Réduire l’empreinte carbone des labos en embarquant les chercheurs
Par Isabelle Cormaty | Le | Rse - développement durable
L’Université Rennes 2 a publié en décembre un guide pour accompagner les laboratoires dans la réduction de leur empreinte carbone. Construit de façon participative avec des chercheurs à l’aide des outils du Labos 1Point5, ce document présente des pistes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre des activités de recherche pour neuf thématiques. Retour sur cette démarche et les objectifs de ce guide.
Comment réduire l’empreinte carbone de l’enseignement supérieur ? D’ici à la fin de l’année 2024, toutes les écoles et universités devront présenter au ministère leur schéma directeur développement durable responsabilité sociétale et environnementale (DD&RSE).
Seuls 15 % des établissements ont fait voter un schéma directeur, d’après le décompte présenté par le ministère lors de la journée nationale transition écologique pour un développement soutenable organisée à Montpellier, le 7 décembre 2023.
Le même jour, l’Université de Rennes 2 publiait son « guide de réduction de l’empreinte carbone de la recherche », fruit d’un an de travail. « Le guide s’inscrit dans le schéma directeur du développement durable et de la responsabilité sociétale de l’établissement, dans le cadre duquel nous avons commencé à travailler sur la réduction de notre empreinte carbone », commence Yohann Rech, vice-président transition socio-environnementale et aménagement des campus de l’établissement.
« Embarquer tous les collègues dans la démarche »
Pour construire ce document, l’université a d’abord dégagé un budget pour recruter une chargée de mission, Lysanne Bernier. Cette dernière a aidé les laboratoires à réaliser leur bilan carbone grâce aux outils de Labos 1point5. Les acteurs impliqués dans les activités de recherche ont été associés à la démarche.
« Nous avons mobilisé les unités de recherche et certains services de l’établissement pour mettre en place un réseau avec des référents transition socio-environnementale dans chaque laboratoire. Nous avons travaillé sur les bilans carbone des unités de recherche pour imaginer ce que nous pouvions faire à plusieurs niveaux, celui de l’établissement et celui des laboratoires », retrace le vice-président de l’Université de Rennes 2.
Sur 20 laboratoires — la plupart à dominante SHS —, une dizaine ont effectué leur bilan carbone. L’empreinte carbone moyenne d’un enseignant-chercheur s’élève à deux tonnes par an, contre sept en moyenne dans les autres unités de recherche. « Les laboratoires SHS génèrent moins de déplacements professionnels ou ont moins d’équipements. Cela n’empêche pas qu’ils doivent s’emparer de la question et identifier leurs postes d’émissions les plus importants », poursuit-il.
Même « imparfaite », la méthodologie du Labos 1point5 permet selon lui « d’identifier les postes les plus émetteurs, mettre en place des actions, mesurer les progrès accomplis et surtout de prendre conscience de certaines émissions ».
Les thématiques du guide
Le guide comporte neuf thématiques : la gouvernance, les achats, le numérique et les équipements scientifiques, l’énergie, des déchets, les déplacements domicile-travail, les déplacements professionnels, l’événementiel et la recherche.
Outre Labos 1point5, ces thématiques s’inspirent aussi du label DD&RSE et des sujets qui ont émergé au fil des discussions avec les chercheurs. Pour chaque item, le document propose trois niveaux d’engagement : initiation, maîtrise, et exemplarité.
« L’idée est d’arriver à situer et surtout d’avoir des exemples concrets pour chaque étape. Par exemple, sur le bilan GES, le laboratoire s’engage à le réaliser tous les trois ans au niveau initiation, tous les deux ans au niveau maîtrise et tous les ans au niveau exemplarité », cite le vice-président transition socio-environnementale et aménagement des campus.
Les déplacements, un sujet complexe et source de débats
Quels sujets ont suscité le plus de débats chez les chercheurs ? « Nous avons passé beaucoup de temps sur les déplacements domicile travail. Ce thème nous échappe en partie, car cela dépend aussi de la politique de la métropole, du département et de la région. La thématique des déplacements professionnels suscite des différences d’appréciation en fonction des disciplines et des générations », reconnait Yohann Rech.
Concernant les voyages, le ministère de l’enseignement supérieur recommande de prendre le train au lieu de l’avion si le même trajet est réalisable en moins de six heures. L’Université Rennes 2 invite les laboratoires volontaires à aller plus loin en allongeant cette durée à huit heures.
« Notre approche ne consiste pas à interdire des déplacements, mais d’essayer de les réduire en changeant les pratiques et les mentalités : faire moins de déplacements, utiliser d’autres modes de transport en particulier le train en Europe, se déplacer plus longtemps ou faire différentes choses lors d’un même déplacement (recherche de terrain, conférences, cours, montage de formation, travail sur la mobilité étudiante, etc.) », détaille-t-il.
Un guide qui doit être transposé dans chaque laboratoire
Présenté en commission recherche et en conseil d’administration, ce guide a été diffusé début décembre aux personnels de l’établissement. Place désormais à sa prise en main par les chercheurs !
« L’année 2024 sera décisive : l’enjeu est maintenant de faire connaître le guide et que les laboratoires s’en emparent. Ce n’est pas une charte, mais un guide qui doit permettre en 2024 à chaque laboratoire d’établir sa propre charte interne en fonction de ses spécificités », avance Yohann Rech.
Au lieu de proposer une politique commune à l’établissement, l’Université Rennes 2 a en effet préféré un guide qui laisse de la souplesse aux laboratoires. « Chaque laboratoire a des postes d’émissions différents en fonction de ses besoins. Certains réalisent régulièrement des missions à l’étranger pour aller sur le terrain, d’autres ont des infrastructures de recherche plus énergivores. Nous voulions surtout travailler sur le positif pour embarquer tous les collègues dans la démarche », ajoute le vice-président transition socio-environnementale et aménagement des campus.
Une charte de l’événementiel à venir
L’établissement compte à l’avenir actualiser le guide pour y ajouter des actions ou prendre en compte de nouvelles directives ministérielles par exemple. Au-delà de la stricte décarbonation des activités de recherche, la cellule « transitions socio-environnementales » de l’université composée de trois personnes souhaite s’appuyer sur ce document pour avancer sur d’autres sujets liés aux transitions.
« L’idée est que certaines thématiques du guide puissent être travaillées avec d’autres services ou acteurs. En ce qui concerne l’événementiel, par exemple, nous travaillerons sur une charte plus globale incluant les événements destinés aux étudiants et les manifestations culturelles et sportives », précise Yohann Rech.
Des ressources pour aller plus loin
En annexes, le guide de l’Université de Rennes 2 présente des ressources dont les laboratoires peuvent se saisir. Y figurent notamment des exemples de chartes de réduction de l’empreinte carbone déjà adoptées par certains laboratoires et des idées d’atelier à organiser en équipe pour évoquer les transitions (fresque du climat, fresque du numérique, « Ma petite planète », « Ma terre en 180 minutes »…).
À noter par exemple :
• l’outil développé par Labos 1point5 pour calculer l’empreinte carbone et construire le bilan gaz à effet de serre d’un laboratoire ;
• le simulateur d’émissions des déplacements domicile-travail;
• et l’outil MonPetitCarbone destiné à calculer et suivre son empreinte carbone professionnelle.