Vie des campus

« Agir pour la planète » : un cours obligatoire pour faire passer 1 200 étudiants à l’action

Par Marine Dessaux | Le | Rse - développement durable

Depuis la rentrée 2021, EMLyon Business School a lancé un cours obligatoire d’introduction aux enjeux climatiques pour les 1 200 élèves du programme Grande école. Un défi, à la fois pour s’adresser à 200 groupes en e-learning, mais aussi pour inciter les étudiants à passer à l’action en seulement quelques heures. Xavier Blot, co-créateur du cours, raconte la construction et les apprentissages de ce projet d’envergure.

Le cours « Agir pour le climat » change de nom cette année et s’ouvre à plus d’étudiants. - © EMLyon
Le cours « Agir pour le climat » change de nom cette année et s’ouvre à plus d’étudiants. - © EMLyon

« Avoir plus d’impact en insérant le climat dans sa pratique professionnelle » : c’est ainsi que Xavier Blot, professeur associé d’EMLyon, définit l’objectif du cours « Agir pour le climat », renommé cette rentrée « Agir pour la planète ». Obligatoire pour tous les étudiants du programme Grande école (PGE) et élargi, depuis septembre 2023, aux étudiants du Global bachelor of business administration, cet enseignement s’inscrit dans la stratégie de l’école privée, devenue société à mission en juillet 2021.

Une initiative saluée par les prix de la Conférence des grandes écoles en 2022, ainsi que par l’accréditation AACSB cette année. « Ce cours constitue un jalon structurant pour la transformation de notre offre de formation », soulignait Isabelle Huault, directrice générale d’EMLyon, le 9 juin dernier dans un entretien à News Tank (abonnés).

Formuler un diagnostic et des actions concrètes

Le constat du changement climatique est partagé, le contenu théorique existe… Pourtant la mobilisation n’est pas toujours au rendez-vous. Alors, comment former au passage à l’action ? C’est la question que se sont posée les créateurs du cours : Hans Schlierer, professeur spécialiste de la communication RSE et Xavier Blot, enseignant spécialiste de l’impact du changement climatique dans les organisations.

Xavier Blot est directeur du cours « Agir pour la planète ». - © EMLyon
Xavier Blot est directeur du cours « Agir pour la planète ». - © EMLyon

« Nous voulions faire un enseignement qui ait plus d’impact qu’un cours théorique de six heures. Que pouvions-nous apporter de plus en tant qu’école de commerce ? Quelle est la valeur ajoutée de ce cours ? Nous sommes partis sur l’idée de demander aux étudiants de poser un diagnostic à partir d’une situation réelle. Ainsi, ils se placent dans les yeux et comprennent les différentes perceptions des réalités climatiques. »

L’étude de cas proposée porte ainsi sur une situation choisie par les étudiants, issue de leur environnement direct : l’atténuation des émissions de CO2 d’une entreprise, le cas d’une station de ski à Chamonix, etc.

Développer des approches sur-mesure.

« On entend que le changement climatique est systémique, mais le concevoir est difficile. C’est en se concentrant sur une situation concrète, à plus petite échelle, qu’on peut construire une vision systémique. Il n’y a pas de solution unique qui réponde à toutes les problématiques, il faut développer des approches sur mesure dans chaque situation, comprendre les nœuds de blocage », explique Xavier Blot.

Les étudiants vont ensuite définir une problématique à l’aide d’une carte mentale. Et répondre aux questions : quel discours faut-il porter, quel positionnement permettra d’accélérer le changement ?

Pour finaliser le diagnostic, plutôt que de se contenter d’exposer un point de vue personnel, il s’agira de donner des pistes pour passer à l’action. Chacun expliquera comment, dans son futur stage ou sur son lieu de travail, il pourra mobiliser les outils qu’il a acquis lors du cours.

Faire évoluer les programmes à l’aune des ODD

Depuis septembre 2022, les rentrées d’EMLyon sont placées sous le signe d’un des 17 objectifs de développement durable (ODD) définis par les Nations unies en 2015. Un cycle de conférences permet notamment d’ancrer l’année autour de cette thématique. En 2023, c’est l’ODD n° 16 « paix, justice et institutions efficaces » qui a été choisi.

