« Ma recherche est très corrélée avec l’entrepreneuriat » (Oscar Tellez Sanchez, Nomad)
Par Marine Dessaux | Le | Doctorat
Lauréat du concours I-PhD 2019 et membre du programme Jeunes Chercheurs de Pulsalys (l’incubateur et accélérateur d’innovations Deep Tech de Lyon & St Etienne), Oscar Tellez Sanchez, co-fondateur de Nomad (à ne pas confondre avec Nomad Education), startup qui veut optimiser le transport quotidien des personnes en situation de handicap, répond à Campus Matin.
Pourquoi et comment êtes-vous devenu un chercheur entrepreneur ?
passer le moins de temps possible dans les véhicules
Le projet de recherche d’origine, celui que j’ai développé au cours de ma thèse, s’appelait « projet Nomad ». Il a été financé par l’Europe. Il s’agissait de trouver un outil d’optimisation du transport quotidien des personnes en situation de handicap et, par la même occasion de diminuer les coûts que cela engendre. A l’heure où certains établissements médico-sociaux planifient encore les déplacements avec un papier et un crayon, il est difficile de trouver la bonne solution pour permettre aux personnes concernées de passer le moins de temps possible dans les véhicules. Actuellement, les personnes en situation de handicap qui font l’aller-retour plusieurs fois dans la semaine entre chez elles et le centre médico-social perdent jusqu’à 4 heures par jour dans les véhicules.
C’est pendant mon stage de fin d’étude que le projet Nomad a pris une dimension concrète. On a commencé à voir que la problématique était réelle. Mes travaux de thèse ont pris une application concrète et un sens.
J’ai réalisé un rêve en créant ma propre boîte. Je n’étais pas très à l’aise avec l’entrepreneuriat au début, c’est arrivé plus tard. Le projet a été financé à hauteur d'1 million d’euros et l’opportunité s’est présentée de le développer en France, à Lyon, avec l’INSA. Une collègue était intéressée par Nomad et s’est jointe à moi pour co-fonder la startup. C’était un peu l’aventure, je ne parlais même pas français !
Comment alliez-vous le monde de la recherche à celui de l’entrepreneuriat ?
J’ai la chance que ma recherche soit très corrélée avec l’entrepreneuriat. Je ne fais pas les choses différemment. Si ça n’avait pas été comme ça, j’aurais eu du mal à faire avancer en même temps ces deux aspects d’un projet. Soit on est très organisé, très efficace, soit on a, comme moi, la chance d’avoir un projet qui s’inscrive dans la continuité de ses recherches.
Quelles sont, selon vous, les forces et faiblesses du système français ?
travailler en grande partie en autonomie
Il y a beaucoup d’avantages au système français mais, avant de pouvoir en profiter, je dirais qu’il faut s’habituer à une façon de fonctionner différente. En Espagne, où j’ai étudié jusqu’au master, la façon dont se déroulent les études supérieures est semblable à ce qui existe aux États-Unis. Là-bas, il y a peu de cours mais beaucoup de devoirs et il faut travailler en grande partie en autonomie. On passe donc, finalement, peu de temps sur le campus. En France, on essaie de tout faire dans l’université, on passe la journée sur place, ce qui exige une organisation différente mais permet d’avoir plus de temps libre, lorsqu’on est chez soi.
La force principale du système français, d’après ce que j’ai pu observer, c’est le suivi tout au long du doctorat. A l’INSA Lyon, j’ai eu 4 encadrants, j’étais très bien entouré. La seule difficulté a été de nous coordonner. En dehors de cela, l’implication des professeurs était impeccable et très personnalisée, aussi bien dans l’aspect scientifique qu’humain.
La faiblesse qui s’associe à cette force est, qu’en étant autant suivi, il y a parfois un manque de flexibilité. Il y a peu d’espace pour faire les choses différemment : ce qui a été établi doit continuer à être fait de la même façon, il y a peu de place au choix dans le cursus.
Quels sont vos rêves ?
Je voudrais que Nomad devienne plus autonome et ainsi pouvoir continuer mes activités de recherche, que ce soit dans une entreprise ou un établissement du supérieur. J’aimerais avoir cette double casquette. En tant qu’ingénieur industriel, on s’intéresse beaucoup à des applications concrètes tout en utilisant des outils issus des mathématiques ou de l’informatique et c’est ce qui me plaît.
A l’avenir, j’imagine continuer à m’investir dans des projets sociaux ou, pourquoi pas, continuer à chercher à résoudre des problématiques de transport. Je ne me vois pas forcément redevenir entrepreneur mais si l’opportunité se présente, je tenterai l’expérience à nouveau.