Intelligence artificielle générative : former les étudiants aux défis de demain
L’intelligence artificielle (IA) générative a envahi les usages et nourrit les ambitions dans le supérieur plus vite que les capacités à s’y adapter. Pourquoi et comment y former les étudiants, et quels défis pour les établissements ? Des questions qui ont animé le webinaire Campus Matin et IBM du 25 juin dernier.
Cycle : Campus Matin
« Depuis la fin 2022, l’IA générative est au cœur des usages et des discussions. L’outil est en train de bouleverser à la fois la façon d’enseigner, mais aussi et surtout le fond de l’enseignement auprès des étudiants », relève Éric Daubié, chargé des relations grandes écoles et universités d’IBM France.
Pour Frédéric Pascal, professeur à CentraleSupélec et directeur de l’Institut Dataia, « Tout le monde est concerné, car nous sommes au début d’une énorme révolution technologique, qui va toucher tous les secteurs ».
Pourquoi former les étudiants ?
La formation est nécessaire pour éviter le développement d’une nouvelle fracture numérique : « Les notions de compréhension, d’acculturation et de démystification sont fondamentales pour que personne ne soit tenu à l’écart », expose Vincent Perrin, directeur technique, IBM écosystème/intelligence artificielle.
Ensuite, pour booster les facultés « métiers » : « Les étudiants utilisent déjà l’IA, mais il leur faut apprendre à transposer cet usage social en savoir-faire en entreprise, pour donner de la valeur ajoutée au commerce et augmenter le potentiel d’évolution et d’innovation de l’organisation », indique Julien Voyron, directeur attractivité des talents France de l’entreprise de services du numérique Sopra Steria.
À Skema business school, la priorité est « d’apprendre aux étudiants à utiliser l’outil au travers de cas d’usage, pour les rendre capables, en tant que managers, d’accompagner les transformations », ajoute Nathalie Hector, directrice de l’innovation et de l’expérience apprenant.
Autre nécessité : donner du sens. « On ne fait pas de l’IA pour faire de l’IA, mais pour essayer d’améliorer le processus industriel, métier ou éducatif. Comprendre quand cette technologie a du sens ou non est important », pointe Vincent Perrin.
Enfin : sensibiliser les étudiants aux enjeux économiques, juridiques ou éthiques de l’IA. Julien Voyron explique : « Il faut utiliser la technologie là où elle est positive, là où elle fait avancer l’homme, où elle est alignée avec les valeurs de l’organisation. » Le tout, en gardant l’humain aux commandes.
« Aujourd’hui, l’expert n’est plus celui qui a toutes les connaissances, mais celui qui va être capable d’aller chercher celles-ci et de les évaluer », pointe Frédéric Pascal.
C’est pourquoi il faut expliquer aux étudiants « l’importance d’autres compétences comme l’esprit critique ou la créativité », note Nathalie Hector.
À quoi doit ressembler la formation en IA ?
« Certaines personnes vont avoir un besoin d’acculturation massif, d’autres de modules un peu plus techniques, d’autres encore de devenir expertes, remarque Frédéric Pascal. D’où le besoin de formations modulaires et évolutives. »
Nathalie Hector détaille la façon de procéder de Skema : « L’idée est de travailler dans une dynamique de compétences transversales, via des modules d’acculturation à l’IA dans tous les programmes. »
Et pour développer l’approche éthique des étudiants, « il convient, par exemple, de leur montrer comment utiliser les bons outils d’IA pour faire une analyse des CV des collaborateurs, dans une approche de non-discrimination, de gestion de la vie privée, de sécurisation… », illustre Julien Voyron.
De son côté, Éric Daubié présente la mission sociétale d’IBM en faveur de l’Éducation pour tous, via le portail SkillsBuild dédié aux étudiants et aux enseignants du supérieur, et des interventions d’experts dans plusieurs dizaines d’établissements. « Nous proposons notamment des formations gratuites et agnostiques aux enjeux de l’IA, certificats et entraînement à l’appui », précise-t-il.
De nouveaux défis pour les établissements
« À l’heure de l’IA, il nous faut requestionner le contenu des cours, le sens des examens, ainsi que le mémoire de fin d’études et ses modalités d’évaluation », estime Nathalie Hector.
L’indispensable investissement financier
L’investissement nécessaire est élevé dans des écoles comme Skema, qui a fait le choix depuis plusieurs années d’hybrider les compétences des étudiants.
« Cette démarche d’innovation pédagogique est coûteuse sur le plan matériel, mais aussi d’un point de vue humain, décrypte Nathalie Hector. Il faut des professeurs spécialistes du secteur, des experts informatiques capables d’une vraie consolidation des données, sans oublier les acteurs des plans de formation des professeurs et collaborateurs ».
S’assurer la souveraineté des données
Afin de sécuriser les datas échangées, il convient, enfin, d’opter pour du matériel en propre ou pour un cloud souverain. Un choix notamment fait par l’Université Paris-Saclay, dont dépend CentraleSupélec.
Ainsi, la formation des étudiants à l’IA est cruciale pour éviter une fracture numérique et pour les préparer à transposer les usages sociaux de l’IA en compétences professionnelles, augmentant ainsi leur valeur ajoutée en entreprise.
Elle nécessite une approche modulaire et évolutive, intégrant des compétences techniques et éthiques, tout en repensant les modèles pédagogiques traditionnels. Les établissements doivent également investir financièrement et garantir la souveraineté des données pour accompagner cette révolution technologique.