Brexit, crise sanitaire : le regard d’un Américain à Paris
Par Isabelle Cormaty | Le | Management
Covid, Brexit, baisse des mobilités… le contexte sanitaire et politique bouleverse les départements relations internationales des établissements du supérieur. L’Américain Christopher Cripps, directeur du développement international de Sorbonne Université, raconte à Campus Matin comment son quotidien s’est transformé depuis la crise sanitaire et comment il envisage la suite.
30 décembre 2020. L’Union Européenne et le Royaume-Uni signent l’accord post-Brexit. Parmi les mesures annoncées, le retrait au dernier moment des Britanniques du programme d’échange Erasmus+.
Une difficulté de plus pour les équipes en charge des relations internationales dans les établissements du supérieur. Depuis mars 2020, les mobilités étudiantes pâtissent de l’arrêt quasi complet des échanges internationaux en raison de la pandémie. Plus qu’un choc, c’est tout un quotidien et des pratiques de travail qui sont perturbés pour ces personnels.
Christopher Cripps, directeur du développement international de Sorbonne Université depuis 2019 s’est confié à Campus Matin sur les bouleversements induits dans son quotidien et les conséquences du Brexit pour son établissement.
Comment avez-vous réagi lors de l’annonce du retrait du Royaume-Uni d’Erasmus+ ?
Les messages étaient plutôt rassurants. Boris Johnson avait assuré que le programme Erasmus allait se poursuivre. Une sortie brutale nous a un peu surpris, ça nous a pris de court !
Quelles seront les conséquences pour Sorbonne Université ?
Les mobilités seront principalement impactées. Sans bourse pour partir au Royaume-Uni, il pourrait y avoir une baisse des échanges, mais tout dépend des souhaits des étudiants. S’ils décident de bouder le Royaume-Uni, l’Irlande est une très bonne candidate, tout comme les Pays-Bas et les pays scandinaves.
Nous sommes sollicités par les Britanniques pour poursuivre les partenariats mais nous restons prudents pour l’instant. Il faudrait négocier plusieurs accords avec des universités pour placer les étudiants dans les deux sens. Cela sera un travail de longue haleine.
Le programme Turing, qui est censé remplacer Erasmus+, suscite des avis très mitigés chez les collègues britanniques. Le cadre du programme n’est pas fixé, semble-t-il, et sa durée de vie reste incertaine. Le gouvernement du RU promet 100 millions de livres pour le programme uniquement pour des mobilités sortantes.
Combien d’étudiants partent aux Royaume-Uni chaque année ?
Ces trois dernières années, Sorbonne Université a envoyé en moyenne 132 étudiants français au Royaume-Uni par an et nous avons reçu 110 étudiants britanniques par an. Cette année, nous ne recevons que 95 étudiants britanniques. Est-ce à cause du Covid ou du Brexit ? Difficile de savoir… sans doute les deux.
À quoi ressemble une journée de travail classique depuis mars dernier ?
Le voyage fait partie de notre ADN, cela nous manque !
Je fais plusieurs réunions en visio par jour soit 3 à 7 heures sur Zoom alors qu’avant, je passais environ 45 % de mon temps professionnel à l’étranger sur une année. Le voyage fait partie de notre ADN, cela nous manque. Nous préférons visiter le campus pour envoyer des étudiants à l’étranger. En visitant des laboratoires, nous allons peut-être trouver des idées de projets communs…
Le réel doit être privilégié pour tisser des relations, négocier et créer des opportunités. Un partenariat est un contrat institutionnalisé qui passe par le relationnel. Et le présentiel est beaucoup plus efficient pour établir une relation personnelle entre deux partenaires dans la durée
Trouvez-vous malgré tout des avantages au distanciel ?
Avant, la mise en route des projets au retour d’une mission était plus longue, surtout quand plusieurs déplacements s’enchaînaient. Maintenant, nous pouvons faire des réunions plus régulières avec un partenaire étranger pour réaliser un suivi plus étroit.
On a gagné en efficacité !
On a gagné en efficacité ! Tout le monde est chez soi, plus disponible. Il n’y a plus besoin de caler tous les rendez-vous sur 3 jours de déplacements. Il est aussi plus facile de trouver un créneau pour une réunion en visio que de boucler des dates pour partir au Mexique avec une délégation, par exemple. Avant quand on partait en Australie, on ne pouvait emmener que cinq à six chercheurs avec nous. Maintenant on peut faire des réunions visio avec 50 à 60 participants de chaque université.
Neuf personnes travaillent au développement international de Sorbonne Université. La visio nous permet aujourd’hui de combler le manque de déplacements. Même à Paris, on ne perd pas de temps dans les trajets entre les campus.
Votre manière de travailler va donc changer durablement, même après la crise ?
Oui, je le pense. Avant d’organiser un déplacement chez un partenaire, on se demandera si on a besoin du présentiel ou si cela peut se faire par Zoom dans un premier temps. Il y aura toujours des missions à l’étranger pour concrétiser des partenariats et les relations ou lors des grands événements.
Désormais quand nous partirons à l’étranger avec une petite délégation, nous pourrons faire des réunions Zoom avec des chercheurs restés en France par exemple alors que c’était plutôt exceptionnel avant ! Et une plus grande partie du travail de renforcement de partenariats et de suivi de projets se fera à distance.
Avec la fermeture des frontières, certains étudiants effectuent des mobilités virtuelles en suivant les cours d’universités étrangères depuis la France. Ce système peut-il perdurer ?
Il faut absolument continuer à envoyer des jeunes en échanges
Depuis 30 ans, j’envoie des enfants à l’étranger et je vois revenir de jeunes adultes. Ces expériences sont transformatives ! Il faut absolument continuer à envoyer des jeunes en échanges.
Quand il n’est pas possible de partir à l’étranger, les « mobilités virtuelles » sont une alternative. Ce serait une bonne chose qu’elles continuent après la crise. Elles ne remplaceront pas l’immersion mais elles constituent une première expérience pour des jeunes qui hésitent à partir à l’étranger. Nos étudiants sont alors confrontés à d’autres manières d’enseigner.
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