Transitions : ils veulent révolutionner les forums de l’emploi dans le supérieur
Par Marine Dessaux | Le | Rse - développement durable
Aider les étudiants à s’orienter et les inspirer. C’est l’objectif d’Hélène Cloître et d’Arthur Gosset, fondateurs de l’association Séisme Grand Ouest, qui ont imaginé le forum des voies à impacts écologique et social organisé en octobre 2023 à Rennes. Ils veulent désormais diffuser cet événement en accompagnant les établissements du supérieur et collectivités.
En 2021, Hélène Cloître et Arthur Gosset réalisent le documentaire « Ruptures » qui retrace les trajectoires de jeunes délaissant les grandes entreprises pour s’engager en faveur de la transition écologique. Trois prix plus tard (dont le coup de cœur du festival du film écologique et solidaire de Cannes), ils sillonnent la France pour diffuser et animer des débats auprès de plus de 130 établissements et 35000 étudiants.
Ils tirent plusieurs constats de leurs échanges : une volonté des étudiants de contribuer au bien commun en faisant évoluer le fonctionnement systémique des entreprises. Et une envie de passer à l’action et d’acquérir des compétences.
« Nous nous sommes rendu compte qu’ils avaient envie de s’engager, mais ne savent pas comment faire », note Hélène Cloître, lors de la Conférence nationale des stages de l’Association de la fondation étudiante pour la ville (Afev), organisée en partenariat avec France Universités, la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs et la Conférence des grandes écoles, le 30 janvier 2024.
À ces réflexions s’ajoute un contexte de tensions autour des forums de recrutement classiques. À l’instar des actions de collectifs d’étudiants d’Insa de Rennes et de Polytechnique, en octobre 2023, qui dénonçaient le choix des entreprises présentes. Un an plus tôt, en décembre 2022, ce sont les étudiants de HEC qui boycottaient la venue de Total Énergies.
Faire connaître des opportunités professionnelles différentes
Diplômée d’une école de commerce, Hélène Cloître décide de « bifurquer » lorsqu’elle comprend que les changements écologiques qu’elle propose à l’entreprise de distribution américaine où elle travaille ne sont pas suivis à grande échelle.
« Au début, j’étais pour boycotter les grandes entreprises, mais aujourd’hui j’ai pu rencontrer des personnes qui utilisent leurs compétences au service des transitions », explique-t-elle. Elle révise donc son jugement pour certaines structures engagées.
C’est ainsi que naît l’idée d’organiser un forum des métiers à impact positif, organisé par l’association qu’elle fonde avec Arthur Gosset, Séisme Grand Ouest, et dont l’activité repose sur le travail de six personnes. L’événement se tient du 11 au 12 octobre 2023 et attire 4300 visiteurs, dont 2500 étudiants.
« Nous avons eu beaucoup de jeunes et d’étudiants. 75 % des visiteurs avaient entre 18 et 35 ans, alors que les intervenants nous disaient qu’il est rare de réussir à mobiliser les jeunes qui ne sont pas dans les écoles. »
Parmi les partenaires : la métropole rennaise et la Région Bretagne, des structures privées (SNCF, l’agence de recrutement Jobs that makes sense) ainsi que 15 écoles et universités dont l’Université de Rennes, UniLaSalle et Centrale Nantes.
Le forum a comptabilité 70 prises de parole, à l’occasion de conférences notamment du comédien Hadi Rassi et de la journaliste Paloma Moritz. En outre, des témoignages de professionnels militants permettaient aux étudiants « de s’identifier à des personnes qui incarnent l’engagement ».
Des acteurs locaux et petites structures présents grâce à un tarif accessible
Dans ce forum alternatif, 87 structures tiennent un stand. « Toutes ont signé la charte anti-greenwashing », précise Hélène Cloître dont l’une des peurs était de voir le forum taxé d’écoblanchissement pour son partenariat avec la SNCF.
Ce sont toutes des « entreprises vertueuses » selon l’association Séisme Grand Ouest, qui vont « de la petite entreprise de tri des déchets à la SNCF qui s’engage sur le territoire ». Elles sont à 50 % des associations, à 30 % des entreprises locales et à 20 % des institutions publiques et plus grandes entreprises. Les exposants sont soumis à la validation d’un « comité d’expert, constitué de membres partenaires du forum, qui avaient un droit de veto ».
