[Replay] Quels outils IA pour améliorer l’enseignement des langues ?
Quels outils d’intelligence artificielle est-il pertinent d’utiliser afin d’optimiser l’enseignement des langues dans le supérieur ? C’est à cette question que répondait le webinaire organisé le 10 octobre 2023 par Campus Matin et son partenaire, Flowchase.
Cycle : Campus Matin
À l’instar de nombreux secteurs d’activité, l’intelligence artificielle s’est invitée dans l’enseignement des langues dans le supérieur. Faut-il la redouter ou au contraire l’utiliser et si oui, de quelle manière ? Comment former les enseignants à son utilisation ?
« Dans l’apprentissage des langues, l’IA permet déjà d’évaluer, de préparer des cours et des séquences pédagogiques, mais aussi de réaliser des feedbacks », explique Robin Guerit, co-fondateur et responsable apprentissage de Flowchase, une application e-learning permettant de faciliter l’apprentissage d’une langue et d’améliorer son accent.
« L’IA dont nos enseignants de langue commencent à s’emparer permet de tester, de vérifier, d’itérer », confirme Céline Joiron, maîtresse de conférences et vice-présidente transformation pédagogique l’université de Picardie.
« Le professeur doit être souverain dans la validation »
Convaincu de la pertinence de l’IA pour optimiser l’enseignement des langues dans le supérieur, Laurent Rouveyrol, professeur à l’Université Sorbonne Nouvelle, chargé de mission certificat de compétences en langues de l’enseignement supérieur (Cles) numérique émet toutefois des doutes quant à la fiabilité des outils pour évaluer correctement un apprenant, notamment dans le cadre d’un certificat valable pour toute une vie.
« En la matière, on ne sait pas encore exactement comment la machine prendrait la décision. Il ne faut pas se précipiter pour adopter n’importe quel outil. Le professeur doit être souverain dans la validation, dans un souci bien compris de justice et d’équité », affirme-t-il.
« Il faut faire preuve de vigilance et ne pas oublier que derrière l’IA il y a des hommes et des femmes », confirme Nora Sanchez Gonzalez professeure associée et responsable de l’innovation pédagogique du département d’espagnol à Paris School of Business.
Vice-président délégué au numérique et maître de conférences en langue et linguistique tchèques à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), Ivan Smilauer confirme que dans son établissement où les étudiants peuvent apprendre jusqu’à 104 langues, l’IA est un outil déjà opérant.
« Certaines langues plus rares ne disposent pas encore de ressources textuelles suffisantes sur internet pour utiliser pleinement l’IA, mais cela va venir », se réjouit-il.
Former les enseignants
Afin de faire progresser l’enseignement des langues, via l’utilisation de l’IA, il est impératif de former les professeurs, afin qu’ils s’approprient ces outils, par ailleurs fort utiles pour gagner du temps dans la préparation des cours et des séquences pédagogiques, mais aussi pour être en phase avec leurs étudiants.
« Les étudiants maîtrisent déjà bien ces outils. Cela change la donne. Une de mes collègues polonaises a constaté que lors d’une épreuve, deux étudiants seulement sur 40 n’avaient pas eu recours à ChatGPT », pointe Laurent Rouveyrol qui suggère de réaliser des chartes de bonnes pratiques de l’IA partagées entre enseignants et étudiants.
« Dans la formation des enseignants, il ne faut pas se limiter à l’expérimentation, mais s’efforcer également de comprendre comment fonctionne l’IA de l’intérieur et comment on l’interroge de manière pertinente », note Céline Joiron qui vante la pertinence de l’outil, notamment pour harmoniser les contenus pédagogiques.
« Il faut créer des guides pratiques pour les enseignants. Les formations à l’IA sont encore peu répandues en France contrairement aux pays anglo-saxons. Les étudiants, eux aussi, doivent être formés. Ils n’utilisent pas forcément l’outil à bon escient », avertit Nora Sanchez Gonzalez.
Valoriser l’expérience de l’utilisation
« Afin de proposer un usage optimal de l’outil, il convient de récolter les feedbacks des étudiants et des professeurs quant à leur utilisation et ainsi collecter des données utiles en soumettant des questionnaires », recommande Robin Guerit.
« Grâce aux données recueillies, il est possible d’analyser la trace de l’expérience de l’apprenant et ainsi améliorer l’outil. À condition d’exploiter et de consolider de manière scientifique ces datas », souligne Céline Joiron.
La problématique du cout et de l’humain
L’utilisation d’un nouvel outil implique, pour les établissements d’enseignement supérieur, un investissement financier et une allocation de budgets. « De même que nous payons des solutions pour gérer les LMS ou pour acquérir des outils de visioconférence, il est nécessaire d’acquérir des solutions d’IA, au-delà des modèles en accès libre. Va-t-on utiliser plusieurs comptes ou un seul au niveau d’un établissement ? Cela se discute et se négocie », analyse Céline Joiron.
« Pour déterminer quels sont les meilleurs outils à acquérir, il faut effectuer des remontées de terrain auprès des acteurs utilisateurs », conseille Ivan Smilauer. Quoiqu’il en soit, selon les participants du webinaire, aussi sophistiqué et révolutionnaire est-il, l’outil IA appliqué à l’apprentissage des langues ne peut remplacer l’humain.
« On ne peut apprendre une langue étrangère derrière un écran, en accumulant les savoirs grammaticaux. Il est nécessaire d’être confronté à plusieurs interlocuteurs et de s’inscrire dans une interaction. Si cela était si facile, tout le monde serait polyglotte », assure Nora Sanchez Gonzalez qui estime que le rôle fondamental de l’enseignant est d’apprendre à apprendre.
« L’IA est l’occasion de faire réfléchir les enseignants sur leur manière d’enseigner, sur l’éthique, sur la transversalité, le travail en équipe. C’est une excellente occasion de se challenger », conclut Laurent Rouveyrol.