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Du secrétaire général au directeur général des services : retour sur 20 ans d’évolution

Par Catherine Piraud-Rouet | Le | Personnels et statuts

Le passage à l’autonomie des universités a entériné, en 2010, l’évolution de la fonction de secrétaire général à celle de directeur général des services. Que recouvre exactement ce changement de titre ? Trois titulaires de la fonction, issus de trois « générations » différentes se sont confiés à Campus Matin. Retours d’expérience.

Le colloque 2019 de l’association des DGS : les directeurs généraux ont vu leurs missions s’élargir. - © Audrey Steeves
Le colloque 2019 de l’association des DGS : les directeurs généraux ont vu leurs missions s’élargir. - © Audrey Steeves

Avec les Responsabilités et compétences élargies (RCE), issues de la loi Pécresse de 2007, les universités ont fortement étendu leurs missions. Ce qui a été aussi le cas, par ricochet, de celles du « numéro un » administratif des établissements, le secrétaire général (SG). Le décret 2010-175 du 23 février 2010, revu en mars 2017, a redéfini les missions de celui-ci, qui a pris le titre de directeur général des services (DGS).

Principal collaborateur et conseiller direct du président, le DGS est passé progressivement d’une fonction d’administration générale et de gestion à un double rôle, beaucoup plus stratégique, d’assistant à maîtrise d’ouvrage et de maître d’œuvre du projet de développement de l’établissement.

C’est ce glissement que nous racontent nos trois témoins : François Paquis, Cécile Chicoye et Valérie Wadlow (voir leurs parcours en encadré).

Le secrétaire général : un rôle de gestionnaire

François Paquis avec le président de l’Université Clermont Auvergne, Mathias Bernard. - © ESC Clermont
François Paquis avec le président de l’Université Clermont Auvergne, Mathias Bernard. - © ESC Clermont

Les fonctions de l’ancien SG étaient cantonnées à l’administration générale et à la gestion de l’établissement.

« J’étais chargé d’encadrer les services universitaires : je m’occupais de GRH, de finances, des questions de scolarité, se souvient François Paquis, DGS de l’Université Clermont Auvergne. Mais avant le passage à l’autonomie, les périmètres d’action du SG étaient plus limités, la gestion de la masse salariale étant le fait du rectorat. En la matière, mon rôle se cantonnait à la maîtrise des heures complémentaires, dont l’enveloppe était déterminée par l’établissement et à la gestion des contractuels sur ressources propres ».

Le SG était avant tout dans l’expertise, notamment juridique et administrative.

« Il était souvent vu comme la personne qui gérait la carrière des Biatss, point, ajoute Cécile Chicoye, aujourd’hui chargée de mission à l’Association nationale des DGS (ADGS). Beaucoup percevaient son rôle comme gardien de la légalité plus que comme « facilitateur » de la mise en place des projets stratégiques. »

De nombreuses compétences nouvelles attribuées aux universités

En élargissant considérablement l’horizon et les missions des universités, le passage aux RCE a entraîné de nombreux changements, qui se sont répercutés sur les fonctions des nouveaux DGS. « Les budgets ont triplé, assortis de leviers d’actions beaucoup plus nombreux et complexes, que le DGS doit désormais maîtriser », retrace François Paquis.

L’enjeu du budget

Au premier rang de ces missions élargies, figure le pilotage budgétaire. Avec deux volets principaux. D’abord, celui de la totalité de la masse salariale. « En lieu et place de dotations fléchées, l’établissement a désormais entre les mains un budget global, pointe Cécile Chicoye. Il devient de sa responsabilité de donner à la gouvernance les moyens de procéder à des arbitrages. Par exemple : faut-il créer des postes nouveaux ou améliorer la rémunération des agents en place ? »

En plein essor aussi, avec la dévolution de la gestion de leur patrimoine aux universités, les maîtrises d’ouvrage sur de grosses opérations d’investissement immobilier. « On est passé de la simple capacité à équilibrer un budget dans le cadre de la réglementation à une dimension de prospection et d’analyse financière bien plus complexe, avec un important volet gestion des risques et contrôle qualité  », note Valérie Wadlow.

Appels à projets, formation et recherche

L’appui à la recherche, par exemple le soutien dans l’organisation de colloque, et à la pédagogie, sont devenus des priorités. - © MGu NTE
L’appui à la recherche, par exemple le soutien dans l’organisation de colloque, et à la pédagogie, sont devenus des priorités. - © MGu NTE

Le volet gestion administrative de la recherche est lui aussi monté en puissance. « Quand j’étais à Saint-Étienne, deux personnes y suffisaient, évoque François Paquis. Même chose à mon arrivée à Paris Descartes. Mais quand j’en suis parti, sept ans après, le service comptait une vingtaine de collaborateurs. Aujourd’hui, à l’Université Clermont Auvergne, pas moins de 40 personnes sont dévolues au service. »

Les enjeux de formation (notamment l’innovation pédagogique) et de recherche sont de plus en plus stratégiques. Avec des financements de plus en plus par appels à projets, en matière de recherche (ERC, ANR…) comme de formation (loi ORE, initiatives d’excellence…).