Afin de faire venir des petites structures et coopératives, qui n’ont pas les moyens d’être présentes à des salons de l’emploi classique, le forum a mis en place un système de grille tarifaire, avec un montant maximum de 1500 € par stand pour deux jours.
« Nous proposions à ceux qui n’avaient pas de budget un système de troc : certains ont ramené du mobilier, d’autres prêtaient des boîtes en plastique pour faire du zéro déchet sur l’alimentation du forum ou s’occupaient des déchets… », liste Hélène Cloître.
Les visiteurs acquéraient également leur billet à tarif libre à partir de 0 €.
Un forum en partie monté grâce au bénévolat
Ces conditions tarifaires avantageuses pour les exposants et visiteurs ont été rendues possible par la participation de nombreux bénévoles : 80 personnes se sont mobilisées, en grande partie des étudiants rencontrés lors de la diffusion du documentaire Ruptures ou encore via une initiative de la métropole rennaise (« Jobs à Rennes ») qui finance des petits boulots.
« Nous avons conscience d’avoir pu monter le forum avec très peu de budget grâce à des contrats précaires, stages et alternance, au sein de l’association. Nous avons désormais pu embaucher. Cette année, l’objectif est de pérenniser notre modèle économique pour que les personnes qui participent au forum aient des conditions financières correctes. »
Un salon de l’emploi… avec peu d’opportunités professionnelles
Le bémol, en accueillant ces structures, est que toutes ne recrutent pas. « Seulement 37 % des exposants proposaient des offres d’emploi ou de stage. Ce sera un des critères pour la prochaine édition, avec des exceptions pour les structures qui inspirent », souligne Hélène Cloître.
Un rôle de soutien de l’enseignement supérieur
« Sans l’Université de Rennes, le forum n’aurait sûrement pas vu le jour. » Cette déclaration d’Hélène Cloître résume le rôle des établissements du supérieur pour faire vivre le forum des métiers à impact positif. Au-delà d’une aide financière de 5000 €, l’établissement rennais a été « un soutien dès le démarrage du projet, il a aidé dans le relais de l’information et par la banalisation de l’emploi des étudiants sur une demi-journée », ajoute-t-elle.
Il a ensuite fallu embarquer les enseignants-chercheurs pour les inciter à emmener leurs étudiants sur le forum. Pour les toucher, Séisme Grand Ouest a organisé des webinaires à leur destination toutes les deux semaines.
Ce genre de projet est également l’opportunité pour les établissements de réunir « des acteurs qui n’ont pas l’habitude de coopérer », souligne Hélène Cloître.
Essaimer le forum des métiers à impact positif grâce aux établissements et collectivités
« Nous avons envie que ce forum se duplique en France. Pour une petite association, cela représente un an de travail, alors si nous pouvons vous partager notre expertise, nous sommes disponibles », propose Hélène Cloître aux participants de la Conférence nationale des stages.
Séisme Grand Ouest prévoit déjà de renouveler le forum à Rennes chaque année. La prochaine édition aura lieu les 25 et 26 septembre 2024.
Un « tribunal de la redirection écologique », qui proposera aux étudiants de faire le procès des entreprises afin de déterminer si elles font du greenwashing, est déjà prévu avec Sciences Po Rennes et l’Université de Rennes. Par ailleurs, l’appel est lancé à tous les établissements à proximité géographique qui souhaitent mettre en place une collaboration.
L’association propose aussi de partager ses budgets et supports de communication à ceux qui aimeraient reproduire une telle journée ailleurs en France. Et pour ceux qui préfèrent une aide personnalisée sur un format réduit d’une demi-journée, il est également possible de se faire accompagner. « Nous réfléchissons encore au budget, mais il devrait être entre 5000 € et 8000 € pour le mini-forum clé en main. »
Lors de la Conférence annuelle des stages, la Ville de Paris s’est déjà dit « prête à accueillir une initiative de ce type ». Hélène Cloître semble donc en bon chemin pour voir son souhait exaucé : « que tous les étudiants de France aient envie de s’engager dans une entreprise à impact » !
- Pour contacter Hélène Cloître : helene@seisme.org.