« Nous revisitons l’ensemble de nos programmes de formation (initiale et continue) à l’aune des ODD. Cela implique de profonds changements de nos objectifs d’apprentissage, de nos maquettes et de nos cours pour doter tous les étudiants de compétences dans ce domaine. Cette démarche concerne plus de 80 % de notre offre en 2022-2023 et 100 % en 2023-2024 », indiquait Isabelle Huault dans l’entretien à News Tank déjà cité.

Un contenu qui évolue

La menace existentielle pèse sur notre époque, mais c’est aussi l’ère des alternatives !

La construction de cet enseignement a demandé des aller-retour et une adaptation des contenus. « Nous sommes tous en train de tâtonner, il faut l’admettre. Dans mes webinaires l’an dernier, par exemple, je faisais un focus très informatif, intellectualisé sur les techniques de mobilisation (activisme climatique, etc.). Je me suis rendu compte que ce n’est pas ce qui ancrait les étudiants. La menace existentielle pèse sur notre époque, mais c’est aussi l’ère des alternatives ! Je vais travailler plus encore là-dessus », rapporte Xavier Blot.

Un cours introductif qui n’a pas l’ambition de couvrir l’ensemble du sujet : « Nous ne pouvons pas traiter de tout, notre travail de pédagogue est de l’expliquer. »

Comment gérer un tel enseignement ?

Concrètement, « Agir pour la planète », c’est une dizaine d’heures de webinaires, trois à cinq heures de fondamentaux théoriques en e-learning, environ trois heures de travail personnel par semaine sur cinq semaines, une discussion chaque semaine avec un tuteur et une évaluation. Au total, le cours tient sur dix semaines et mobilise 50 tuteurs.

L’EMLyon propose un cours obligatoire d’introduction aux enjeux climatiques pour les étudiants du PGE depuis la rentrée 2021. - © EMLyon
L’EMLyon propose un cours obligatoire d’introduction aux enjeux climatiques pour les étudiants du PGE depuis la rentrée 2021. - © EMLyon

Tout est coordonné via la plateforme d’e-learning Follow Lab, ce qui permet notamment aux tuteurs de collaborer. L’EMLyon est également engagée dans une démarche de co-développement d’un outil d’évaluation de « suivi de groupe » avec la edtech française qui collabore par ailleurs avec l’Edhec Business School, Aivancity et Centrale Nantes.

« Un cours comme celui-ci est presque plus proche de la gestion de projet que de l’enseignement classique. J’interviens pour lancer le cours, animer les webinaires, encadrer les travaux », liste Xavier Blot.

Des réactions hétérogènes chez les étudiants

À l’image de la société, les étudiants ont réagi de façon très hétérogène, note le professeur. Malgré des opinions diverses, un point commun persiste : « une vraie exigence de la part de toutes les parties prenantes, si on communique mal, ça passe mal », conclut-il.

Le vrai défi reste de transformer « une partie de la population étudiante qui est dépitée par ces enjeux ». Alors, pour accompagner ceux qui se sentent écrasés par les enjeux de transition climatique, « nous allons analyser les données que nous avons pour en tirer des conclusions ».

Par ailleurs, les webinaires qui encadrent le cours seront désormais complétés avec une liste d’actions concrètes réalisables au niveau des villes, des associations ou des individus.

Un travail qui pourrait inspirer d’autres enseignants : le matériel pédagogique doit, à terme, être accessible par tous sous forme de licence libre d’utilisation.

Le parcours de Xavier Blot

Après une thèse d’ingénieur en sciences physiques dans les technologies solaires photovoltaïques à Grenoble INP en 2015, Xavier Blot est entrepreneur dans le domaine des énergies renouvelables. Il est aussi conseiller énergie pour le think tank La fabrique de la Cité et la Commission de régulation de l’énergie. En 2019, il devient responsable digitalisation et co-fondateur de l’entreprise My Energy Manager.

Il rejoint l’EMLyon la même année, en tant qu’intervenant extérieur. Il participe alors à l’ouverture d’un cours de stratégie climatique. Il lance en 2021, le mastère spécialisé « management de la transition climatique » qu’il dirige toujours.