Comment les BU reprennent leur activité et préparent la rentrée 2020 ?
Par Marine Dessaux | Le | Stratégies
Les enjeux sont multiples pour les BU (bibliothèques universitaires) avec près d’un million d’ouvrages sortis et une mise en quarantaine des livres à organiser.
Le drive comme solution d’appoint
Dans l’attente de la réouverture progressive des BU à la rentrée, la mise en place de guichets de retours et de retraits est envisagée. « Nous sommes en train de peaufiner les procédures sanitaires à la fois pour le public et les personnels mais quasiment toutes les BU envisagent le principe de ‘click and collect’ », rapporte Marc Martinez, président de l’ADBU (Association des directeurs et personnels de direction des bibliothèques universitaires et de la documentation).
Quarantaine : 3 jours pour le papier et 10 jours avec une partie plastique
« L’ADBU s’assure avec le ministère que les drives puissent être installés en respectant les mesures sanitaires appropriées notamment de quarantaine pour les livres ; 3 jours pour le tout papier et 10 jours si le document contient une partie plastique ». Une gestion de flux qui s’annonce considérable nécessitant la création de nouveaux circuits de circulation des ouvrages et un espace non-négligeable.
Gaëlenn Gouret, responsable du Département numérique de l’UBO (Université de Bretagne Occidentale) et membre de l’ADBU, confirme que dans sa BU aussi, le drive est considéré comme solution d’appoint : « La priorité est de fournir à nouveau un service de prêt, nous allons organiser une sorte de drive avec une prise de rendez-vous en ligne. L’ADBU va publier un vademecum à l’attention des BU avec les différents points de vigilance à avoir. Il expliquera notamment comment organiser au mieux un service de drive ».
Réouverture : ce que dit le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation
Le 3 mai, le MESRI a fait parvenir la circulaire suivante aux directions des établissements de l’enseignement supérieur, des organismes de recherche et des CROUS :
• "Les bibliothèques universitaires ont vocation à ne pas rouvrir au public d’ici à la rentrée.
• Toutefois, à titre exceptionnel, une réouverture des guichets de prêts aux étudiants et enseignants peut être mise en œuvre, dans le respect des consignes sanitaires ;
• une réouverture des espaces de lecture peut également être envisagée dans des conditions très strictes, le cas échéant en en limitant l’accès à certains publics (étudiants devant préparer un examen ou un concours, chercheurs ayant besoin d’accéder à un fonds spécifique non accessible à distance, enseignants préparateurs de concours etc.).
• Néanmoins, la fourniture à distance de la documentation électronique doit, dans toute la mesure du possible, être privilégiée”.
Un énorme chantier pour préparer la rentrée
La reprise progressive de l’activité des BU pour la rentrée s’annonce complexe. Marc Martinez l’affirme, il n’y aura pas de retour à la normale en septembre : « Il faudra se préparer aux retours des collègues, à recevoir les étudiants mais la capacité d’accueil va devoir diminuer d’un facteur de 2 à 3 ». L’activité des BU représente en effet un nombre impressionnant d’entrées chaque année en France : 70 millions contre 27 millions dans l’ensemble du réseau de lecture publique.
Une fréquentation importante qui se traduit par une densité au mètre carré qui va devoir diminuer. « L’équipement est extrêmement utilisé que ce soit pour le travail, la lecture ou la médiation. La BU, c’est vraiment la deuxième maison de l’étudiant », explique Marc Martinez.
Une gestion des retours
La réouverture demande une gestion des retours, avec une quarantaine des documents mais aussi une définition de l’espace et du sens de circulation (fléchage) et de répondre aux questions que posent le libre accès (comment le permettre sans risque de contamination ?) et le port du masque qui sera « très fortement recommandé comme un geste barrière de plus » voire obligatoire.
Pour l’heure, la reprise reste progressive et les retours limités : « Pour préparer la rentrée à la BU de Lyon 3, relancer les commandes, etc., nous sommes pour le moment en équipe réduite sur place, d’une petite dizaine de personnes sur 80. Le télétravail reste la norme et reviennent sur place principalement les cadres pour faire le lien avec les autres services, définir les plans de continuité. »
« Au niveau ministériel, nous préparons un fascicule d’aide à la reprise de l’activité pour les BU pour répondre à différentes questions : comment est-ce qu’on aménage les lieux, les services ? Comment accueillir une partie des usagers ? Que fait-on pour répondre aux besoins de ceux qui ne pourront pas revenir ? », indique Marc Martinez.
Des enjeux multiples
Les BU devront jouer un rôle majeur auprès des première années
Des enjeux financiers, de stock de matériel et d’accompagnement des étudiants sont à prévoir : « Particulièrement auprès des première années qui ont eu une terminale tout à fait particulière, les BU devront jouer un rôle majeur », souligne Marc Martinez avant de conclure : « Nous n’aurons pas trop de tout l’été pour mettre tout cela en œuvre ».
Gaëlenn Gouret précise les difficultés qui se posent quant à la gestion du budget : « En ce moment, les commandes de documents papiers sont limitées, on est au stade d’interrogation : on ne sait pas si à l’automne les BU pourront rouvrir normalement, on se pose la question de basculer une partie du budget sur les ebooks. Le problème, c’est qu’il y a des documents qui n’existent qu’en papier. On peut aussi transférer sur les ebooks le budget d’autres lignes budgétaires, l’organisation d’évènements par exemple (puisque les événements du printemps ont été annulés) ».
Des centaines de milliers d’ouvrages à l’extérieur
Un des challenges des BU, et pas des moindres, est le retour des ouvrages empruntés : ils sont près d’un million à devoir retourner dans leurs rayons. Un afflux énorme qui risque en grande partie d’arriver au même moment : à la rentrée de septembre, avant la date de rendu fixée au mois de septembre.
Autre problème : il y a également une certaine urgence à pouvoir réceptionner de les premiers retours puisque certains étudiants, notamment étrangers, on besoin de rendre leurs emprunts avant de rentrer chez eux.
Vers un accès libre plus généralisé ?
Une façon de permettre aux étudiants, dans cette situation de crise sanitaire, d’avoir accès aux ressources aurait pu être la numérisation des documents qui n’existent que sur papier. C’est ce qui a été fait aux Etats-Unis mais qui est encore légalement impossible en France. Une situation qui vise à protéger les droits d’auteur mais qui complique l’accès aux ressources habituellement ouvertes aux étudiants. « Ça fait longtemps qu’on milite pour qu’il y ait plus d’accès libre, des modèles économiques différents », explique Gaëlenn Gouret.
Deux solutions pour pallier les difficultés d’accès aux ouvrages
Marc Martinez évoque deux solutions pour pallier les difficultés d’accès aux ouvrages que rencontrent les usagers des BU :
- l’accroissement des portefeuilles de ressources qui prend du temps et nécessite de passer des marchés, mais devient indispensable d’autant plus que certains fournisseurs refermeront sans doute certains des bouquets qu’ils avaient étendus gratuitement pendant le confinement,
- être dans la capacité de numériser des articles, ce qui nécessiterait un assouplissement de la réglementation mais qui serait envisageable dans le respect des intérêts des auteurs en ayant recours à l’utilisation d’un filigrane indiquant la provenance de l’ouvrage ou à l’introduction de documents à vie limitée (consultable uniquement durant une période prédéfinie).
« Nous avons contacté le syndicat national de l’édition sur cette question », précise Marc Martinez. « Pour le moment, les choses ne bougent pas ».