Les bonnes recettes de trois écoles d’ingénieurs pour favoriser l’engagement étudiant
Par Marine Dessaux | Le | Rse - développement durable
Des compétences nouvelles et une utilité sociale avérée : l’engagement étudiant figure désormais au programme de nombreux cursus, de plus en plus de manière obligatoire. Les responsables pédagogiques de trois écoles d’ingénieurs, l’ECE, l’Esiea et l’EBI, expliquent comment ils favorisent et accompagnent les actions citoyennes, culturelles et sociales de leurs étudiants.
Pourquoi encourager l’engagement étudiant en tant qu’école d’ingénieur ? Comment le reconnaître ? Quelles sont les bonnes pratiques ? L’ECE (généraliste), l’Esiea (informatique/numérique) et l’EBI (École de biologie industrielle) abordent ces questions pour Campus Matin, alors que la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieur (Cdefi), le Bureau national des élèves (BNEI) et la Commission des titres d’ingénieur (CTI) viennent de sortir un guide pratique « Valorisation de l’engagement étudiant ».
Quelles compétences acquises grâce à l’engagement étudiant ?
S’il est toujours une démarche positive, l’engagement reste principalement du ressort de la vie privée, de l’à-côté, qui se déroule sur le temps libre. Il s’avère cependant de plus en plus important sur les CV, aussi bien pour la suite des études que pour l’entrée dans la vie professionnelle. C’est d’ailleurs souvent lui qui fait pencher la balance lorsque deux candidats sont de niveaux équivalents. Alors, pourquoi est-il si reconnu ?
Une réelle montée en compétence
Emilie-May Hubbard, responsable vie étudiante à l’EBI, met l’accent sur les compétences que développent les élèves : « L’engagement étudiant constitue une réelle montée en compétences, offre pléthore de leviers, et permet de se préparer au monde des entreprises. C’est une façon de forger sa personnalité, de renforcer ses aptitudes innées et de travailler sur son savoir-être ».
Elle insiste notamment sur ce que signifie être membre d’un bureau associatif : « C’est participer à la gestion d’une réelle entreprise pouvant aller jusqu’à 400 membres, il faut prendre en charge la gestion de trésorerie, l’approvisionnement et les relations fournisseurs, le service client, la logistique et communication, créer des prévisionnels. La complémentarité des équipes pour une coordination optimale est également pleinement sollicitée ».
« Soft skills »
Morgane Le Merrer, responsable formation humaine sur le campus de l’Esiea, à Laval, note l’image positive que l’engagement revêt auprès de potentiels employeurs : « Ces projets aident à donner une nouvelle vision des ingénieurs : ils ne sont pas que des ‘geeks’ derrière leurs ordinateurs. Ce sont des humains prêts à innover pour leurs pairs. Les entreprises aiment ces projets, qui sortent du commun, et qui leur permettent de voir rapidement les soft skills travaillées en école ».
S’engager est une façon pour les étudiants ingénieurs de développer leur confiance en eux, mais aussi leur esprit entrepreneur et citoyen.
Marie Saad, responsable de la vie associative à l’ECE Paris, explique :
« En s’engageant dans des projets sociaux, les étudiants se rendent compte qu’ils peuvent être utiles, à leur échelle et malgré leur jeune âge.
Au fil des années, ils se rendent compte qu’ils arrivent à mettre des projets sur pieds, à faire avancer les choses. Une réalisation qui les motive et les pousse à aller plus loin ».
Monter des projets, implication associatif ou auprès de structures publiques : les formes diverses de l’engagement
À l’ECE Paris, l’engagement prend des formes multiples : les étudiants viennent en appui à la protection civile (pompiers volontaires), dans des maisons de retraite et des hôpitaux. Ils font partie d’associations comme « Unir pour agir » qui organise des maraudes pour les sans-abris ou encore la Clean Walk qui participe à nettoyer les rues de Paris. Leur formation prévoit d’ailleurs un module ‘Engagement citoyen’.
Une action bénévole réactive et flexible, comme l’explique Marie Saad : « Pendant la crise Covid, certains étudiants ont collaboré avec la mairie pour fabriquer des visières ».
Contribuer à l’amélioration des conditions de vie de campus
À l’EBI, l’engagement étudiant s’illustre par des postes à responsabilité dans différentes associations du campus et « il passe également par nos ambassadeurs vie étudiante, qui relaient les souhaits et besoins estudiantins, ce qui contribue à l’amélioration continue de leurs conditions de vie sur le campus », dit Emilie-May Hubbard.
Les EBIstes s’engagent aussi dans des initiatives de développement durable ou à caractère social : « Du volontariat pour accompagner des lycéens de la ville de Cergy dans le cadre des Cordées de la réussite (programme Pourquoi pas moi) ou en assistant nos référents développement durable, handicap ou égalité femme-homme dans leurs actions », illustre-t-elle.
La spécialité de l’Esiea, ce sont les « projets de formation humaine ». Leur but ? Faire travailler les étudiants en groupe sur un projet non technique durant toute une année. À la clef, par exemple, des récoltes de fonds et de matériel pour aller informatiser des écoles au Népal, des cours de français donnés à des personnes allophones, des initiations à l’informatique auprès des seniors, du bénévolat dans le dispositif Contrat local d’accompagnement scolaire (Clas), etc.
