Métiers
&
carrières

« La prise de conscience d’une bascule » : comment la CPU fonctionne en temps de crise

Par Théo Haberbusch | Le | Management

La Conférence des présidents d’université (CPU) est régulièrement citée quand on évoque les politiques de l’enseignement supérieur et de la recherche. Derrière une équipe élue se trouvent une vingtaine de permanents dont le travail est animé par un délégué général, Guillaume Bordry.

Campus Matin l’a interrogé. Il raconte l’impact de la crise sanitaire sur le fonctionnement de son organisation et les leçons qu’il en tire.

Colloque annuel 2019 de la CPU à Vannes, le dernier organisé en présentiel - © Conférence des présidents d’université
Colloque annuel 2019 de la CPU à Vannes, le dernier organisé en présentiel - © Conférence des présidents d’université

Guillaume Bordry est un habitué des universités, où il a eu plusieurs vies professionnelles. Aujourd’hui délégué général de la Conférence des présidents d’université (CPU), il est d’abord un enseignant. Professeur agrégé, puis maître de conférences, il est passé par Nancy, Paris et Nanterre. 

C’est ensuite comme directeur d’IUT, à Paris Descartes (aujourd’hui Université de Paris) qu’il prend des fonctions nationales, puisqu’il préside l’Assemblée des directeurs d’IUT (Adiut) de 2012 à 2015. Nommé inspecteur général en 2017, il a rejoint la CPU en septembre 2019.

C’est son regard de manager d’une équipe permanente d’une vingtaine de personnes et à l’interface avec des présidents élus que Campus Matin a voulu connaitre. 

« Notre mode de fonctionnement n’a pas changé depuis mars »

Comment vivez-vous le deuxième confinement ? Étiez-vous mieux préparés ? 

« Je vois ce second confinement comme une épreuve de robustesse » - © Xavier Teissedre/CPU
« Je vois ce second confinement comme une épreuve de robustesse » - © Xavier Teissedre/CPU

Le premier confinement a suscité à la fois de l’inquiétude et, par son caractère relativement soudain, une forme de sidération. Il a pu être vécu par certains comme une sorte de parenthèse, tandis que ce second confinement est la prise de conscience d’une bascule.

Au printemps dernier, on pouvait avoir en tête de retrouver intacts, en sortie de crise, un monde et des pratiques « d’avant » : ce second confinement nous éloigne sensiblement de cette idée. 

Dès la première réunion d’équipe en mars dernier, l’équipe des permanents de la CPU a essayé de travailler avec le principe que le distanciel était notre nouvelle norme, que le travail avait désormais cette forme, pour mieux nous y adapter : c’est donc en mars que nous avons ainsi « basculé », et notre mode de fonctionnement n’a pas véritablement changé depuis. C’est pour cela que j’ai du mal à le concevoir comme une « phase 2 » qui profiterait des enseignements de la phase 1.  

La CPU doit fonctionner avec des permanents et des présidents élus au bureau, au conseil d’administration et dans les commissions… Cela crée-t-il des difficultés supplémentaires ? 

Je vois ce second confinement comme une épreuve de robustesse, d’une part, parce que le contexte est fatigant, le distanciel use et s’use, mais aussi, car la CPU arrive dans une phase de fort changement, avec le renouvellement du bureau et des présidents de commission (voir encadré).

Je vois ce second confinement comme une épreuve de robustesse

C’est une étape régulière dans la vie de la CPU, mais la nouvelle équipe présidentielle va devoir prendre ses marques dans un contexte inédit.

Ce sera une expérience comparable à celle que vivent les équipes présidentielles qui s’installent cette année dans les établissements, et font face d’emblée à des défis considérables.  

Depuis mars, seuls deux événements en présentiel ont eu lieu, de surcroît en format réduit : notre université d’été et le colloque organisé en Sorbonne, en partie à distance, avec les doyens des composantes de santé.   

Un nouveau bureau pour la CPU, ce jeudi

Manuel Tunon de Lara, président de l’Université de Bordeaux, Virginie Dupont, présidente de l’Université Bretagne-Sud, et Guillaume Gellé, président de l’Urca, sont candidats à la présidence pour le premier et à la vice-présidence de la CPU pour les deux autres.

L’élection est prévue jeudi 16 décembre. Ce « ticket » est le seul à se positionner et succédera donc au bureau actuellement composé de Gilles Roussel, président, et Olivier Laboux, vice-président, et qui comptait Christine Gangloff-Ziegler, présidente de l’UHA, depuis nommée rectrice.

Que change la situation actuelle dans les modes de travail et dans le management ? 

Nous sommes rodés, mais il faut interroger ce rodage même

Sur le plan du fonctionnement interne, notamment pour une petite structure comme la CPU, cette période est un test pour l’encadrement. Il y a eu une courte phase de retour sur site, mais le fonctionnement distanciel est resté la norme. Nous avons pris des habitudes, nous sommes rodés, mais il faut interroger ce rodage même.

La vie et le travail des personnels se sont organisés différemment, mais il faut envisager les éventuels risques et fragilités nés de cette nouvelle forme d’habitude.  

« Des acquis réels »

Et s’agissant du travail avec les présidents et présidentes dans les universités ?

Sur le plan du lien aux équipes présidentielles des établissements, nous avions, dès mars, installé un rythme accéléré de plénières, plus courtes, plus fréquentes, toutes les semaines, puis tous les 15 jours. Cela correspondait à un besoin réel de la communauté au tout début de la crise.

Ce besoin est moindre aujourd’hui, et ce rythme ne peut être maintenu sur le long terme, car les présidents sont surchargés et ne peuvent pas consacrer autant de temps qu’ils le souhaiteraient à la vie collégiale. Nous avons donc ralenti le rythme des plénières pour revenir à un rythme proche de l’avant-crise.

En revanche, d’autres réunions régulières s’organisent, autour des questions sanitaires et des enjeux nouveaux que la crise révèle par exemple. 

Une période compliquée donc, mais voyez-vous des raisons d’espérer, des acquis, malgré tout ? 

Il y a des acquis techniques réels. Avant le confinement, la visio n’était pas la norme des échanges entre les présidents. Aujourd’hui, pour toute une partie des réunions, c’est désormais le cas. Pour les membres de la CP2U (le conseil d’administration de la CPU), qui se réunissent chaque semaine et sont partout sur le territoire et en outre-mer, c’est un gain de temps et d’efficacité, et un fonctionnement sans doute plus homogène et équilibré que dans les modes hybrides antérieurs.

Une plus grande souplesse dans la gestion des agendas

À terme, les présidents n’étant plus obligés de venir systématiquement à Paris, ce nouveau mode de fonctionnement permet une plus grande souplesse dans la gestion des agendas, et davantage d’interactions.   

En revanche, cette organisation peut s’installer aux dépens des relations informelles. Lors des réunions physiques, l’essentiel est souvent dans les échanges impromptus entre des présidents qui partagent des problématiques communes. C’est ce lien, qui est une part importante de ce que peut apporter la CPU à ses membres, et qu’il faut que l’on réinvente, surtout dans un contexte de renouvellement des équipes.