[Replay] Intelligence artificielle au service de l’éducation : quelles pratiques pour demain ?
L’intelligence artificielle (IA) est en train de révolutionner l’éducation, offrant de nouvelles perspectives pour l’enseignement et la recherche. Lors d’un webinaire organisé le 8 juin 2023, en partenariat avec Microsoft, Campus Matin a exploré les dernières avancées en la matière, les possibilités et les défis de ce changement de paradigme.
Cycle : Campus Matin
L’arrivée des IA génératives — qui utilisent des contenus existants pour en générer de nouveaux — marque un nouveau changement d’échelle dans l’intelligence artificielle. Ces derniers mois, cette technologie (Chat GPT notamment) s’est propagée à très grande vitesse dans le grand public. « Depuis, c’est l’effervescence aussi dans l’ensemble des institutions publiques et privées, note Philippe Limantour, directeur technologique et cybersécurité de Microsoft France. L’IA cumule en effet différents atouts : elle permet de converser en langage naturel avec un système informatique, elle est performante et accessible à tous (multilingue, inclusive…). »
De fait, une IA chasse l’autre, sous des appellations différentes. « L’IA, c’est ce qu’un ordinateur fait mieux qu’un humain, expose Matthieu Boussard, responsable R&D à Craft AI. Une fois que les technologies entrent dans l’usage courant, par exemple pour reconnaître des caractères écrits ou effectuer une recherche, on considère que ce n’est plus de l’IA, bien qu’elles soient très complexes. »
L’IA au service de la personnalisation et de l’optimisation des parcours des étudiants
A Epitech digital school, l’IA est massivement utilisée dans la pédagogie. Sur le fond, puisque les étudiants y sont formés. Mais c’est aussi un formidable outil d’apprentissage. « Nous avons une IA en construction sur les préférences d’apprentissage de nos étudiants pour valider leurs compétences, ce qui nous permet d’individualiser la formation. L’IA est également un support premium pour identifier des difficultés chez un étudiant, détaille Laura Hassan, sa directrice générale. Enfin, nous utilisons des plateformes d’entraînement à l’éloquence, très prisées des étudiants. »
Ces technologies de pointe font aussi le bonheur des écoles de management, comme en témoigne Thomas Hervouet-Kasmi, digital learning manager à l’Ipag Business School. « Nous collectons les data sur deux niveaux. D’une part, sur le parcours académique balisé (tronc commun, spécialisations, options…), dont nous effectuons une analyse semestrielle pour en sortir des recommandations qui vont impacter la note pédagogique. D’autre part, pour développer des pratiques émergentes, comme des parcours “hors murs” ou des recommandations de parcours de formation dans une autre langue. Ce qui aide nos étudiants à construire un projet professionnel parfaitement personnalisé. »
Les bonnes pratiques d’utilisation dans le supérieur
Identifier le résultat recherché
Ne pas foncer tête baissée, mais avoir un objectif : la clé de toute stratégie. « Il faut commencer par identifier son besoin d’amélioration, par exemple : proposer du contenu personnalisé sur la formation des étudiants. Puis quel est le levier informatique qui va permettre d’y accéder, explique Matthieu Boussard. Il s’agit ensuite de considérer les ressources dont on dispose : data ? Connaissance experte ? IA générative ? Puis commencer à expérimenter, en hybridant éventuellement tout cela, pour trouver des solutions. »
Exercer son esprit critique
Philippe Limantour tire la sonnette d’alarme : « L’erreur à ne pas commettre avec ces nouvelles IA : penser qu’elles sont des bases d’informations en elles-mêmes, prévient-il. Ces modèles ont emmagasiné de l’information parce qu’on leur a appris à faire des tâches. Mais les IA font des erreurs, et si on pose mal la question, on aura une mauvaise réponse. »
Pour pallier cet écueil, il préconise une feuille de route en trois temps, « l’approche copilote d’assistance » : « Donner de l’information à l’IA, lui poser les questions les plus précises possible et exercer son jugement face à la réponse générée. »
Aider les étudiants à prendre du recul
Une autre erreur à ne pas commettre : laisser les étudiants face à l’IA, en pensant que puisqu’ils sont de la « génération Z », ils la maîtrisent d’emblée.
