques ou verbales. Un volet à mi-chemin entre les risques physiques et les risques psychosociaux (RPS) : une dernière catégorie qui monte en puissance ces dernières années, dans tous les types d’établissements.
Les risques psychosociaux peuvent être initiés par différents phénomènes, tous liés à des contraintes organisationnelles et relationnelles : les violences verbales et physiques, le stress (évaluation, concurrence…), l’épuisement professionnel (avec notamment la difficulté de concilier travaux d’enseignement et éventuelles tâches administratives avec ses travaux de recherche), un manque de reconnaissance ou un sentiment de précarité (contractuels), voire du harcèlement moral et sexuel…
Les risques psychosociaux peuvent aussi être dus à des difficultés relationnelles avec les étudiants, les collègues ou la hiérarchie. « On relève aujourd’hui une violence subtile et inédite que les apprenants peuvent exercer sur les enseignants, avec chantage et menaces à peine voilées, concernant les règles de discipline générale et les évaluations académiques », dénonce Philippe Azzi, référent de la filière RH et animateur du module prévention des RPS à l’École supérieure de management en alternance (Ecema).
Le tout numérique : un risque nouveau, encore sous-évalué
Ce changement de paradigme est également porté par les nouvelles formes d’organisation du travail et de l’enseignement induites par la généralisation des outils numériques.
« Avec la multiplication des formations à distance et notre incapacité à faire respecter aux étudiants l’obligation d’activer leur caméra, nous nous retrouvons à faire cours face à une multitude de pastilles noires. En distanciel comme en présentiel, nous assistons à une forme de désengagement des apprenants, qui nécessite des rappels à l’ordre fréquents. Ce qui pour ma part a occasionné une sorte de “burn-out numérique‘, avec tous les symptômes physiques d’un stress intense », témoigne Philippe Azzi.
L’omniprésence du digital va aussi de pair avec l’explosion de risques spécifiques : piratage informatique, cyberharcèlement… « Tandis que l’essor du télétravail déstructure la frontière entre vie personnelle et vie professionnelle, avec à la clé un danger de saturation, en sus d’un sentiment d’isolement », ajoute Thierry Martin. Autant de risques invisibles encore sous-évalués par certains établissements, même si les progrès en matière de détection et de prévention progressent à vitesse grand V.