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Andès : « Aujourd’hui, un doctorant et un Ater en début de carrière gagnent autant »

Par Marine Dessaux, Jean-Philippe Braly | Le | Doctorat

L’Association nationale des docteurs a renouvelé son bureau en juin 2023. L’occasion de revenir sur ses chantiers, mais aussi l’actualité de ses membres : la baisse d’attractivité du doctorat, l’absence de revalorisation du salaire des attachés temporaires de recherche ou encore la disparité de financements entre doctorants français et étrangers.

L’Andes intervient régulièrement lors de la journée nationale du doctorat. - © Université d’Angers
L’Andes intervient régulièrement lors de la journée nationale du doctorat. - © Université d’Angers

Créée en 1970 et reconnue d’utilité publique depuis 1974, l’Association nationale des docteurs (Andès) s’adresse à tous les docteurs, quel que soit leur statut professionnel, leur âge, qu’ils résident en France ou à l’étranger. Ses trois missions  : promouvoir le doctorat, contribuer à mettre en avant l’expertise des chercheurs au service de la société et mettre en synergie les docteurs, afin notamment d’augmenter leur visibilité collective. 

Linda Lahleh est présidente de l’Andès élue pour un second mandat en juillet 2023. - © Emilie Albert
Linda Lahleh est présidente de l’Andès élue pour un second mandat en juillet 2023. - © Emilie Albert

Campus Matin s’est entretenu avec la présidente de l’Andès, Linda Lahleh, élue pour un second mandat en juin 2023. Elle est également élève avocate à la Haute école des avocats-conseils de la Cour d’appel de Versailles et docteure en droit des affaires de l’Université Toulouse Capitole 1 depuis 2018. 

À ses côtés, Stéphanie Danaux, vice-présidente de l’Andès, engagée dans l’association depuis 2016 et responsable de service à l’Université de Bordeaux, membre suppléant siégeant au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) au titre de l’Andès en 2019-2023.  

Ainsi que Maria Angeles Ventura, administratrice de l’association, bénévole depuis 2005, chercheuse Inserm à la retraite.  

L’Andès est-elle aujourd’hui assez visible ?  

Une période un peu plus creuse, comme beaucoup d’associations après le Covid

Linda Lahleh  : La visibilité est toujours quelque chose d’important, d’autant que ce sont des bénévoles qui portent l’association et que nous avons toujours besoin de bras. Comme toute association, nous avons des hauts et des bas et l’Andès est actuellement dans une période un peu plus creuse, comme beaucoup d’associations après le Covid.   

Mais notre association continue à enregistrer régulièrement de nouveaux adhérents, ce qui montre que nous conservons une certaine visibilité. Nous avons toutefois besoin de communiquer un peu plus sur l’association et les outils qu’elle propose.  

Cette année, nous allons développer notre communication pour accroitre la visibilité de l’association et attirer de nouveaux membres (nouveaux docteurs ou ayant soutenu leur thèse il y a des années), mais aussi mobiliser davantage les membres actuels.  

Quelles thématiques avez-vous suivies au sein du Cneser ? 

Linda Lahleh  : L’Andès vient d’achever son mandat de quatre ans. Le ministère de l’enseignement supérieur et la recherche (MESR) nous a proposé de renouveler notre mandat pour les quatre prochaines années, et nous avons accepté. Nos représentants sont prêts, nous attendons la nomination officielle des membres du Cneser à la rentrée.  

Stéphanie Danaux  : L’Andès siège au Cneser depuis 2019. À l’époque, nous avions accueilli cette nomination comme un signal très positif envoyé aux acteurs du doctorat et de l’ESR, mais aussi comme une reconnaissance de l’investissement et de l’expertise de l’association sur cette thématique, identifiée à ce moment comme un grand sujet d’intérêt national par le ministère.  

L’association s’est notamment beaucoup investie sur l’accréditation des écoles doctorales. Nous avons créé une grille d’évaluation pour l’accréditation des écoles doctorales basée sur une méthodologie développée au fil des séances du Cneser et reprise par le ministère. La loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPR) et la réforme du doctorat ont été un des gros sujets de l’année passée pour lesquels nous avons été auditionnés au Sénat et à l’Assemblée nationale, ainsi qu’au ministère.

