Chargé de mission biodiversité à l’université, une fonction encore rare dans le paysage

Levez la tête, tendez l’oreille et ouvrez grand les yeux ! Peut-être aurez-vous la chance d’apercevoir un roitelet huppé, un grimpereau des jardins, un rougequeue, un pigeon ramier ou encore une mésange noire sur le campus de Luminy d’Aix-Marseille Université (AMU).

Jumelles à la main, Pascal Carlier arpente régulièrement le site pour observer les oiseaux. Ce jour-là, le chargé de mission biodiversité de l’établissement se promène, à une centaine de mètres de bâtiments universitaires et à quelques pas de résidences étudiantes, avec une ingénieure de recherche volontaire pour réaliser une session d’observation et d’inventaire des oiseaux. 

Des fonctions de direction à des missions sur le terrain

Passionné par l’ornithologie, son engagement pour la biodiversité comme chargé de mission découle d’une quête de sens. Le maître de conférences spécialiste des sciences cognitives et de l’éthologie commence une carrière académique classique. Il est directeur adjoint de la faculté des sciences du sport d’Aix-Marseille durant six ans, aux côtés d’Éric Berton, alors doyen de la faculté et devenu président de l’établissement depuis 2020.

« C’était une fonction très prenante. Après les élections de doyen en 2019, je ne souhaitais plus faire partie de l’équipe de direction, mais plutôt me recentrer sur mes recherches et dans une mission qui a du sens. J’y ai beaucoup réfléchi durant le premier confinement, où j’ai passé beaucoup de temps dans mon jardin à observer les oiseaux », retrace Pascal Carlier.

Il rejoint alors le laboratoire population environnement et développement (LPED), sous la tutelle d’AMU et de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et suggère au président d’Aix-Marseille de créer une mission spécifique sur la biodiversité qui compléterait le travail de la direction du développement durable de l’établissement. C’est chose faite en décembre 2021. 

53 espèces différentes recensées en 2023

Depuis, il réalise trois inventaires d’oiseaux par an, à l’automne, en hiver et au printemps, sur une période de deux à trois semaines à chaque fois. Pour cela, il mobilise les étudiants et personnels qui peuvent renseigner leurs observations sur une application participative, voire y ajouter des photos. Et pas besoin d’être un spécialiste pour contribuer ! 

Durant les sorties ornithologiques, Pascal Carlier apporte une dizaine de jumelles prêtées par la Ligue de protection des oiseaux. Il conseille aussi des ressources aux participants comme l’application Birdnet qui identifie les espèces d’oiseaux par un simple enregistrement de leur chant. « Il peut y avoir des erreurs, mais cela donne de bonnes pistes et fait gagner du temps lors de l’observation », précise-t-il. 

971 observations ont été enregistrées à Aix-Marseille Université durant les inventaires en 2022. En tout, 53 espèces d’oiseaux différentes ont été observées, principalement sur le campus de Luminy à proximité des calanques (37 espèces). En centre-ville, 22 espèces ont été identifiées à Marseille-Saint Charles par exemple. Une fois collectées et validées, les données sont ensuite transmises aux inventaires nationaux et pourront être utilisées par des chercheurs. 

Pascal Carlier travaille aussi en lien avec les établissements membres de l’université européenne Civis, auquel appartient Aix-Marseille Université. « La culture naturaliste est beaucoup plus forte dans les pays anglo-saxons. Le principal problème de l’Université de Glasgow était de savoir comment connecter nos bases de données », relève avec humour le chargé de mission.

La biodiversité, un levier d’action sur le climat

La prise de conscience, voilà la philosophie de Pascal Carlier. Avec ses sorties ornithologiques ouvertes à tous, l’enseignant-chercheur souhaite amener étudiants et personnels à voir la biodiversité comme un levier d’action, dont les effets sont perceptibles sur le réchauffement climatique. 

« Ce qui est bon pour la biodiversité est bon pour le climat, et inversement. Mais pour protéger la biodiversité, il faut déjà la connaître. L’objectif est de sensibiliser au maximum les usagers du campus à la richesse de la biodiversité, pour enclencher un autre rapport à la nature et susciter l’envie d’en découvrir plus », souligne le chargé de mission d’Aix-Marseille Université.

Il rappelle notamment que la population des oiseaux en France a chuté de 30 % en 30 ans, d’après une étude de 2021 menée par le Muséum national d’histoire naturelle, l’Office français de la biodiversité et la Ligue pour la protection des oiseaux.

Sa fierté ? « Après une sortie, des personnels de la bibliothèque m’ont déjà raconté qu’ils n’avaient jamais vu d’oiseaux aussi beaux aux jumelles », se réjouit l’enseignant-chercheur. 

Un travail de coordination entre différents acteurs internes et externes

Au-delà des sorties pour observer et recenser les oiseaux, le chargé de mission biodiversité s’appuie aussi sur des référents dans les différents campus et échange aussi bien avec des acteurs internes à l’université que des extérieurs.

« Une collègue sur le campus d’Aix m’a alerté sur le fait que des oiseaux se faisaient piéger dans des poteaux creux. J’ai donc contacté les télécoms pour que les poteaux soient bouchés. Sur le campus de Schuman, des personnels sont particulièrement vigilants à la préservation des petits espaces verts », illustre-t-il.

« Mon travail consiste aussi à discuter avec les entreprises qui entretiennent le campus pour que les herbes ne soient pas coupées trop court. Ce sujet peut être sensible pour les jardiniers », poursuit-il. Des missions variées, bien loin donc de la simple observation des oiseaux.