« Pour former les managers de demain, notre tâche est triple, souligne Thomas Hervouet-Kasmi. Les aider à leur faire prendre du recul par rapport aux outils qu’ils utilisent au quotidien ; leur montrer les fondamentaux des business models derrière ces IA, via, par exemple, des sujets sur l’impact de la business intelligence sur les métiers du contrôle de gestion. Enfin, d’avoir une approche managériale responsable vis-à-vis des conséquences sociales et environnementales. »
Assurer suivi et monitoring
L’IA doit être monitorée pour donner son meilleur. Thomas Hervouet-Kasmi donne l’exemple du projet Voltaire, pour lequel l’Ipag a mesuré ce printemps l’exposition à l’IA par rapport à la réalité de l’augmentation du niveau chez les étudiants.
« L’étude a montré la nécessité d’une exposition minimum de 10 h pour observer un effet — mais réel et généralisé — en termes de performance. Du coup, nous sommes passés à 20 h pour tout le monde », rapporte-t-il.
Laisser l’humain aux manettes pour limiter les biais d’interprétation
Afin de conserver un esprit critique, il est indispensable d’avoir un copilotage systématique humain-machine. Cette idée forte de laisser l’humain au contrôle est aussi un vecteur clé pour limiter les biais qui peuvent survenir. « Nos modèles de suivi des étudiants pour identifier des lacunes ou des décrochages sont faussés par tout ce qui s’est passé durant la crise covid, illustre Laura Hassan. Ainsi, les décrochages peuvent être dus non pas à la qualité du cours, mais à une dépression ou à une situation personnelle compliquée. D’où la nécessité d’un tri préalable par l’humain. »
Comprendre les intentions cachées dans les questions.
Comment procéder ? Philippe Limantour dispense le mode d’emploi. « En cas d’un manque de confiance sur les informations données par l’IA, il faut ajouter des validations supplémentaires à effectuer par l’utilisateur, permettant de comprendre les intentions cachées dans les questions et de les enlever », conseille-t-il. Matthieu Boussard ajoute : « Il est très important que les algorithmes soient conçus pour interagir, que le modèle puisse expliquer certains paramètres pour que l’humain — designer ou utilisateur — puisse vraiment prendre en main l’IA. »
Des coûts réduits, un retour sur investissement fort
Bonne nouvelle : beaucoup de ces IA étant accessibles gratuitement, il est inutile a priori de développer son infrastructure informatique, du moins pour un simple usage. « L’investissement, en matériel et en expertise humaine, ne s’imposant que si on veut déployer son système beaucoup plus largement ou entraîner soi-même des IA », déclare Philippe Limantour. Qui estime le coût global du recours à l’IA « très raisonnable et le retour sur investissement fort ».
Ce qui n’empêche pas de s’entourer d’experts dédiés. Y compris dans les écoles spécialisées comme Epitech. « Nous faisons appel à des entreprises pour nous appuyer et renforcer le modèle, par manque de temps ou de ressources humaines », indique Laura Hassan. De même, à l’Ipag, une politique d’achats est menée auprès de spécialistes. Objectif : travailler avec les plus grands et profiter de leur retour d’expérience.
Maitriser les IA : un must pour les managers de demain
Pas de salut hors de l’IA pour les futurs talents. « Une fois sur le marché du travail, ils vont l’utiliser tous les jours, sous peine d’être dépassés », évoque Laura Hassan. Thomas Hervouet-Kasmi parle d’« éducation augmentée », car ouvrant « des perspectives de personnalisation jamais atteintes ». « L’IA est un sujet sans fin, et ça ne fait que commencer ! », conclut-il.