« In Europe », service d’aide aux réfugiés, projet d’un étudiant de Strate École de Design
Par Marc Guiraud | Le | Expérience étudiante
Quand il a fallu choisir un projet de fin d’études en 2019, Mitja Behnke, étudiant de Strate École de Design diplômé en janvier 2020, a imaginé un service à la fois humain et efficace pour orienter les exilés qui arrivent aux frontières européennes !
L’origine du projet
Chez Strate, comme dans toutes les écoles de design, le principe est d’apprendre à développer des projets utiles.
Sensibilisé au sujet complexe des réfugiés, notamment lors de son voyage d’étude de 4e année en Amérique du Sud, et même s’il n’a pas vécu lui-même cette situation, Mitja Behnke (né en France de parents allemands) a pensé à un service alliant solidarité et efficacité, qui oriente et informe les demandeurs d’asiles à leur arrivée sur le territoire européen, mêlant ainsi design et géopolitique, avec plus d’humain et plus de technologie, dont un algorithme.
« L’objectif est d’éviter l’errance des immigrés, d’établir un accompagnement de meilleure qualité des demandeurs d’asile et d’homogénéiser les naturalisations sur le territoire européen » explique Mitja Behnke. « La frontière est la représentation symbolique de l’autonomie des pays, de leur indépendance. Le rôle du designer en géopolitique serait alors d’apporter de l’humain dans une frontière, en accompagnant cette traversée. J’ai compris que le demandeur d’asile ne traverse finalement pas que la frontière du pays, il traverse aussi les frontières sécuritaires, politiques, économiques et surtout culturelles, sociales et administratives. »
In Europe
« In Europe » serait installé à tous les points d’entrées légaux du territoire (terre, air, mer) et regrouperait les ONG et l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides).
Le demandeur d’asile recevrait des documents traduits en plusieurs langues ; une liste des acteurs utiles (associations, hébergements, bains douches, etc.) ; des informations sur la culture et les droits et devoirs dans le pays d’accueil ; un photomaton symbolisant une première étape dans la demande d’asile ainsi qu’un classeur regroupant toutes ces informations et un itinéraire administratif pour démarrer la procédure de demande d’asile.
Un algorithme pour matcher le demandeur d’asile avec un pays
Les espaces d’échanges ont été repensés. Le demandeur d’asile et les membres des ONG et de l’OFPRA ne sont pas face à face, mais côte à côte, pour symboliser l’accompagnement dans cette « traversée » plutôt que la « frontière ».
Lors de l’entretien, le demandeur d’asile répondra à des questions sur son profil et sur son pays de destination. Un système de distribution basé sur un algorithme faisant matcher le profil du demandeur d’asile avec un pays pourrait aussi être établi. Ce système aurait un double objectif : faciliter l’intégration de l’exilé et améliorer le PIB du pays d’accueil.
En novembre 2019, Mitja a présenté son projet à la Design Week de Dubaï et notamment au Global Grad Show, un événement regroupant une centaine de projets d’étudiants en design sur le thème de l’impact social et écologique. Le projet a aussi été présenté à Londres lors du salon New Designer, ainsi qu’à Strate Paris et Lyon et à la Mairie de Sèvres pour les expositions de diplômes.
Mitja Behnke répond à Campus Matin
Que faites-vous depuis votre diplôme ?
Je travaille actuellement à New York chez Designit, une agence de design stratégique, en design service et design industriel. Nous aidons divers clients à concevoir des produits, services, espaces et systèmes de demain.
Quel a été votre travail concernant ce projet, au-delà de la formalisation du concept ? Qu’est-ce qui a été produit dans le cadre de vos études ?
Le projet a été entièrement conçu dans le cadre de mes études. Il est encore au stade de concept, aucun développement n’a eu lieu pour le moment. S’agissant de mon projet de diplôme c’est un travail individuel sur lequel j’ai eu le soutien de mes tuteurs et de mes camarades.
L’algorithme a-t-il été développé ou est-ce seulement un projet ?
Les préférences des réfugiés et les priorités des gouvernements
L’algorithme mentionné dans mon projet est développé par deux économistes Will Jones et Alexander Teytelboym. Il permet de concilier les préférences des réfugiés et les priorités des gouvernements. Des algorithmes similaires sont utilisés par des sites de rencontres, ou des hôpitaux pour faire correspondre patients et donneurs d’organes, par exemple. Mon projet explore l’opportunité de créer une plate-forme pour soutenir une meilleure distribution et coopération européennes.
Le projet a-t-il été budgété ?
Non. Le projet nécessiterait encore d’avantage d’exploration et de développement avant de pouvoir être budgété. En revanche s’agissant d’une solution reposant moins sur le besoin d’infrastructure que sur le besoin d’engagement politique, le budget sera probablement raisonnable.
Valoriser les opportunités qu’apporte l’immigration au lieu de tenter de la contenir
Le budget de l’UE de gestion des frontières et de l’immigration pour 2021 à 2027 représente 34,9 milliards d’euros. Cela représente trois fois plus que la période précédente. La majorité des investissements en Europe aujourd’hui se font dans des systèmes de sécurisation et de militarisation des frontières.
Mon projet propose une autre approche : investir dans une meilleure distribution, une meilleure intégration et une meilleure information afin de valoriser les opportunités qu’apporte l’immigration au lieu de tenter de contenir des mouvements qui ne feront qu’augmenter, notamment avec le réchauffement climatique. Nous devons apprendre à mieux gérer et intégrer l’immigration d’aujourd’hui afin d’anticiper l’immigration à venir.
Le projet a-t-il été présenté à des autorités politiques en France, au niveau de l’Europe ou ailleurs ?
Pas encore.
Quel avenir imaginez-vous pour ce projet ?
Projet ambitieux encore au stade du manifeste
L’objectif est d’abord de proposer une vision pour un projet européen de la gestion de l’immigration. Il s’agirait pour moi d’échanger avec les autorités européennes responsables des questions d’immigration. Idéalement, une phase de développement serait nécessaire pour concevoir le projet en détail et de planifier une stratégie d’implémentation, avant de le tester dans un lieu pilote. Il s’agit d’un projet ambitieux qui en est encore au stade du manifeste.