[Replay] Quels outils pour accompagner les étudiants dans l’insertion professionnelle ?
Les candidats les plus attractifs auprès des recruteurs ont non seulement un diplôme, mais aussi des compétences acquises (hardskills), notamment via le passage de certifications. Ainsi que des softskills, ou compétences comportementales. Comment les établissements, notamment via leur career center, peuvent-ils préparer au mieux les étudiants à cumuler ces différents atouts ? Telle était la problématique du webinaire organisé par Campus Matin et Isograd, le 7 novembre.
Cycle : Campus Matin
À travers le monde, l’évaluation des compétences numériques s’effectue surtout dans le secondaire, comme en témoigne le déploiement de Pix. « Mais cette certification est aussi beaucoup utilisée dans l’enseignement supérieur », note Marc Alperovitch, CEO et fondateur d’Isograd.
L’organisme délivre des certifications qui donnent un score sur 1000 pour mesurer l’employabilité d’un individu sur des logiciels bureautiques ou des langages de programmation.
Des modalités variables selon les établissements
Certaines certifications arrivent en amont du parcours, d’autres en aval. « Dans le premier groupe, on trouve, par exemple, la certification Excel, que les étudiants doivent passer en première année, et sur laquelle je m’appuie pour développer des cours de modélisation financière en deuxième année en évitant une trop grande hétérogénéité des niveaux », illustre Erwan Le Saout, maître de conférences finances et responsable du master trésorerie à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.
Dans la seconde catégorie, figurent notamment les tests qui évaluent le niveau d’anglais, le TOEFL ou le TOEIC, qui arrivent en fin de parcours.
Des initiateurs variables
« Selon les établissements, le choix peut venir à plusieurs niveaux, de l’enseignant à la direction de l’école, en passant par le responsable des programmes. Dans tous les cas, on ne certifie que des compétences apprises au sein de l’établissement, sinon ça n’a aucune utilité », déclare Marc Alperovitch.
Des coûts très disparates
Dans 99 % des cas dans le supérieur, c’est l’établissement qui paie la certification, et non l’étudiant directement. « Nos tarifs sont dégressifs, d’une quarantaine à une vingtaine d’euros par tête, en fonction du volume et de la durée de l’engagement », détaille Marc Alperovitch.
Certaines certifications très pointues font toutefois exploser la facture. « Le passage de la certification internationale Chartered financial analyst (CFA) est de l’ordre de 1000 à 1200 euros, pris en charge par l’étudiant », précise Erwan Le Saout.
La certification, booster d’employabilité
Pour les établissements dont les formations manquent de reconnaissance, la certification apporte une ligne de plus sur le CV du diplômé, avec à la clé une amélioration directe de son employabilité. « Les certifications aident aussi à améliorer l’employabilité de nos candidats en formation continue, notamment pour ceux en reconversion », relève Erwan Le Saout.
Un outil de démonstration des compétences
D’après Marianna Gyapay, directrice carrière et talent de l’Institut de management et de communication interculturels (Isit), deux choses sont attendues des jeunes diplômés : une opérationnalité quasi immédiate sur un certain nombre de sujets, et en même temps du potentiel, à savoir tout ce qui peut prouver une possibilité d’évolution de carrière tout au long de la vie. Deux types de compétences qu’on ne démontre pas de la même manière.
« Avoir un niveau C1 ou C2 en anglais, cela peut vouloir dire que l’on sait faire de la traduction juridique, qu’on est capable de rédiger tel type de texte en langue étrangère, ou encore de prendre la parole devant un comité de direction, développe-t-elle. Et pour le potentiel, on va regarder la capacité d’analyse, de synthèse… ».
La certification, booster aussi de la qualité des programmes
Pour les écoles ou universités reconnues, la certification permet surtout de mieux travailler des matières bureautiques parfois jugées peu attrayantes. « Par ailleurs, cela permet de perfectionner la façon dont on enseigne la matière, pour que la mesure objective des compétences donne un meilleur résultat », complète Marc Alperovitch.
Levier de meilleure connaissance personnelle
La certification est, enfin, un outil qui aide à mieux connaitre ses forces et ses faiblesses dans un type de compétences. Un levier à la fois stimulant et rassurant.
Des dispositifs hybrides, intégrants l’IA
Les dispositifs d’accompagnement des étudiants sont aujourd’hui totalement hybridés et imbriqués, comme en témoigne Renaud Monnet, directeur système information à CentraleSupélec.
