Transitions : les étudiants demandent aux établissements de (vraiment) accélérer
Par Isabelle Cormaty | Le | Rse - développement durable
La sixième consultation nationale étudiante du Reses dresse un état des lieux détaillé des attentes des étudiants sur les enjeux écologiques, que ce soit dans leur formation, l’aménagement des établissements ou encore sur l’offre de restauration sur les campus. En voici les principaux enseignements.
43 % des étudiants considèrent n’être pas assez formés aux enjeux écologiques, d’après la sixième consultation nationale étudiante « Écologies, solidarités : l’enseignement supérieur face aux attentes étudiantes », publiée le 21 septembre dernier.
Menée par le Réseau étudiant pour une société écologique et solidaire (Reses), cette enquête détaille les aspirations des étudiants concernant les enjeux de transition. « Lors de la création de l’enquête en 2008, il y avait peu de données sur ce sujet. La consultation s’inscrit dans la mission de plaidoyer du Reses : pour proposer des alternatives aux politiques publiques, il nous fait des données », retrace Paul Van Celst, délégué général du réseau depuis 2021.
62 % des étudiants n’ont aucun cours obligatoire sur les enjeux écologiques
« Le manque d’intégration des enjeux écologiques dans les formations est vécu comme une lacune puisqu’ils sont 69 % à vouloir que leurs études les forment davantage sur ces enjeux », indique le rapport. Un chiffre identique à la précédente consultation de 2020, « ce qui peut témoigner à la fois d’un investissement insuffisant dans l’intégration des enjeux écologiques et d’une intégration plus importante qui mène à de plus grandes attentes sur le sujet ».
Tous types d’établissements confondus, « 43 % [d’étudiants] disent n’avoir aucun cours en lien avec les enjeux écologiques, quand 19 % déclarent avoir seulement des cours optionnels sur ces enjeux, soit 62 % d’étudiants qui n’ont aucun cours obligatoire sur les enjeux écologiques. »
Les écoles privées répondent davantage aux attentes des étudiants
Paul Van Celst remarque toutefois « une intégration différenciée de ces enjeux en fonction des types d’établissements. Dans les écoles d’ingénieurs, la transition écologique est abordée, elle est au cœur de la formation pour 18 % des étudiants. On fait l’hypothèse que l’écologie est davantage abordée dans les formations scientifiques. »
À l’université, 54 % des étudiants n’ont aucun cours sur les enjeux écologiques. C’est 8 % en école d’ingénieurs et 23 % en école de commerce. De plus 50 % des étudiants en école de commerce ont des cours obligatoires sur le sujet.
« Les grandes écoles sont financées par les étudiants. Comme l’écologie est une priorité des étudiants, les écoles répondent à leurs attentes », avance le délégué général du Reses.
La méthode de l’étude
Cette enquête a été diffusée entre le 20 janvier et le 19 mars 2023 via la newsletter du Centre national des œuvres universitaires et scolaires, les réseaux sociaux du Reses et certains établissements. Elle a été renseignée par 14 139 étudiants inscrits dans un établissement du supérieur. 7 970 réponses complètes ont pu être exploitées, après redressement des données. Parmi les répondants : 76 % sont non-boursiers, 54 % sont des femmes et 56 % étudient à l’université.
Une vision « systémique » des enjeux de transition
Avec cette sixième consultation, le Reses note chez les étudiants une transformation de la vision de l’écologie considérée de plus en plus comme « systémique ». Pour 80 % des répondants, l’État est l’acteur qui doit piloter en priorité la transition écologique. Viennent ensuite les institutions internationales (47 %) et les grandes entreprises (55 %).
« Les individus ne ressortent pas en premier, c’est une rupture qui va à l’encontre de l’écologie des petits gestes, souvent mise en avant. Les étudiants ont conscience de la responsabilité différenciée des acteurs », analyse Paul Van Celst.
« Le réchauffement climatique apparaît toujours comme le sujet écologique prioritaire pour 53 % des étudiants, mais nous constatons une conscientisation plus fine des différents enjeux écologiques », poursuit le délégué général du réseau.
Figurent ainsi parmi les enjeux écologiques les plus préoccupants : la destruction des écosystèmes et la perte de biodiversité pour 42 % des étudiants et l’accès à l’eau pour 31 % d’entre eux.
Le rôle des campus dans la transition écologique
« 91 % des étudiants estiment que leur campus n’agit pas suffisamment pour la transition écologique. » Les répondants aimeraient que leur établissement mette en place : « la rénovation énergétique (première action pour 44 % des sondés), suivie par la réduction des déchets et l’amélioration du tri (35 %), puis l’adoption d’une politique d’achat responsable (30 %) ».
Quelles sont les recommandations du Reses ?
En lien avec les aspirations étudiantes soulignées dans cette enquête, le Reses formule plusieurs recommandations. Il demande notamment un plan de financement pour l’intégration de la transition écologique dans le supérieur.
« Les orientations du ministère de l’enseignement supérieur sont claires. Mais il faudrait que les enjeux de transition soient aussi une priorité du Gouvernement et que cela passe par des financements dédiés dans le projet de loi de finances 2024. Si nous en restons à des orientations, la transformation des établissements va encore reposer sur les personnels et enseignants volontaires », regrette Paul Van Celst.
Le réseau demande aussi des dotations pour la rénovation écologique du parc immobilier de l’enseignement supérieur, que ce soit dans les établissements ou les logements du Crous.
« Concrètement, cela peut passer par rendre les universités propriétaires de leurs patrimoines, ce qui permettra de les faire monter en compétence sur leur dépense d’énergie et de mettre plus facilement en place leurs projets immobiliers », suggère le Reses.
La restauration, « un lieu d’enjeux et d’opportunités écologiques »
« 31 % des étudiants pensent que le point de restauration de leur établissement prend en compte la transition écologique », constate l’enquête.
Quelles sont donc les attentes des jeunes concernant l’offre alimentaire sur les campus ? Les répondants aspirent en priorité à : la proposition de produits locaux et/ou de saison (54 %), la réduction du suremballage et de l’usage du plastique (48 %) et la proposition de produits bios et/ou équitables (35 %).
Le Reses propose de financer et accompagner la transformation de l’offre alimentaire sur les campus pour qu’elle soit plus durable et saine. « Les restaurants publics ne doivent cependant pas être les seuls à œuvrer pour une meilleure offre alimentaire pour les étudiants et développer des cahiers des charges de l’alimentation durable pour le choix des prestataires de restauration privés est aussi primordial. »
Des propositions sur la démocratie participative
Le Reses propose également de :
- favoriser les partenariats entre les structures de l’économie sociale et solidaire et les établissements du supérieur ;
- aménager les parcours et les emplois du temps pour encourager l’engagement des étudiants et valoriser cet engagement via des crédits ECTS par exemple ;
- créer des instances démocratiques et participatives avec les étudiants ;
- garantir une allocation d’étude pour tous les étudiants.