[Replay] Les CPGE face au défi des nouvelles générations

Communiquer de manière positive, créer des paliers de certification, faire évoluer les contenus, se rapprocher des entreprises… Les classes préparatoires aux grandes écoles de commerce réfléchissent aux moyens de redorer leur blason et d’attirer davantage d’élèves. Une réflexion menée de concert avec les grandes écoles au cours du webinaire organisé par Campus Matin et son partenaire Skema. Synthèse.

Cycle : Campus Matin

Une filière plombée par une image dégradée et un environnement de plus en plus concurrentiel

Quentin Leroux est président de l’Association de promotion des classes préparatoires voie technologique. - © D.R.
Quentin Leroux est président de l’Association de promotion des classes préparatoires voie technologique. - © D.R.

Ces dernières années, les classes prépas ont perdu près de 10 % de leurs effectifs. En cause, d’abord, une image dégradée. Ce parcours est perçu comme un tunnel difficile, compétitif et austère, une sorte de « bulle » coupée de la société et du monde de l’entreprise.

Un problème encore plus prégnant en prépa économique et commerciale technologique : « En STMG, de nombreux lycéens ne connaissent pas l’existence des prépas », souligne Quentin Leroux, président de l'Association de promotion des classes préparatoires voie technologique (ADEPPT). Pourtant, les études montrent que les étudiants sont ravis de cette expérience. Et la filière jouit d’une image d’excellence jamais démentie. 

Autre écueil : un environnement post-bac de plus en plus concurrentiel, avec la multiplication de parcours réputés moins exigeants et jalonnés par des piliers de diplomation qui rassurent les étudiants. « D’où la question : « Pourquoi faire une classe préparatoire aux grandes écoles (CGPE) pour intégrer une grande école, alors que je peux y aller après une licence, un BTS, un BUT ou un bachelor ? », décrypte Alain Joyeux, président de l’Association des professeurs des classes préparatoires économiques et commerciales (APHEC). 

Les pistes pour faire regagner la filière en attractivité

Communiquer de manière positive

«  Il nous faut réaffirmer qu’en prépa, on construit un socle solide, ce qui nécessite exigence et rythme soutenu. Mais ne pas présenter cela comme un sacrifice  », recommande Joël Bianco, président de l’Association des proviseurs de lycées à classes préparatoires aux grandes écoles (APLCPGE) et proviseur du lycée Louis le Grand à Paris. Au-delà du défensif, il y a un gros travail à faire sur le narratif des CGPE pour les rendre plus séduisantes.

Pour Quentin Leroux, il faut insister sur les taux de réussite exceptionnels, mais surtout, sur le rôle d’accélérateur de la prépa. « Toutes les écoles sont excellentes et 100 % de nos étudiants peuvent les intégrer », note-t-il. 

« On n’y enseigne pas seulement à préparer des concours, mais on y apprend à apprendre pour toute la vie. » 

Alice Guilhon est présidente de la CDEFM et directrice générale de Skema Business School. - © D.R.
Alice Guilhon est présidente de la CDEFM et directrice générale de Skema Business School. - © D.R.

Alice Guilhon, présidente de la Conférence des directeurs des écoles françaises de management (CDEFM) et directrice générale de Skema Business School ajoute :

« Il nous faut faire comprendre aux jeunes qu’on sera une formidable rampe de lancement pour les aider à affiner leur projet de vie, puis qu’on les accompagnera au long cours.  Que la prépa, plus que les autres formations, leur donne les clés intellectuelles pour être en prise avec les enjeux sociétaux. Et leur rappeler que le lien prépas-grandes écoles est plébiscité par les entreprises françaises. »

Comment procéder ? « Il nous faut travailler sur quels blocs de compétences, valorisables face aux recruteurs , la prépa peut amener aux étudiants  », évoque-t-elle. Quentin Leroux préconise lui « de mettre beaucoup de moyens sur l’information en ante bac, et dès la seconde, en incluant les écoles  ».

Alain Damond recommande de s’appuyer davantage sur les prescripteurs - les sortants des grandes écoles, qui sont aussi des alumni des prépas - dans une logique d’ambassadorat.

Joël Bianco est proviseur du lycée Louis le Grand. - © D.R.
Joël Bianco est proviseur du lycée Louis le Grand. - © D.R.

Créer des paliers de certification

« Le problème de la prépa, c’est que c’est deux ou trois ans d’études qui ne débouchent sur aucun diplôme : d’où la question des paliers de certification », relève Quentin Leroux. Accorder aux prépas une équivalence de niveau bac+3 au lieu de bac+2 pourrait être une piste « pour donner aux étudiants un sentiment de perspective et de sécurité », selon Joël Bianco.

Apporter une plus-value à ce type de parcours dans les écoles

« Il faudrait qu’être passés par une prépa donne un “plus“ évaluable dans le cursus postérieur, estime Alain Joyeux. D’où un gros travail à faire avec les écoles, sur l’ensemble du parcours. »

Faire évoluer les contenus

C’est l’une des pistes prônées par les intervenants, notamment pour favoriser le continuum entre prépa et grandes écoles. Il s’agirait notamment de diminuer les cloisonnements entre les disciplines.

Alain Joyeux travaille est président de l’APHEC. - © D.R.
Alain Joyeux travaille est président de l’APHEC. - © D.R.

Rapprocher la prépa de l’entreprise

Unanimité, également, sur le fait que les prépas ont besoin de s’ouvrir sur l’extérieur. Des bonnes pratiques ont déjà cours. « Dans une quarantaine de lycées, on observe des stages en premières ou en deuxième année, des parrainages des promotions par des chefs d’entreprise…  », détaille Alain Joyeux.

Jusqu’où aller dans le changement ?

Où placer le curseur entre évolution nécessaire et risque de faire table rase d’un système qui continue de faire ses preuves ? « On doit, bien sûr, se remettre en question, répond Joël Bianco. Mais à chacun son métier : nous nous situons plutôt sur un socle de disciplines traditionnelles. Nous ne devons pas non plus renoncer à la notion d’effort dans la durée, qui fait aussi notre force.  »

Alain Damond est directeur associé de l’agence Epoka.  - © D.R.
Alain Damond est directeur associé de l’agence Epoka. - © D.R.

Alain Damond confirme : « L’enjeu est de donner envie, mais aussi de rester fidèles à une réalité : tout le monde n’est pas fait pour la prépa, et le caractère exigeant de la filière doit perdurer. »

Alain Joyeux note que les professeurs de CGPE « s’inquiètent d’évolutions qui selon eux n’amélioreraient pas l’attractivité et pourraient précariser leur situation personnelle.  »

Alice Guilhon rappelle que le calendrier des réformes se tiendra sur le temps long :

« Il faut déverrouiller tous les blocages avant de pouvoir construire. Pour faire en sorte que la filière non seulement regagne son attractivité, mais en gagne encore plus. »

« Une vision inédite du monde du travail »

Les étudiants et diplômés issus de classes prépas des années 2020 ont une vision inédite du monde du travail. « Cette Génération Z veut des métiers qui ont du sens, liés aux transformations environnementales, développe Alain Damond, directeur associé de l’agence Epoka. Elle aspire à une vraie qualité de vie au travail, avec des conditions flexibles et la possibilité de vivre une expérience stimulante et variée. Elle se projette difficilement à plus de trois ans. »