Métiers
&
carrières

« Une bonne thèse est une thèse terminée » : bienvenue dans l’univers décalé d’un jeu sur le doctorat !

Par Marine Dessaux | Le | Doctorat

Créé par deux jeunes docteurs suisses, « PHD, le jeu » invite à se mettre dans la peau d’un doctorant qui doit soutenir sa thèse dans un monde académique « sans pitié ». Avec beaucoup d’humour et en s’inspirant de situations vécues, ce jeu de cartes, finalisé depuis juillet 2024, a suscité un certain engouement, allant jusqu’à lever 11 000 € en crowdfunding. Quelle origine, quelles étapes et quel avenir pour ce projet ? L’un des créateurs répond.

PHD, le jeu invite à se projeter dans la vie de doctorant au travers de 160 cartes illustrées. - © PHD, le jeu
PHD, le jeu invite à se projeter dans la vie de doctorant au travers de 160 cartes illustrées. - © PHD, le jeu

Adrien Wyssbrod, docteur en histoire du droit et maître-assistant à l’Université de Fribourg en Suisse, raconte la genèse de « PHD, le jeu ».

D’où vient l’idée de ce jeu ? Quelle part de votre expérience personnelle de doctorant avez-vous mis dans le jeu ?

Adrien Wyssbrod : Pendant le doctorat, nous rigolions souvent des situations que nous rencontrions avec Arnaud Besson, docteur en histoire ancienne. Nous essayions d’imaginer ce que donneraient toutes ces déconvenues dans un jeu.

Deux docteurs, Adrien Wyssbrod et Arnaud Besson, ont imaginé ce jeu à partir de leur propre expérience. - © PHD, le jeu
Deux docteurs, Adrien Wyssbrod et Arnaud Besson, ont imaginé ce jeu à partir de leur propre expérience. - © PHD, le jeu

Même si, dans l’ensemble, mon expérience de thèse s’est assez bien passée, il y a eu des hauts et des bas. Les moments de difficultés (devoir refaire entièrement une bibliographie, par exemple) n’étaient pas graves en prenant du recul, mais n’en restaient pas moins extrêmement stressants.

C’est après nos soutenances de thèse, en 2019, que nous avons commencé à imaginer « PHD, le jeu ». Il est né cinq années plus tard, mais il nous a réellement fallu trois années pour le produire, car il était difficile de m’y pencher lors d’un postdoctorat à l’étranger.

Quels sont les objectifs derrière ce jeu ? Est-ce une forme d’exutoire pour les doctorants ?

Oui, cela peut être un exutoire pour certains. Ce sont principalement les doctorants et leurs amis qui achètent le jeu. Il y a également des étudiants en master, car certaines thématiques peuvent être rencontrées pendant le mémoire. Et quelques passionnés de jeu de société.

L’objectif est de proposer un moment ludique, mais aussi pédagogique. Nous avons intégré des cartes « serious stuff » qui abordent des problématiques que peuvent rencontrer des doctorants en raison de leur genre, de leur handicap…

Les joueurs décident s’ils veulent les ajouter ou non. Ce mode de jeu peut servir à sensibiliser aux problématiques liées au doctorat, car, lorsqu’on ajoute ces cartes, elles deviennent un handicap permanent et il devient très difficile de gagner.

En quoi consiste le jeu ?

L’objectif de PHD est de déposer et soutenir des chapitres de thèse. Pour cela, il faut échanger des points de pression et de crédit, tout en maintenant un équilibre entre ces deux curseurs. Il faudra ensuite soutenir les chapitres à paraître dans une « querelle d’arguments » et enfin être le premier à soutenir sa thèse. PHD le jeu est en partie collaboratif puisque si tous les doctorants se bloquent les uns les autres, ils perdront tous.

Quelles ont été les étapes de création ?

Les cartes challenge représentent des défis comme se rendre à un colloque, ou boire un café avec des gens brillants et détenteurs de budgets. - © PHD, le jeu
Les cartes challenge représentent des défis comme se rendre à un colloque, ou boire un café avec des gens brillants et détenteurs de budgets. - © PHD, le jeu

Il a fallu réfléchir à la forme du jeu : nous avons d’abord pensé à un jeu de plateau, puis nous nous sommes dit que ce serait plus pratique d’avoir des cartes pour les emmener dans des bars… ou des colloques !

Arnaud Besson, qui joue beaucoup à des jeux de société s’est particulièrement penché sur la dynamique de jeu : qu’il ne soit pas trop facile ni ingagnable, qu’il soit possible de varier les schémas pour gagner, etc. C’est un gros travail qui nous a demandé de faire plusieurs prototypes et de les tester.

Ensuite il a fallu trouver les textes et les noms des cartes. C’est un ami d’enfance d’Arnaud Besson, Dana Howe, qui a illustré toutes les cartes. Il enfin a fallu ajouter ses dessins, finir la mise en page et trouver une entreprise française qui propose une impression de qualité.

Comment s’est déroulée la campagne de financement ?

Avant de lancer le crowdfunding, nous avons parlé du jeu autour de nous pour savoir si d’autres personnes se sentaient concernées par notre démarche. Moins de deux mois après le lancement sur Ulule, en octobre 2023, nous avions réussi à atteindre notre objectif de 5 000 euros. La campagne s’est achevée en février 2024, avec 11 000 euros levés.

Nous avons décidé d’investir dans plus de dessins (l’illustrateur est le seul à avoir été rémunéré) avec l’argent supplémentaire. Faire imprimer en France coûte également assez cher donc, à l’arrivée, nous sommes rentrés dans nos frais et n’avons pas fait de profit.

Le 19 juillet, nous avons finalement reçu et envoyé le produit fin. Au total, 360 jeux ont été livrés et il en reste une quarantaine qui pourra être écoulée au fil du temps.

Le 19 juillet, les 360 jeux achetés via le crowdfunding ont été expédiés. - © PHD, le jeu
Le 19 juillet, les 360 jeux achetés via le crowdfunding ont été expédiés. - © PHD, le jeu

Quelle diffusion dans le supérieur et quel avenir pour le jeu ?

Au moment du lancement du crowdfunding, nous avons informé tous les réseaux d’enseignement supérieur et laboratoires que l’ont trouvait. Nous avons eu des retours de groupes d’encadrants de doctorants, notamment de la Conférence universitaire de Suisse orientale (Cuso) et d’universités belges, et d’enseignants. Des bibliothèques universitaires nous ont également posé des questions sur le jeu, mais n’en ont pas encore commandé.

Nous réfléchissons actuellement à un moyen de pérenniser l’achat et l’envoi de jeu, que nous faisons actuellement depuis notre domicile, sur le long terme. Nous sommes en discussions avec des entreprises à ce propos.