Qui sont les membres de l’Andès ?

En 2022, l’Andès comptait autour de 300 membres, de toutes disciplines. Ces derniers viennent à 70 % des sciences et technologies, de la vie, de la terre et structure de la matière et à 30 % des lettres, du droit et des sciences humaines et sociales. « Nous sommes particulièrement bien identifiés en Île-de-France, d’où proviennent 42  % des adhérents », dit Linda Lahleh. 5  % des membres résident hors de France. 

Quel a été votre positionnement sur le serment doctoral ? 

Maria Angeles Ventura est administratrice de l’association et bénévole depuis 2005 - © Andès
Maria Angeles Ventura est administratrice de l’association et bénévole depuis 2005 - © Andès

Linda Lahleh  : Nous avons été consultés par le MESR sur l’arrêté sur la formation doctorale de 2022 instituant ce serment doctoral. Dès le départ, l’Andès militait pour un serment unique et sur ce point le ministère a suivi nos recommandations.  

Maria Angeles Ventura  : L’Andès a aussi réussi à faire inclure un engagement sur l’intégrité scientifique dans la charte que le doctorant signe au début de son doctorat. Que cet engagement ne soit formulé qu’à la fin du doctorat, au moment soutenance de la thèse, n’avait en effet pas beaucoup de sens, surtout en sachant que seulement environ 15  % des docteurs font ensuite carrière dans la recherche.  

Y a-t-il des sujets que vous souhaiteriez approfondir avec le MESR dans les prochains mois ?  

Linda Lahleh  : Nous travaillons beaucoup sur le sujet du financement du doctorat, car c’est pour nous un sujet clef. À chaque rencontre avec le cabinet de la ministre de l’ESR, nous partageons les remontées du terrain.  

Stéphanie Danaux  : Nous nous penchons également régulièrement sur la question de la reconnaissance et de la valorisation des compétences du doctorat et des docteurs dans la poursuite de carrière, tant dans le secteur privé que dans le secteur public.  

Linda Lahleh  : L’Andès avait contribué à l’inscription du doctorat au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Nous avions aussi décortiqué les six blocs de compétences publiés sur le doctorat, en essayant d’illustrer la montée en compétences pendant le doctorat en lien avec ces six blocs ; cela a donné lieu à une fiche pratique en février 2022 qui est disponible sur notre site internet.  

Que la haute fonction publique soit fertilisée par la méthode scientifique que les docteurs apportent.

Maria Angeles Ventura  : Un sujet qui reste important au fil des années est le nombre trop faible de docteurs dans la haute fonction publique. Nous nous battons donc beaucoup pour que la haute fonction publique soit fertilisée par les compétences et par la méthode scientifique que les docteurs apportent.      .  

France Universités demande à Sylvie Retailleau et son ministère de s’attaquer à la baisse d’attractivité du doctorat avec la revoyure de la LPR. Partagez-vous cette priorité ? 

Stéphanie Danaux est vice-présidente de l’Andès - © LinkedIn
Stéphanie Danaux est vice-présidente de l’Andès - © LinkedIn

Stéphanie Danaux  : L’attractivité du doctorat passe par la question de la rémunération, mais aussi, tout au long du doctorat, par un encadrement bienveillant, un suivi régulier, une bonne intégration dans la vie de l’unité de recherche et de l’école doctorale, un équipement fonctionnel (ordinateur, imprimante, matériel de laboratoire…), un environnement de travail de qualité, l’accès à des formations dédiées attractives, des financements pour participer à des colloques et réaliser des mobilités, puis, après le doctorat, par une reconnaissance de l’expérience professionnelle du doctorat ainsi que des compétences acquises pendant ce doctorat… 

Il est clair qu’il y a une baisse des inscriptions en doctorat, mais tous les établissements ne sont pas touchés de la même manière.  

Dans l’édition 2023 du bilan « L’état de l’emploi scientifique en France », on peut lire que ce sont les disciplines où le doctorat est le moins financé qui connaissent une chute spectaculaire des inscriptions. Pour contrer cette chute, il faut, entre autres, que la rémunération des doctorants puis des docteurs soit attractive par rapport à celle que pourrait leur offrir une entreprise ou tout autre recruteur.  