« Naguère, dans beaucoup d’établissements, les composantes géraient les activités de formation et de recherche sans que le SG ait à intervenir dans les processus, rappelle Cécile Chicoye. Aujourd’hui le DGS a un rôle majeur à y jouer : il peut être force de proposition pour mettre en place un certain nombre de dimensions financières et juridiques qui favorisent l’activité, allant de la création de systèmes d’intéressement ou des cellules “colloques“ pour les chercheurs à celle de dispositifs d’innovation pédagogique. »

L’exigence d’un pilotage plus fin

Le pilotage des systèmes d’information, que ce soit en RH, en finance, en recherche, en formation, devient un enjeu majeur. Autre processus qui va croissant : les regroupements et fusions, assortis de la mise en place d’établissements expérimentaux.

De manière globale, cet essor de la dimension « pilotage », conjugué avec celui de l’évaluation des politiques publiques, est allé de pair avec la production sans cesse accrue d’indicateurs et de tableaux de bord.

« Alors qu’avant les RCE, le SG produisait avant tout des statistiques, simples photographies d’une situation donnée, aujourd’hui le DGS s’inscrit dans une dynamique temporelle, caractérisée par la notion de projection », souligne Valérie Wadlow.

Trois générations de DGS : la bio express de nos témoins

François Paquis, DGS à l’Université Clermont Auvergne depuis février 2018, après avoir occupé ces fonctions de 2006 à 2013 à Paris Descartes, et anciennement secrétaire général à l’université Jean Monet de Saint-Etienne en 1997, puis à Blaise Pascal, à Clermont-Ferrand (1999-2006).

Cécile Chicoye, ancienne DGS de l’Université Toulouse Capitole de 2010 à 2016, à la retraite depuis septembre 2020 et aujourd’hui chargée de mission à l’ADGS.

Valérie Wadlow, DGS à l’Université de Picardie depuis juin 2017 (après en avoir été DGA de 2015 à 2017).

Un rôle stratégique de courroie de transmission entre le terrain et la gouvernance

Cécile Chicoye est désormais chargée de mission pour l’association des DGS - © D.R.
Cécile Chicoye est désormais chargée de mission pour l’association des DGS - © D.R.

Bien plus que l’ancien SG, le DGS est censé participer à la conception et la mise en place de la stratégie de l’établissement.

« Il est la personne qui - avec l’ensemble des services de l’établissement - va donner à la gouvernance les informations et les outils pour se livrer à des choix éclairés : c’est une courroie de transmission ascendante et descendante », souligne Cécile Chicoye

Son rôle est plus transversal, plus global, que celui de son prédécesseur. « Je suis chargée de mettre en cohérence les différentes actions menées, en questionnant leurs points forts et leurs points faibles. Objectif : m’assurer que toutes soient reliées à la stratégie de la gouvernance », témoigne Valérie Wadlow. Et comme on ne peut pas être expert en tout, le DGS doit s’appuyer sur ses soutiens de terrain (adjoints, services d’aide au pilotage, contrôle de gestion…).

En bref, la fonction est éminemment stratégique, voire politique. « Étant nommés, nous ne tirons notre légitimité que de la confiance que le président veut bien nous accorder », relève-t-elle. Le poste est d’ailleurs à géométrie variable en fonction des stratégies d’établissement. Et ce, aujourd’hui comme hier. « À Saint- Étienne, c’était mon profil financier qui intéressait le président ; à Descartes, il attendait de moi que je crée une administration de la recherche digne de ce nom ; à l’UCA, que j’aie quelques idées sur la structuration de l’administration centrale après la fusion  », se souvient François Paquis.

Même profil « à la carte » pour Cécile Chicoye. « C’est ma connaissance des enjeux immobiliers d’aménagement qui m’a valu mon embauche à Toulouse Capitole, l’université étant à l’époque en cours de processus de dévolution de son patrimoine », évoque-t-elle.

Des profils de plus en plus qualifiés et transversaux

Valérie Wadlow est DGS de l’Université de Picardie depuis 2017 - © D.R.
Valérie Wadlow est DGS de l’Université de Picardie depuis 2017 - © D.R.

La prime aux compétences transversales entraîne une diversification des profils. « Pour ma part, je suis conservatrice des bibliothèques à l’origine : une formation très globale, complétée par une expérience en tant qu’élue locale membre d’exécutifs », souligne Valérie Wadlow.

François Paquis ajoute : « Quand j’étais SG à Saint-Étienne en 1998, 80 à 90 % de mes confrères étaient d’anciens conseillers administratifs, aux profils très généraux. Aujourd’hui, j’ai beaucoup de collègues issus de la haute fonction publique territoriale ou hospitalière ».

L’autonomie a tiré vers le haut l’ensemble de l’encadrement de l’ESR, et les DGS n’y font pas exception. « Même si la revalorisation de la rémunération a avant tout été le fait d’un système de primes plus avantageux, institué par décret en 2014  », tempère Cécile Chicoye.

Par-delà la diversité des compétences et l’expérience du métier, l’adaptation à ces évolutions nécessite de se former en continu. François Paquis a ainsi suivi une session de formation aux responsabilités et compétences élargies à l’ENA en 2010 et Valérie Wadlow, un module de formation à la fonction de DGS à l’IH2EF (ex-ESEN).

Des mises à jour d’autant plus utiles que la dimension de pilotage devrait continuer à se renforcer dans les années à venir, avec le champ toujours plus large de compétences entrant dans le champ des universités.

Sans oublier les regroupements et fusions, avec un DGS amené à jouer un rôle de chef d’orchestre d’autant plus essentiel que les établissements sont vastes et dispersés.