Les directeurs généraux des services, de l’ombre à la lumière ?
Par Théo Haberbusch | Le | Management
Les quelques 120 directeurs généraux des services d’université ou d’établissements publics, d’ordinaire discrets, vivent une séquence qui les place dans l’actualité de ce début d’été 2021. Réunis en colloque à La Rochelle ils ont pu analyser les bouleversements liés à la crise sanitaire, et leur rôle dans sa gestion. Au moment où un rapport de l’inspection générale leur est également consacré.
« Les directeurs et directrices généraux des services (DGS) ont su jouer un rôle prépondérant dans la conduite de cette crise. » C’est un président d’université, Jean-Marc Ogier (La Rochelle Université) qui le dit aux patrons des administrations des établissements publics du supérieur, réunis à La Rochelle pour leur colloque annuel, le 1er juillet 2021.
Les deux jours d’échanges, auxquels Campus Matin assistait, sont l’occasion de rappeler que la crise sanitaire est intervenue, bien souvent, en plein processus d’élection des présidences d’université. Le retard pris dans l’installation des gouvernances et l’urgence liée à la crise se sont additionnés pour mettre le rôle des DGS davantage en exergue.
Si l’administration du Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (Mesri) est parfois égratignée pour sa gestion de la crise, c’est tout de même le sentiment de satisfaction (d’avoir tenu, d’avoir inventé) qui domine au cours du colloque, après plus d’un an à gérer l’urgence sanitaire et ses conséquences.
Le « couple » DGS - président
Dans un monde universitaire encore largement facultaire, la crise a engendré une centralisation des décisions qui a facilité les choses au quotidien pour les DGS - ce qui n’est pas sans poser des questions sur le rôle des instances représentatives.
Le « couple » DGS-président a bien fonctionné, aux dires des participants présents. « Ils ont été les piliers de la gestion de crise », lance Valérie Wadlow (Université de Picardie Jules Verne), lors d’une des tables rondes.Surtout, les DGS « ont changé de rôle, en étant moins dans le contrôle et en devenant des acteurs de la simplification », se réjouit-elle.
Claude Guittard, doyen de la faculté d’éco-gestion de l'Université de Strasbourg invité à livrer son analyse, va dans le même sens et déclenche les rires (un peu crispés) des DGS :
« Tout d’un coup, on avait l’impression que le central bossait pour nous et pas qu’on bossait pour le central. Tout le monde nous écoutait. Aujourd’hui, on a le portable de tout le monde, ce n’était pas le cas avant la crise. On s’appelle, on fait un SMS, et cela fonctionne mieux qu’un rendez-vous que l’on fixait et que l’on déplaçait quatre fois. »
Président de l’association des DGS (l’ADGS), Frédéric Dehan résume l’état d’esprit de ses collègues : « La crise que nous avons vécu aura permis d’expérimenter à grande échelle. Il a fallu inventer, réinventer des modes de fonctionnement, mettre en place une continuité d’activité minimale, faire preuve d’inventivité et d’initiative, qualité essentielle et indissociable, je l’espère, de nos fonctions. »
Un « mal être » objet d’un rapport
Il faut dire que ces fonctions de DGS ont été bouleversées depuis le passage des universités à l’autonomie. Campus Matin vous en parlait déjà en avril, et le sujet a rebondi depuis avec la parution d’un rapport de l’inspection générale (Igésr) qui leur est consacré.
Le point de départ de ce copieux document ? L’identification d’un « mal-être » des DGS des universités relevé en 2019.
Et en effet, la situation décrite permet de comprendre les difficultés de leur positionnement : des exigences techniques et managériales accrues pour répondre aux enjeux d’établissements autonomes, mais un cadre d’exercice flou, largement dépendant du président ou de la présidente qui ne formalisent pas toujours leurs attentes ; un emploi précaire puisqu’il peut être retiré à son titulaire à tout moment, en particulier après une élection à la présidence ; et des champs qui restent à investir comme le pilotage de la recherche ou des composantes…
Un courrier à la ministre pour défendre l’autonomie
Fatigués mais ragaillardis par la bonne tenue des établissements pendant la crise et par la reconnaissance de leur rôle dans le rapport Igésr, les DGS adoptent un ton offensif à l’issue de leurs réflexions rochelaises. Et se fendent d’une « communication » (ils ont failli écrire « motion » mais se sont ravisés) à Frédérique Vidal, leur ministre. Ils y lancent un cri d’alerte :
« Les établissements ont démontré leur capacité à exercer leur autonomie avec responsabilité, agilité et intelligence. Et en même temps, ces derniers mois, nombreux sont les signaux envoyés par le Mesri qui interrogent sur le respect de cette autonomie », écrivent-ils à la ministre de l’Esri, elle-même ancienne présidente d’université.
Gestion RH nationale ou locale ?
Deux sujets liés aux ressources humaines (RH) préoccupent les DGS : la mise en œuvre de la loi de transformation publique et les textes d’application de la loi de programmation pour la recherche (LPR). Ils estiment en effet que les stratégies d’établissements pâtissent des consignes ou décisions nationales.
Plus précisément, les DGS déplorent la manière dont la direction générale des ressources humaines du ministère a conduit les promotions 2021 des personnels ingénieurs techniques et personnels de recherche et de formation. La loi de transformation de la fonction publique de 2019 a rebattu les cartes, en supprimant les compétences des commissions paritaires d’établissements et des commissions administratives nationales en matière de promotions. Mais le nouveau système a été marqué, estiment les DGS, par une grande opacité des décisions prises nationalement, sans suivre les recommandations des établissements.
Les conséquences du protocole sur les carrières et rémunérations, signé en octobre 2020 par le SNPTES, le Sgen-CFDT et l’Unsa avec le Mesri, inquiètent également les DGS. En effet, l’accord prévoit 12 M€ pour améliorer la rémunération des ITRF, en ciblant les emplois d’appui et de soutien à la recherche et les branches d’activités professionnelles (BAP) scientifiques.
Or, dans les universités des efforts ont été faits ces dernières années pour faire converger l’indemnitaire des personnels, quel que soit leur statut. L’ADGS craint donc que ne se recréent des différences entre personnels administratifs de filières différentes et au sein même des filières (entre BAP pour la filière ITRF).