Par ailleurs, le fait que 78  % des doctorants démarrent leur doctorat avec un financement dédié ne veut pas dire qu’ils ont tous un contrat doctoral avec un niveau de rémunération permettant de vivre dignement dans notre pays. Car certains doctorats sont financés par des vacations, des sources non contractuelles, des bourses via des associations, fondations, gouvernements étrangers, le ministère des affaires étrangères et européennes, etc.  

Linda Lahleh  : Nous serons également vigilants à ce que les pourcentages de hausse de la rémunération des doctorants annoncés par la LPR soient respectés, mais aussi le nombre de doctorats financés.  

Aujourd’hui, un doctorant et un Ater en début de carrière gagnent autant.

Par ailleurs, si le contrat doctoral de droit public a été rehaussé à 2 044  € brut minimum, l’augmentation n’a pas touché les contrats d’attaché temporaire d’enseignement et de recherche (Ater). Aujourd’hui, un doctorant et un Ater en début de carrière gagnent autant. La revalorisation des rémunérations des Ater est aussi un sujet pour l’attractivité des carrières de recherche.  

Les doctorants étrangers ne touchent cependant pas tous ce salaire minimum… 

Linda Lahleh  : En effet, si le doctorant étranger est financé par son pays d’origine ou par une bourse du gouvernement français, le montant qu’il va recevoir est nettement inférieur à un contrat doctoral. L’Andès milite pour que les doctorants étrangers soient rémunérés au même niveau que leurs homologues français.  

Des situations de doctorants recevant seulement 300 € par mois.

Stéphanie Danaux  : On a parfois observé des situations de doctorants recevant seulement 300 € par mois au titre de leur doctorat pour vivre en France !  

Maria Angeles Ventura  : Ce problème a été partiellement réglé par la LPR qui a introduit une convention permettant que les doctorants étrangers qui le nécessitent puissent obtenir un complément de financement par leurs laboratoires d’accueil en France. Mais ce n’est pas facile pour les laboratoires de trouver des sources de financement complémentaires suffisantes, surtout quand le doctorant a un très faible financement issu de son pays d’origine. La question n’est donc pas totalement réglée.

Les événements qui rythment la vie de l’association

L’Andès organise une réunion du conseil d’administration tous les deux mois pour faire le point sur les dossiers en cours. L’assemblée générale se tient, elle, une fois par an en juin. Il s’agit du « grand moment de rencontre pour les membres de l’association », souligne Stéphanie Davaux. Plus localisés, des afterworks sont aussi régulièrement organisés par les antennes de la Communauté française des docteurs (CFD), un réseau de docteurs créé par l’Andès.  

L’association est par ailleurs sollicitée sept à huit fois par an pour participer à des événements en lien avec le doctorat (journées d’écoles doctorales, de colloques, de congrès, journée nationale du doctorat…). Elle y fait « des présentations sur des points précis comme sur les compétences ou la poursuite de carrière des docteurs », rapporte Maria Angeles Ventura.  En revanche, l’Andès ne propose pas de formations.

L’Andès s’investit-elle aussi sur le volet international ?  

Linda Lahleh  : L’Andès est membre de l’International consortium of research staff associations (Icorsa). Nous sommes régulièrement invités à leurs événements pour présenter notre association et l’unicité du doctorat en France, et pour voir ce qui se passe sur le doctorat dans d’autres pays européens. Nous avons aussi un groupe de travail dédié à la thématique « doctorat et international ». 

Le prochain événement à ne pas rater ? 

Linda Lahleh  : Les 16 et 17 novembre prochains, nous allons participer au le workshop pour l’encadrement doctoral, organisé à l’Université de Strasbourg par l’Andès, Adoc Métis, la Confédération des jeunes chercheurs (CJC) et le Réseau national des collèges doctoraux (RNCD).  

Il sera consacré à la thématique science et société, nous y aborderons notamment la question de la santé mentale des doctorants et docteurs, et de l’impact environnemental de l’activité de recherche. C’est un événement basé sur des ateliers de réflexion qui permettront de co-construire des solutions concrètes, réalistes et réalisables ! 

Concepts clés et définitions : #Cneser ou Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche