Doctorat : lutter contre le stress grâce à la pleine conscience
Par Marine Dessaux | Le | Doctorat
Avoir conscience de ses ressentis pour mieux vivre son doctorat et interagir avec les autres : c’est l’ambition d’une formation basée sur la pleine conscience. Cette approche plébiscitée pour les métiers sous pression est désormais adressée aux doctorants, particulièrement exposés au stress.
La Fondation nationale pour l’enseignement de la gestion des entreprises (Fnege) a ouvert les inscriptions d’un programme de réduction du stress des doctorants, basé sur la pleine conscience. Une approche rarement associée à l’expérience de thèse en France — mais notamment proposée par l’Université Laval au Québec — fondée sur des résultats scientifiques.
Une pratique plébiscitée pour les métiers sous pression
« La pleine conscience est le plus souvent proposée à des étudiants en médecine ou aux futurs enseignants du secondaire en Inspé. Ces formations visent des populations où il y a une vision claire du burn-out », expose Stéphane Onnée, professeur des universités en management à l’IAE Orléans qui s’est notamment formé à cette discipline dans le cadre d’un diplôme universitaire (DU) médecine méditation neurosciences à l’Université de Strasbourg.
De son côté, « le doctorant lui aussi vit sous pression pendant trois ans, je l’observe en tant que directeur de thèse : le stress caractérise l’expérience de thèse. » Un constat que fait également l’enquête nationale 2023 sur le doctorat du Réseau national des collèges doctoraux : les répondants sont 54 % à déclarer être exposés au stress.
La pleine conscience est un sujet nouveau pour la Fnege qui propose principalement des formations autour de la méthodologie. « Je suis persuadé qu’il y a un intérêt de proposer d’autres types de formations », estime Stéphane Onnée.
Validation scientifique du programme MBSR
Au menu de cette formation, neuf séances entre deux et trois heures et une journée de pratique en silence. L’expérience se vit en petits groupes de six à douze doctorants. Un dispositif proposé à partir du 26 septembre 2024 et qui se déroulera à distance.
Le contenu des ateliers correspond au programme Mindfulness based stress reduction (MBSR), créé en 1979 par le professeur Jon Kabat-Zin. « Il est le seul qui ait été autant étudié et dont les bénéfices ont été reconnus par la communauté scientifique internationale », souligne Stéphane Onnée.
Un sujet que le professeur abordera pour la première fois avec des doctorants, mais qui a déjà fait l’objet d’un atelier avec des personnels et enseignants de l’Université d’Orléans, en lien avec le service universitaire des activités physiques et sportives (Suaps).
« Montrer que l’ESR a une obligation vis-à-vis santé mentale des doctorants »
En soulignant cette base scientifique, l’objectif est-il de se distinguer des divers coachs qui proposent d’accompagner les doctorants à gérer leur stress ? Pas forcément. « Plus nous sommes nombreux sur ce sujet, mieux c’est pour les doctorants. Mais ces coachings restent très minoritaires et les doctorants n’ont pas forcément le moyen de se les offrir », rapporte l’enseignant-chercheur.
Prendre le sujet à bras le corps via la Fnege, c’est aussi pour lui « montrer que l’ESR a une obligation vis-à-vis santé mentale des doctorants ».
La pleine conscience s’invite dans les écoles de management et les entreprises
Ce n’est pas un hasard si la Fnege accueille cette formation pour les doctorants. En effet, l’écosystème du management s’empare de l’approche MBSR. C’est le cas à Grenoble école de management, qui intègre la pleine conscience dans le cadre de sa chaire Unesco pour une culture de paix économique. Et de l’Iéseg school of management qui propose un cours de méditation en pleine conscience à ses élèves en programme grande école.
« C’est une façon pour les écoles de management de se distinguer », analyse Stéphane Onnée. De grandes entreprises, telles que Google, font appel à cette pratique pour faciliter la concentration en réunion.
Mieux vivre sa vie avec les autres
Les objectifs de ce programme ? « Être mieux avec soi et avec le monde », résume Stéphane Onnée. Il s’agit donc : d’apprendre à stabiliser son attention, à faire face aux situations de stress, à développer une présence et une écoute active, notamment pour le recueil de données ou lors de présentations.
« Cette approche vise à prendre conscience de ce que l’on ressent et à développer une réflexivité qui favorisera le développement de compétences psychosociales », indique celui qui est également conseiller scientifique au Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcérès) depuis 2013.
Une prise de conscience qui s’appuie sur l’intelligence du corps : « Toute émotion a une empreinte corporelle, il faut donc se connecter au corps pour reconnaître les signaux révélateurs d’émotions avant d’effectuer un travail de décentrage. »
Stéphane Onnée poursuit : « La rumination mentale fait partie de la vie des doctorants, il faut la normaliser et reconnaître qu’à ces pensées sont associées des sensations corporelles. »
Pour gérer ces sensations, le souffle et la respiration sont des éléments clés. « La conscience de soi, c’est tout l’enjeu de ce programme qui centré sur l’autocompassion, la bienveillance et la gratitude. »
Combien ça coûte ?
La formation s’élève à 800 € et n’est pas éligible au compte personnel de formation (CPF). Elle peut être prise en charge par l’établissement, l’entreprise ou l’opérateur de compétences. « Le facteur financier est une source de stress pour de nombreux doctorants, rapporte Stéphane Onnée. Certaines entreprises, pour les thèses conventions industrielles de formation par la recherche (Cifre), et écoles doctorales, pour les thèses du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, peuvent participer à financer cette formation. »
Prérequis : être disponible psychologiquement
Si le programme MBSR peut être complémentaire à un suivi psychologique, il doit se faire avec l’accord du thérapeute. C’est pourquoi il faut remplir un questionnaire et passer un entretien individuel avec Stéphane Onnée en amont de la formation.
L’obstacle principal est le manque de temps : en plus des séances, chaque participant devra pratiquer 45 minutes chaque jour.
Le format d’apprentissage peut aussi surprendre au début : exit les PowerPoint, l’apprentissage se fait par le groupe. « Cela nécessite de se couper d’une posture du mental », ajoute le professeur.
Il précise : « Le cadre de sécurité posé de façon très claire et permet à chacun de s’exprimer en son propre nom, en confidentialité. »
Quelles sont les prochaines étapes ?
À l’issue de la formation, Stéphane Onnée souhaite mesurer son impact dans la vie des doctorants par le biais d’une étude sur la base du volontariat. Chaque participant sera invité à réaliser deux auto-évaluations en amont et après la formation et à un entretien à six mois.
« Cette étude ne sera pas représentative, car l’échantillon est trop petit, mais quitte à s’adresser à de futurs chercheurs autant y mettre un maximum d’aspect scientifique », rapporte-t-il.
L’enseignant-chercheur souhaite aussi proposer ce programme en présentiel dans le cadre de la formation doctorale proposée par l’Université d’Orléans. Mais pour l’heure, la clôture des inscriptions est fixée au 26 août 2024.
Les recommandations de la Fnege pour le doctorat en sciences de gestion
Le 15 mars 2024, la Fnege a présenté son rapport réalisé à l’occasion des dix ans de l’Observatoire des thèses en sciences de gestion et management.
Il émet quatre recommandations pour améliorer les conditions du doctorat en sciences de gestion et du management :
• sensibiliser aux enjeux liés à la forme et à la langue de la thèse dès le début du parcours doctoral;
• renforcer la formation des doctorants en matière de valorisation de leur travail tout au long de leur parcours de thèse ;
• poursuivre l’étude des finalités professionnelles des thèses universitaires en centralisant les données ;
• créer des postes supplémentaires pour les enseignants-chercheurs en sciences de gestion et en management.