Le télétravail à l’heure du « confimanagement »
Par Marine Dessaux | Le | Management
Avec la crise sanitaire, le passage au télétravail s’est déroulé dans l’urgence. Si cette nouvelle modalité de travail a d’abord été perçue comme passagère, la durée des restrictions sanitaires a obligé les équipes à repenser leur organisation. Encore aujourd’hui, le « confimanagement » est de rigueur.
Après le premier confinement, si 57 % des personnels Biatss* disent avoir été accompagnés, ils sont 60 % à avoir échangé « moins souvent qu’une fois par jour » avec leur responsable, et plus de 50 % pointent une absence de « règles du jeu », de « cadre ». C’est ce que révélait l’an dernier une étude menée par le média spécialisé News Tank (dont Campus Matin est le site ouvert) et le cabinet Adoc Mètis.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Au cours d’une conférence en ligne le 7 avril dernier, animée par Carine Guillebaud, directrice adjointe du département développement et accompagnement des compétences de l’Agence de mutualisation des universités et établissements (Amue), deux professionnelles ont partagé leurs vécus et conseils pour structurer et mieux vivre le travail à distance.
Après une période d'« attentisme », l’émergence du « confimanagement »
Organisatrice d’une formation ponctuelle sur le télétravail avec l'École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques, Nathalie Clot, directrice de la bibliothèque universitaire d’Angers, a recueilli les témoignages d’une première phase post-premier confinement où l’organisation du travail à distance présentait de nombreuses lacunes.
« Certains n’avaient eu aucun temps collectif ou aucune réunion en équipe entière, constate-t-elle . On m’a dit “tout s’est arrêté”, il y avait peu d’échanges par téléphone et une nostalgie de l’informel. Il y avait une sorte d’attentisme d’un retour à la normale. »
Des réunions et communications régulières font ainsi partie de ce qui a pu être mis en place par certains participants notamment « des échanges un à un sur le vécu du télétravail autour d’une grille simple ». Nathalie Clot met par ailleurs l’accent sur l’importance de « réfléchir sur la façon de travailler ensemble » en organisant des « réunions pour définir les canaux de communication ».
Malgré une optimisation de la gestion du travail collectif, une notion de « confimanagement » émerge et doit être prise en compte, selon la directrice de BU. « Nous ne sommes pas au travail à la maison. On fait ce qu’on peut. La santé physique et émotionnelle est ce qu’il y a de plus important. Par ailleurs, il s’agit de ne pas se juger, et d’être bienveillant envers ceux qui ne gèrent pas aussi bien la période ».
Un cycle de conférences en ligne organisé par l’Amue
Du 6 au 8 avril 2021, l’Amue a organisé un cycle de conférences en ligne, « L’ESR à l’heure des transformations ». C’est à cette occasion que l’atelier virtuel sur le télétravail au sein des universités, notamment dans les BU, s’est déroulé. Retrouvez certains webinaires en replay parmi les actualités de l’Amue (voir publications à partir du 7 avril).
Des solutions à mettre en oeuvre…
Lister les tâches télétravaillables
Les équipes de la bibliothèque universitaire angevine ont fait la liste de leurs activités télétravaillables. Elles sont accompagnées d’une fiche disponible dans le guide « Télétravail et travail en présentiel » disponible sur le site du gouvernement (voir ci-dessous).
« Il s’agit de définir qui a des tâches organisables à distance, qui en a moins. Et puis, en fonction, de définir les quotités en présentiel », explique Nathalie Clot.
Un planning pour la gestion du présentiel
Pour la gestion du présentiel, « nous avons un planning à la semaine et quelques places disponibles en plus quand il y a des absents », rapporte Nathalie Clot. Une organisation qui se fait via un tableau Excel. À l’Amue, c’est via l’outil de gestion des congés qu’il est possible de savoir qui est en télétravail et qui est au bureau.
Des canaux pour les échanges formels et informels
« Notre équipe était déjà sur du multisite, donc nous étions habitués à télétravailler mais le confinement a quand même tout bouleversé, dit Carine Guillebaud. Nous avions un groupe Whatsapp déjà en place pour tout ce qui est informel. Nous avons également instauré un café informel, d’abord une fois par jour puis trois fois par semaine. Cela s’est arrêté avec un retour partiel au présentiel, mais cela manquait : aujourd’hui nous faisons une réunion le lundi matin et le jeudi après-midi. »
Ces temps informels sont l’occasion d’organiser des jeux, des défis ou encore de partager des recettes de cuisine. La directrice adjointe précise par ailleurs que ces temps ne sont jamais obligatoires.
… Et un guide pour accompagner le télétravail
Afin d’accompagner les agents et les managers dans ce renforcement du recours au télétravail, la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP) et la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) ont conçu le guide « Télétravail et travail en présentiel » .
Hélène Boissin-Jonville, directrice de projets à la DITP, rappelle qu’avant le premier confinement « seuls 6 % des agents de la fonction publique étaient préparés au télétravail ».
Alors que le manque de formation est évident et qu’il faut s’interroger sur la forme que prendront leurs recommandations, les créateurs du guide choisissent de s’adresser aux agents et aux managers dans le même temps : « Nous avons adopté le parti pris selon lequel tout le monde doit être acteur de cette nouvelle pratique de travail », dit Hélène Boissin-Jonville.
Elle explique que ce manuel du télétravail s’est formé autour de quatre principes :
- Envisager le travail à distance comme une modalité du travail à part entière : « Rapidement, nous avons eu la volonté de dépasser le mode d’organisation purement RH, pour considérer le travail à distance comme un mode de production à part entière », précise la directrice de projets.
- Partir de l’expérience des agents et des besoins exprimés pour construire cette nouvelle façon de fonctionner.
- Parler à tous, aux managers comme agents mais aussi au collectif, et responsabiliser chacun : « Le collectif a été bousculé dans son ensemble, nous avons tout intérêt à ce que les règles soient co-construites pour être les plus acceptées possibles et les plus pragmatiques », ajoute Hélène Boissin-Jonville.
- Donner des pistes d’actions concrètes pour faciliter une organisation du travail en mode mixte : « Le but est d’accompagner, de donner de premières pistes de réflexion ».
Des fiches en accompagnement
Découpé en deux volets, le guide « Télétravail et travail en présentiel » dédie sa deuxième partie à une série de fiches pratiques afin d’accompagner concrètement la mise en place du télétravail.
Au total, douze fiches pratiques proposent de définir les règles, réfléchir sur les outils à sélectionner pour mieux communiquer mais aussi assurer le bien être de chacun, mettre en place le management par objectifs…
*Bibliothèques, ingénieurs, administratifs, techniciens, sociaux et de santé