La dépense par étudiant augmente-t-elle vraiment de 109 € entre 2017 et 2022 ?
Par Audrey Steeves | Le | Stratégies
Entre 2017 et 2022, le budget par étudiant a-t-il réellement augmenté de 109 € ? C’est ce qu’a annoncé le député et rapporteur pour avis du projet de loi de finances 2022 sur le volet du supérieur, Philippe Berta. Une dépense calculée à partir de l’effectif étudiant de 2020 correspondant aux dernières statistiques consolidées, mais qui a évolué depuis la rentrée 2021…
Selon le député Modem du Gard Philippe Berta, rapporteur pour avis du projet de loi de finances 2022 pour les volets enseignement supérieur et vie étudiante, le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (Mesri) a dépensé 109 € de plus par étudiant entre 2017 et 2022, atteignant ainsi une dépense par étudiant de 6 193 €.
Une bonne nouvelle pour les étudiants… et pour le ministère, qui malgré des moyens en hausse chaque année en faveur de l’enseignement supérieur (+ 1 milliard d’euros depuis 2018 dans le cadre du Plan étudiants) peine à convaincre de l’effort réellement réalisé.
Un budget qui reste en dessous du niveau de 2009
De fait, un chiffre fait généralement référence, celui de la dépense moyenne par étudiant calculée chaque année par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, le service statistique de l’Éducation nationale. En 2020, dernier chiffre connu et encore provisoire, celle-ci était de 11 580 € (en euros constants). Soit près du double du montant donné par Philippe Berta.
Normal, car cette donnée se base sur la dépense intérieure par étudiant, qui agrège l’ensemble des moyens de l’État, soit le Mesri mais aussi d’autres ministères, ainsi que les collectivités territoriales, les entreprises et les ménages.
Une dépense intérieure par étudiant en baisse
Or, cette dépense qui a atteint son niveau le plus haut en 2009, avec 12 843 € par étudiant, ne cesse de diminuer depuis. Entre 2009 et 2020, elle a ainsi baissé de 9,8 %.
Elle affiche aussi de fortes disparités entre filières : si le coût moyen d’un étudiant de l’université plafonne à 10 440 €, celui d’un élève de classe préparatoire est de 15 730 €. Ainsi, à l’université, la dépense par étudiant recule encore plus vite, avec -12 % entre 2013 et 2020.
+ 109€ par étudiant : un calcul erroné ?
Ce chiffre de +109 € dépensés par étudiant, avancé par Philippe Berta, signifie-t-il alors une amorce d’inversion des courbes ? Pas si sûr… Car pour arriver à ce chiffre, le député a additionné les autorisations d’engagement des programmes qui compose le budget 2022 de l’enseignement supérieur, c’est-à-dire le programme 150 (dédié aux formations supérieures et à la recherche universitaire) et celui du programme 231 (la vie étudiante), qu’il a rapporté au nombre d’étudiants.
Et pour 2022, il s’est basé sur les derniers chiffres d’effectifs étudiants stabilisés par les services statistiques du Mesri, le Sies, soit ceux inscrits à la rentrée 2020.
Des effectifs étudiants en hausse
Or, dans une dernière note d’information consacrée aux effectifs étudiants et leur projection, parue le 6 octobre 2021 et détaillée par News Tank, le Sies montre qu’entre 2020 et 2021, ceux-ci sont en progression de 2,1 %, soit 59 400 étudiants supplémentaires. Et qu’ils devraient connaître une nouvelle hausse de 0,6 % entre 2021 et 2022, ce qui représente 17 100 étudiants additionnels.
Pour être tout à fait exact, le Sies a modifié sa base de calcul en incluant, à compter de 2021, les élèves de section de technicien supérieur en apprentissage. Mais sans prendre en compte cette catégorie, les effectifs étudiants seraient autour de 2 823 100 à la rentrée 2021, soit 38 113 de plus qu’à la rentrée 2020.
Avec cette donnée, la dépense par étudiant passe de 6 193 € à 6 109 €, soit une hausse de 25 € depuis 2017. Et si on considère les effectifs prévus par le Sies à la rentrée 2022 (2 840 600), alors la dépense par étudiant passe à 6 071€… c’est-à-dire une baisse de 13 €.
Peu de lisibilité de la dépense réelle de l’État
Le Mesri pourra toutefois rétorquer que d’autres programmes budgétaires abondent les crédits en faveur des étudiants, que ce soient les investissements d’avenir, avec des actions comme les « Nouveaux cursus à l’université » ou les « Territoires d’innovation pédagogique », ou le Plan de relance avec le programme « Un jeune, une solution » qui prévoit notamment la création de 30 000 places supplémentaires dans le supérieur…
Une multiplicité de programmes, pas toujours pilotés par le Mesri, qui complique le calcul de la dépense réelle de l’État en faveur des étudiants, et la rend peu lisible. Ce que pointe régulièrement la Cour des comptes dans son rapport sur le budget.