406 € par mois : la différence de salaire entre les hommes et les femmes E-C
Par Isabelle Cormaty | Le | Rse - développement durable
Les femmes universitaires ont touché 406 € de moins que les hommes par mois en 2020. Une différence qui s’explique majoritairement par la ségrégation des corps entre maitres de conférences et professeurs des universités. Les réformes liées aux carrières en cours, comme le repyramidage ou le Ripec, vont-elles changer la donne ? Analyse.
Le chiffre : 406 € brut en moins par mois pour les femmes
Les enseignantes-chercheuses ont gagné en moyenne 4519 € brut par mois en 2020, contre 4925 € pour les hommes. Cela équivaut à une rémunération inférieure de 406 €.
« Les femmes universitaires ont des rémunérations inférieures à celles des hommes dans tous les types d’établissements, ainsi que dans la plupart des autres filières et corps enseignants du supérieur », constate la Direction générale des ressources humaines (DGRH).
La source : qui a produit ces statistiques ?
Ces données proviennent d’une note publiée en novembre dernier par la DGRH du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Cette étude se consacre aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes enseignants-chercheurs universitaires.
La méthode : comment sont-elles calculées ?
Pour élaborer cette note, la DGRH s’appuie sur l’outil de calcul d’indicateurs d’écart de rémunération entre les femmes et les hommes dans la fonction publique, conçu par l’État pour aider les employeurs à bâtir leur plan d’action en matière d’égalité professionnelle femmes-hommes.
61 % de l’écart de salaire causé par la « ségrégation des corps »
La proportion de femmes dans le corps plus rémunérateur des professeurs des universités est plus faible (28 %) que dans celui des maîtres de conférences (45 %). Cet effet de « ségrégation des corps » explique 61 % de l’écart de salaire des universitaires en 2020.
« Néanmoins, l’écart tend à se résorber avec une féminisation du recrutement des professeurs des universités qui s’accentue au fil des années. Ainsi, le taux de femmes recrutées a doublé depuis 2001 », analyse la DGRH.
22 % des inégalités salariales dues à la démographie
À cette « ségrégation des corps », s’ajoute « l’effet démographique » en leur sein : la proportion de femmes est plus faible dans les grades et échelons les plus rémunérateurs en raison là encore de la féminisation récente.
« La ségrégation des corps est la principale variable expliquant les écarts de rémunération. Les autres variables découlent de la ségrégation des corps. Le plafond de verre existe pour les femmes à toutes les étapes de l’avancement, pour changer de grade et pour changer de corps. L’effet démographique est une conséquence de ce plafond de verre », explique Stéphane Leymarie, secrétaire fédéral du Sgen-CFDT, à Campus Matin.
Ce phénomène est particulièrement marqué chez les professeurs des universités, en raison de la féminisation récente du recrutement. Dans ce corps, les femmes gagnent en moyenne 5776 € brut par mois contre 6029 € pour les hommes.
Le repyramidage profitera-t-il aux femmes ?
Le repyramidage, qui prévoit le passage de 2000 maîtres de conférences (MCF) dans le corps des professeurs des universités (PR) d’ici 2025, va-t-il corriger ces effets de ségrégation des corps et de démographie défavorables aux femmes ?
« Dans les lignes directives de gestion ministérielles, les établissements sont encouragés à améliorer l’accès des femmes dans le corps des professeurs des universités. Mais ces lignes directrices n’ont pas de caractère prescriptif, rappelle Stéphane Leymarie. Il y a une intention positive au départ, mais nous avons toutes les raisons de penser que cela ne va pas changer les choses, car la réforme ne s’attaque pas au problème structurel. »
Si les femmes bénéficient de la moitié des postes ouverts par le repyramidage, leur proportion dans le corps des professeurs des universités devrait ainsi légèrement augmenter. Sans pour autant inverser la tendance…
La HDR, un frein dans la carrière ?
Par ailleurs, le secrétaire fédéral du Sgen-CFDT pointe également un autre frein dans la carrière des enseignantes-chercheuses, non mentionné dans la note de la DGRH. Certaines femmes renonceraient à passer une Habilitation à diriger des recherches (HDR), un travail de recherche qui demande un fort investissement personnel et dont le résultat final ne fait pas l’objet d’un cadrage national.
« Candidater à un poste de professeur induit aussi une mobilité géographique qui peut être un frein par rapport à la vie de famille. La différence de rémunération entre un maître de conférences hors classe et un professeur deuxième classe est faible. Ces éléments sont autant de barrières qui peuvent démobiliser les MCF à devenir PR par la voie classique », détaille Stéphane Leymarie.
14 % de l’écart de rémunération dus à l’effet « primes »
Les primes constituent le troisième facteur expliquant 14 % des inégalités salariales entre les universitaires en fonction du genre. Cet effet comprend à la fois les heures d’enseignement complémentaires, les indemnités de jury de concours et les primes proprement dites.
Parmi ces primes qui récompensent les résultats, performances ou engagements professionnels, figure notamment la prime d’encadrement doctoral et de recherche (PEDR), « davantage attribuée aux hommes, qui sont plus nombreux que les femmes à candidater à ce dispositif » d’après la DGRH.
Les effets limités du Ripec pour combler les inégalités salariales
Quid de l’effet « primes » avec l’entrée en vigueur du Régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs (Ripec) ?
Depuis le 1er janvier 2022, un régime unifié rassemble en effet tous les avantages financiers auxquels peuvent prétendre les chercheurs et enseignants-chercheurs.
« Le régime indemnitaire concernera un plus grand nombre d’enseignants-chercheurs que la PEDR. Le Ripec devrait donc améliorer les choses, mais comme les primes ne pèsent que 14 % dans l’écart de rémunération, les effets de la réforme seront limités », nuance le secrétaire fédéral du Sgen-CFDT, Stéphane Leymarie.
4 % des inégalités salariales dues à l’effet « temps partiel »
Enfin, l’activité à temps partiel explique 4 % des écarts de salaire chez les enseignants-chercheurs. Cet effet “temps partiel” est davantage marqué dans les universités scientifiques (11 %) alors qu’il ne dépasse pas 5 % dans les autres types établissements.
D’autres corps enseignants touchés par les écarts de salaire
Au-delà des enseignants-chercheurs, « l’impact de l’effet démographique du corps sur l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes s’observe également dans la plupart des autres filières et corps enseignants, avec plus ou moins d’intensité », note la DGRH.
C’est le cas notamment chez les enseignants du second degré détachés dans le supérieur. Ainsi :
• les professeures certifiées et assimilées gagnent en moyenne 3 759 € brut par mois, soit 410 € de moins que leurs équivalents masculins ;
• les professeures agrégées ont une rémunération moyenne de 4 330 €, soit 347 € de moins que les hommes.