« Sur l’ensemble du campus Lavallois cela représente environ 300 étudiants et une soixante de projets par an », témoigne Morgane Le Merrer.
Peut-on parler d’engagement s’il est obligatoire ?
C’est un sujet de dissertation de philo : peut-on appeler « engagement », l’ensemble des actions sociales effectuées dans le cadre obligatoire d’un cursus ?
À l’Esiea, « les crédits dédiés à l’engagement ne sont pas optionnels. Cela aide à faire comprendre l’importance de la matière », indique Morgane Le Merrer. Une façon de favoriser les projets solidaires, mais aussi de dégager du temps aux étudiants pour s’investir différemment.
Mais la bonne action ne perd-elle pas de son sens ? Marie Saad (ECE) répond : « Pour les élèves qui s’impliquent sérieusement dans leur mission d’engagement citoyen, l’engagement s’étend bien au-delà des heures fixées par le cours. Rendre obligatoire les actions citoyennes est une façon de les inciter à s’investir pour une cause. Et, ceux qui s’impliquent œuvrent sans se limiter aux trente heures obligatoires à l’ECE ».
Quel accompagnement de la part des écoles ?
Parmi les écoles interrogées, aucune n’organise de suivi tutoré spécifique. C’est toujours une équipe - composée de personnels ayant diverses fonctions - qui est à disposition des étudiants en cas de besoin.
À l’EBI, par exemple, l’engagement étudiant est suivi « par toute une équipe composée de la directrice générale, directrice opérationnelle, responsable de site et responsable de la vie étudiante, avec l’appui du service des études. Cette équipe est sollicitée au quotidien pour accompagner les initiatives étudiantes », dit Emilie-May Hubbard.
L’école accompagne également financièrement les associations, sous forme de subventions et d’audits ainsi que les initiatives créatives et sportives, avec la Bourse aux Talents et des gala.
« L’accompagnement économique est également consacré à l'accès aux équipements sportifs. La banalisation des cours est accordée pour la journée sportive Campus Day et la campagne BDE ».
À l’ECE, un incubateur permet aux start-up, qui naissent parfois que de projets solidaires, d’avoir un accompagnement plus précis avec un aménagement d’emploi du temps spécifique. En outre, les jeudis après-midi sont banalisés pour les engagements citoyens et activités associatives.
Quels outils ?
Présenter le portfolio des étudiants avec le logiciel Neobrain
L'ECE travaille avec le logiciel de gestion des compétences Neobrain : « Il permet de présenter le portfolio des étudiants, de mettre en avant leurs projets », dit Marie Saad. Autre forme d’accompagnement, la « valorisation concours » de l’ECE, peut être choisie par les élèves ingénieurs parmi plusieurs options. Elle permet de s’inscrire à une grande variété de concours organisés avec des entreprises.
L'EBI, de son côté, a déployé l’outil numérique Teams de Microsoft, afin de faciliter l’interactivité pour les formalités administratives et de favoriser les échanges entre étudiants, mais aussi avec l’administration et les professeurs.
Évaluation et validation
Les crédits sont privilégiés pour valider et reconnaître l’engagement étudiant. À l’EBI, il existe une équivalence d’ECTS pour un module “engagement culturel et social”.
À l’Esiea, des ECTS sont obtenus chaque semestre dans le cadre du parcours général : l’engagement, n’est pas seulement encouragé, mais, comme n’importe quel autre cours, obligatoire. Même chose à l’ECE avec le module « Engagement citoyen » qui exige 30 heures de bénévolat sur les cinq années d’école.
Le guide « Valorisation de l’engagement étudiant dans les écoles d’ingénieurs » recense les dispositifs d’évaluation pour ce qui représente « l’une des grandes difficultés rencontrées dans le développement des dispositifs de validation de l’engagement associatif ».
L’évaluation pour l’acquisition de l’équivalence ECTS se présente, à l’EBI, sous forme de compte-rendu d’activité individuel avec critères prédéfinis, détaillant les compétences acquises, les apports pour soi et le collectif. Ce rapport est analysé puis noté pour validation.
L’ECE comme l'Esiea optent pour une soutenance à l’oral et des rapports écrits qui sont évalués par les professeurs sans dispositifs d’évaluation prédéfini.
En quelques mots : l’Esiea, l’ECE et l’EBI
• L’Ecole centrale d’électronique (ECE), dont les campus sont basés à Paris et à Lyon, est spécialisée dans les technologies de l’information. Elle est la seule école d’ingénieurs du groupe d’enseignement supérieur privé regroupant 16 écoles, Inseec U.
• L’École supérieure d’informatique électronique automatique (Esiea) forme des ingénieurs généralistes dans le domaine des sciences et technologies du numérique. Elle est implantée à Paris, Ivry-sur-Seine et Laval.
• L’École de Biologie Industrielle (EBI), toujours située à Cergy-Pontoise après un déménagement en 2016, est spécialisée dans l’agro-alimentaire, la cosmétique, la pharmaceutique et l’environnement. Cet établissement d’enseignement supérieur technique privé est géré par une association à but non lucratif.