« Notre forum entreprises annuel est composé de deux jours en présentiel et d’une plate-forme numérique qui le fait vivre en amont et en aval. Nous y intégrons des modules de préparation menés par une intelligence artificielle (IA), qui coache l’étudiant pour l’aider à pitcher ou à prendre la parole en public, et d’autres avec un mentor réel, pour les aider à définir un discours solide et sincère. Une hybridation qui permet complémentarité et richesse. »
Onélia Lamarre, directrice partenariats entreprises et développement BtoB à l’école de commerce Excelia, confirme : « On est sur du blended learning (NDLR : apprentissage en hybride) pour tout. Ce développement des compétences est indissociable de l’innovation pédagogique. Nous devons aussi proposer aux entreprises et aux étudiants des formats dans l’air du temps. »
L’IA, un allié qui monte aussi pour les recruteurs des grands groupes…
L’intelligence artificielle intervient aujourd’hui sur quasiment tout le dispositif de sélection des candidats. « Sur la phase CV, les outils de suivi de candidature (ATS) sont très puissants que possèdent les grandes entreprises pour faire un premier tri des candidatures, en fonction de mots-clés, de rankings, de scores. Cela permet de faire remonter les spécificités du candidat, dans un contexte où il faut se démarquer », retrace Onélia Lamarre.
L’IA peut aussi intervenir au moment des entretiens. La posture du candidat, les termes utilisés et son attitude vont être passés au crible et donner des critères de choix au recruteur.
… mais moins populaires au sein des start-up et des TPE
Renaud Monnet observe que les jeunes ont aujourd’hui envie de métiers porteurs de plus de sens. « La plupart du temps, c’est dans les start-up ou les très petites entreprises (TPE) qu’ils vont trouver leur bonheur. Des types d’entreprises dont le nombre de candidatures plus réduites décharge de la nécessité de traitement par une IA : pour y accéder, cela passe avant tout par les réseaux sociaux et le bouche-à-oreille. »
Les soft skills : d’autres compétences, également essentielles
Les entreprises sont unanimes, elles opèrent également leur sélection sur les softskills : savoir-être, posture, connaissance de soi, capacité à évoluer…
Marianna Gyapay pointe que les softskills constituent un levier d’enseignement plus durable que les hard skills, mais aussi plus long à développer.
« Les travailler permet de favoriser le côté autoréflexif de l’apprenant, de mieux identifier ses points forts et ses marges de progression », complète-t-elle.
Soft skills et certifications : une évaluation impossible ?
Les intervenants soulignent l’impossibilité d’évaluer avec autant d’objectivité les softskills que les hardskills via les certifications. « Qui dit certification dit référentiel de compétences, objectif et admis par tous, explique Marc Alperovitch. Ce qui n’existe pas en matière de softskills. Je crois qu’on peut mesurer ces compétences, détecter des traits de personnalité, mais les certifier n’est pas tout à fait adapté ».
Renaud Monnet appuie : « On peut dire à telle personne : “toi, tu es plus comme ci ou comme ça”, mais on ne peut pas passer de ce positionnement à une certification. Par contre, on peut amener les candidats à mieux se connaître, à assumer ce qu’ils sont et à les aider à mettre en valeur tel ou tel trait de personnalité pour les amener à faire le bon matching avec l’employeur. »
Le talent ou career center : favoriser l’employabilité des étudiants
L’accompagnement, durant la formation, mais aussi après, est un élément déterminant de la valeur ajoutée d’un établissement. Les étudiants sont ainsi le premier interlocuteur d’un talent center.
« Notre devoir envers eux est de leur fournir une employabilité durable, expose Onélia Lamarre. Au vu de l’obsolescence accélérée des compétences techniques, nous devons leur apprendre à mettre celles-ci en permanence à jour et à travailler sur des aptitudes d’évolution et d’agilité. »
Pour Marianna Gyapay, la mission d’un career center est de faire l’adéquation de trois éléments : motivation, compétences et marché de l’emploi. Un accompagnement à la fois collectif, via la mise en réseau avec des alumni ou des job datings avec des entreprises et des entretiens ou coachings individuels. « L’aspect “personnalisation” de l’accompagnement est essentiel », remarque-t-elle.
Faire l’interface entre entreprises et candidats
Autre « client » des career centers : les entreprises. « Envers celles-ci, notre mission est d’être l’interface qui va les aider à capter les talents, dans un marché de l’emploi très tendu pour les recruteurs : nos étudiants ont le choix entre trois ou quatre offres d’emploi, de stage ou d’alternance », informe Onélia Lamarre.
Dans tous les cas, c’est l’étudiant qui porte son projet : l’établissement ne les « place » pas en entreprise. « On peut faire du matching, du push, mais faire le travail à leur place, ce n’est certainement pas un service à leur rendre », estime Onélia Lamarre. Qui plus est, l’offre du talent center, quand elle est réussie, doit être invisible. « Cela doit paraître naturel, fluide, arriver au bon moment, quand en a besoin et de la bonne manière », sourit-elle.