Formation des enseignants : un facteur de performance du système éducatif
Comment définir l’efficacité d’un système éducatif ? Quel rôle peuvent jouer la formation initiale des enseignants, et leur développement professionnel, dans l’amélioration de sa performance ? Autant de questions auxquelles le webinaire de Campus Matin et du réseau des Inspé du 6 février 2024 a tâché de répondre en dressant les bonnes pratiques et des pistes d’action pour une prochaine réforme de la formation des enseignants.
Cycle : Campus Matin
« Travailler à la formation initiale et continue des enseignants, l’alpha et l’oméga des systèmes qui réussissent dans le monde. Ce sera l’un des points majeurs que nous devrons faire évoluer. »
Cette priorité a été mise en avant par Nicole Belloubet, nouvelle ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, lors de sa prise de poste le 9 février. Une ambition largement partagée par l’écosystème éducatif français, et qui a été au cœur du webinaire, organisé dans le cadre de Think Éducation et Recherche. Morceaux choisis.
Formation des enseignants : « peut mieux faire »
Au jeu des notes et des appréciations sur le système de formation initiale des enseignants, Elsa Lang-Ripert, vice-présidente du Réseau des Inspé en charge des moyens et du pilotage, estime « très satisfaisante » la capacité d’adaptation des acteurs de la formation initiale, la stabilité et la lisibilité de la formation initiale, « non acquises », ou encore la construction d’un modèle économique et RH efficace pour la formation initiale, « à réviser ».
Filant la même métaphore, Romuald Normand, professeur à l’Université de Strasbourg, coordinateur du réseau européen des sociologues de l’éducation, évoque « un élève doué d’une bonne volonté, qui devrait s’inspirer des bons élèves de la classe internationale ».
Éric Charbonnier, analyste à l’OCDE, membre du conseil d’évaluation de l’école, attribue la moyenne avec des encouragements : « Il y a beaucoup à faire pour améliorer la formation initiale, notamment sur le volet pédagogique ».
Même note donnée par Cécile Rilhac, députée, membre de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, qui cite comme point d’amélioration « la coopération entre le ministère de l’ESR, qui supporte la formation initiale, et le ministère de l’éducation nationale, qui recrute les enseignants ».
Performance d’un système éducatif : quels critères retenir ?
Pour Éric Charbonnier, les performances académiques des élèves ne peuvent suffire à évaluer celle du système éducatif : il faut aussi prendre en compte leur épanouissement, ainsi que le bien-être et les conditions de travail des enseignants. Il insiste aussi sur l’importance de mesures qualitatives, notamment la qualité de l’enseignement, au lieu de se contenter de données quantitatives.
Cécile Rilhac évoque le Conseil d’évaluation de l’École, créé en 2020, qui vise à associer tous les acteurs de la communauté éducative et à croiser les regards, pour bénéficier à la fois d’une démarche d’autoévaluation de l’établissement et d’une évaluation externe : « Il s’agit d’offrir une vision précise à l’instant T, afin de s’en servir pour améliorer le système ».
Les contours d’une future réforme réellement impactante
Alors que les 15 dernières années ont été marquées par quatre réformes de la formation initiale des enseignants, et qu’une nouvelle se profile à horizon mars 2024, les intervenants ont partagé leur vision des axes d’amélioration à envisager. Différentes difficultés restent à lever, selon Elsa Lang-Ripert.
Par exemple, contrairement à presque tous les pays de l’OCDE, un enseignant qualifié n’est pas titulaire d’un diplôme préparant au métier de professeur :
« N’est-il pas temps de s’inspirer utilement des modalités de formation initiale dans les pays voisins, qui ont fait leurs preuves ? Et de créer des licences dédiées au métier d’enseignant, avec un modèle en cinq ans de formation, complété par un continuum de formation tout au long de la vie ? »
Talis, l’enquête internationale de référence sur l’enseignement et l’apprentissage de l’OCDE, révèle en effet les manques ressentis par la communauté éducative, notamment sur le volet pédagogique. « 22 % des enseignants de collège, en France, coenseignent avec des pairs expérimentés en début de carrière, contre 45 % en moyenne dans l’OCDE », illustre Éric Charbonnier.
Les pistes de progrès
S’inspirant de l’enquête comparative internationale conduite par Linda Darling-Hammond, présidente du Learning Policy Institute, Romuald Normand livre plusieurs pistes de progrès :
- la motivation à enseigner et l’engagement à faire réussir les élèves sont essentiels ;
- l’enseignant doit être en capacité de réfléchir à sa pratique, d’apprendre et de travailler avec des pairs ;
- pour faciliter les premiers pas dans le métier, il est crucial de privilégier une approche progressive, un accompagnement sur site, et du temps libéré pour échanger avec des enseignants plus expérimentés, dans une logique de mentorat et d’apprentissage entre pairs.
Pour Cécile Rilhac, la prochaine réforme devrait intégrer plusieurs évolutions :
- proposer à l’université des cursus fléchés vers le métier d’enseignant, avec des filières pluridisciplinaires ;
- permettre au futur enseignant de se confronter au réel, dès la première année de licence, avec des pratiques accompagnées ;
- et définir un référentiel de formation solide et lisible, avec des maquettes pédagogiques réellement adossées à ce référentiel.
Le développement professionnel continu : trois notions à la complémentarité indispensable
Les intervenants ont également abordé la question de la formation continue, en mettant en avant plusieurs options à envisager : apprendre pour soi, avec les autres, par les autres et pour les autres ; s’inscrire dans des groupes professionnels réflexifs ; ou encore disposer de temps pour acquérir de nouveaux savoirs, qu’il s’agit d’hybrider avec les avancées de la recherche.
Le réseau des Inspé est en première ligne pour contribuer au développement professionnel des enseignants. Elsa Lang-Ripert milite ainsi pour « une articulation très fine entre la formation initiale et la formation continue, ou continuée », mais aussi pour le renforcement de l’offre de masters et de diplomations Inspé au bénéfice des enseignants en poste ; et pour la valorisation de ces nouvelles compétences dans la carrière des enseignants.