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Confinement : les personnels administratifs et techniques inégaux face au télétravail

Par Marc Guiraud | Le | Management

Quelle a été la réalité vécue du confinement dans les grandes écoles, universités et organismes de recherche ? Une étude inédite en plusieurs volets se penche sur la question. Chiffres et témoignages recueillis auprès des personnels Biatss permettent d’appréhender une réalité contrastée.

Confinement : les personnels administratifs et techniques inégaux face au télétravail
Confinement : les personnels administratifs et techniques inégaux face au télétravail

« La hiérarchie peut avoir peur qu’on s’ennuie et qu’on passe nos journées sur Netflix… Il y a encore du chemin à parcourir en matière de confiance pour les managers qui ne sont pas eux-mêmes habitués à gérer le télétravail de façon aussi intense », témoigne un personnel Biatss (Bibliothèques, ingénieurs, administratifs, techniciens, sociaux et de santé), dans l’enquête menée par le média spécialisé News Tank (dont Campus Matin est le site ouvert) et la cabinet Adoc Mètis. 

 « Vivre et travailler confiné dans l’Esri » visait à appréhender la manière dont les personnels et dirigeants de l’enseignement supérieur ont réagi au confinement.

Un volet était spécifiquement consacré aux personnels soutien ou support. 

Les chiffres clés

214 personnels Biatss d’écoles, universités ou organismes de recherche ont répondu à ce volet de l’enquête « Vivre et travailler confiné dans l’Esri » à laquelle ont participé 633 personnes.

  • 63 % des personnels Biatss avaient déjà eu une expérience du télétravail avant le confinement;
  • 47 % des répondants travaillent dans une pièce commune de leur domicile ;
  • 56 % disent avoir été accompagnés par leur établissement et 44 % ne pas l’avoir été ;
  • 60 % échangent moins d’une fois par jour avec leur responsable.
  • pour 87 % des répondants, le télétravail n’a rien changé en ce qui concerne leur autonomie.

Autonomie et confinement : ce qu’en disent les personnels

Une culture du télétravail qui n’est pas homogène

« Les personnels, surtout Biatss, ne sont pas égaux devant le télétravail », pose Romain Pierronnet, co-concepteur de l’enquête, consultant chez Adoc Mètis et chercheur associé à l’IRG (Institut de recherche et de gestion, Upec - Université Gustave Eiffel).

« Là où les enseignants-chercheurs ont l’habitude du travail en mobilité, les personnels administratifs ont besoin d’accéder à leurs dossiers, à leurs disques réseaux, aux logiciels métier. Ils n’ont pas une culture du télétravail homogène. »

Pour Romain Pierronnet, qui est par ailleurs l’auteur d'une thèse sur les personnels Biatss« si le travail à distance informel existe depuis longtemps, la mise en œuvre du télétravail formel se fait sur un mode prudent depuis un an dans les universités »

« Les agents qui avaient déjà pu en bénéficier ont pu redéfinir leurs activités en conséquence, s’approprier de nouveaux outils, développer des compétences ad hoc, changer leur façon de faire. Les Biatss qui n’avaient pas pu s’initier au télétravail n’ont pas bénéficié de cette expérience et ont basculé dans un télétravail de fait, subi. »

Le management à distance

Le télétravail est particulièrement subi pour ceux qui n’ont pas d’expérience préalable dans le travail à distance.

Or, si 57 % disent avoir été accompagnés, ils sont 60 % à échanger « moins souvent qu’une fois par jour » avec leur responsable, et surtout plus de 50 % pointent une absence de « règles du jeu », de « cadre »…

« La dialectique autonomie/contrôle est au cœur de la mise en place du télétravail, surtout lorsqu’il est subi. De fait la confiance s’impose initialement parce qu’il n’y a guère le choix. Mais à mesure que la situation dure, ce télétravail de fait s’institutionnalise et s’accompagne logiquement du souhait de bénéficier d’outils de suivi et de coordination de travail à distance plus efficaces », analyse Romain Pierronnet.

La difficulté à concilier vie privée et vie professionnelle

« Ce télétravail subi a un impact particulier sur les personnels qui n’ont pas pu s’organiser pour la garde de leurs enfants, ne serait-ce que parce les crèches et les établissements scolaires étaient fermés », poursuit le consultant et chercheur en management. 

Ce constat renvoie également à la problématique de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Tandis que les personnels qui n’ont pas d’enfants à garder étaient 66,3 % à déclarer parvenir à concilier ces deux temps, ils ne sont plus que 49,2 % parmi les Biatss qui ont des enfants.

S’y ajoute un effet lié au genre : 60,6 % des hommes qui ont des enfants à garder déclarent parvenir à un bon équilibre entre professionnel et personnel, tandis que ce taux n’est que de 43,6 % parmi les femmes.

Qu’ont-ils fait d’autre pendant le confinement ?

Vivre confiné, c’est, pour certains, pouvoir réorganiser son temps ou le mettre à profit pour de nouveaux projets et activités. Les répondants à l’enquête s’expriment : 

• « J’ai suivi une formation en ligne d’Openclassroom et proposée par la direction des ressources humaines. »

• « J’en ai profité pour me former au dessin et à l’aquarelle avec des cours en ligne et aussi de l’anglais que proposait mon entreprise. »

• « Travail sur des dossiers que je n’avais pas le temps de traiter en présentiel. »

• « Le confinement et le travail à distance laissent du temps pour se consacrer au travail de fond. J’ai pu par exemple travailler à la réorganisation de mon service. Mes collègues ont pu s’impliquer avec moi dans des groupes de travail car elles/ils avaient plus de temps pour cela. »

• « Veille sur la sphère d’entraide nationale du ministère (avant je n’avais jamais le temps de faire ma veille au travail, mais là c’est stratégique). »