La crise a bouleversé le quotidien de ces « personnels de l’ombre »
Par Marine Dessaux | Le | Personnels et statuts
Anne Le Saout, Ali Boukou et Jérémie Schneider, tous à leur niveau, sont indispensables au bon fonctionnement de l’Université Grenoble Alpes. Cependant, leur rôle est souvent mal connu, du grand public, voire de leurs collègues.
Campus Matin les a rencontrés. L’occasion de mettre en lumière ces personnels de l’ombre.
Les journées de Jérémie Schneider, à la gestion de parc audiovisuel du service système d’information (SI), d’Anne Le Saout, à l’assistance informatique, usages et communication, et d’Ali Boukou, magasinier en bibliothèque universitaire, sont radicalement différentes.
Et pourtant, ces personnels qui travaillent dans l’ombre se rejoignent sur un point : leur métier a évolué depuis le premier confinement et plus encore avec une rentrée bouleversée.
« Il n’y a pas de journée type ! » : Jérémie Schneider, responsable de l’équipe gestion de parc audiovisuel
C’est en face de son bureau, littéralement la porte à côté, que Jérémie Schneider accueille Campus Matin pour parler de son travail. Le responsable de l’équipe gestion de parc audiovisuel évolue, avec son équipe de quatre personnes, dans les coulisses du grandiose amphithéâtre Weil.
Avec une capacité d’accueil de près de 900 personnes en temps normal (et donc la moitié actuellement en raison des mesures sanitaires), cet amphithéâtre est le lieu privilégié où se tiennent les conférences de rentrée, les cérémonies de remises de diplôme ainsi que toutes les conférences d’exception.
Mission première de maintenance et assistance
La gestion de parc audiovisuel est l’un des quatre pôles du service système d’information. Ses missions sont diverses : dépannage de vidéoprojecteurs, suivi de chantier, conseils. Jérémie Schneider et son équipe sont amenés à participer à la sélection et l’installation des nouveaux outils audiovisuels et à faire de l’assistance (lorsqu’un enseignant a un problème pour afficher un PowerPoint par exemple), même si cette mission en particulier est aujourd’hui principalement confiée à des étudiants employés par l’université.
« Cette partie de notre travail nécessite un savoir-faire, mais aussi un certain savoir-être : il faut faire preuve de calme et d’empathie quand un prof est stressé, face à une salle pleine », souligne Jérémie Schneider.
Depuis la crise Covid, l’essor de la captation vidéo et visioconférence
D’autres missions ont pris de l’ampleur depuis la crise sanitaire : la captation vidéo, qui vise à produire du compte-rendu de conférences (mais pas de cours ni de sujets de vulgarisation scientifique : cela relève du service pédagogique).
Par ailleurs, les systèmes de visioconférence fixes étaient bien utilisés avant le confinement, mais à cause de celui-ci la webconférence a pris le dessus. L’équipe a donc dû s’adapter à de nouveaux outils qui ont servi et servent encore…
« Le développement de ces usages est intéressant, car cela pose de vraies questions : sur le vote électronique, le respect du RGPD, etc. Dans le cadre des comités de sélection au printemps, l’enjeu d’égalité de traitement était crucial : la qualité de l’échange ne pouvait pas être médiocre, la connexion ne devait pas poser problème », indique Jérémie Schneider.
Le service gère également l’affichage dynamique dans les halls. « Il n’y a pas de journée type ! C’est un métier au champ large et c’est cette diversité de missions qui en fait l’attrait, au-delà de l’aspect répétitif de certaines tâches ».
Son parcours
Ancien JRI et, pendant sept ans, technicien audiovisuel à Science Po Grenoble, Jérémie Schneider rejoint l’UGA en 2018 avant d’être promu à la direction de l’équipe il y a un an.
Monter en compétence dans domaine spécifique
Si les activités qui font le cœur du métier de Jérémie Schneider peuvent être effectuées par toute l’équipe, à chacun sa spécialisation.
« Dans son domaine, chaque personne peut évoluer, monter en compétences. Cela rend le travail plus intéressant », dit le responsable du pôle.
Évolution des outils et pratiques : vers une utilisation plus souple
« La Covid a redistribué les cartes : avant le matériel était ‘en dur’, aujourd’hui les gens se sont approprié leurs outils », raconte Jérémie Schneider. La visioconférence en est un très bon exemple : avant elle s’effectuait avec un codec, qui était toujours dans une salle donnée, aujourd’hui « l’équivalent c’est d’installer une super webcam ».
« L’utilisateur est autonome, il continue à utiliser son ordinateur. Il faut que ce soit efficace, rapide à utiliser. Le maître-mot, c’est la simplicité ».
Mais comment sélectionner les outils ? « Dans une université, le processus pour acquérir un nouvel outil réclame du temps, cependant grâce à nos prestataires qui font une veille technologique poussée, et ont les retours d’expérience enseignement, on a un coup d’avance ».
Le confinement : « un moment pour reprendre son souffle »
Preuve de la diversité du service système d’information, la totalité de ses pôles n’a pas vécu le confinement de la même manière. À la maintenance de parc audiovisuel, Jérémie Schneider parle d’un « moment pour reprendre son souffle » … et se préparer à la suite ! Le service a néanmoins connu un pic d’activité lors de la tenue des comités de sélection.
« Nous avons profité de cette période pour faire de la formation, tester des outils et nous assurer que les équipes se les approprient. Nous avons également fait de l’accompagnement, mais cette fois à distance ».
C’est au début du déconfinement, alors que les campus sont restés vides (les cours n’ont repris qu’en septembre) que l’équipe s’est particulièrement activée pour faire de la maintenance, suivre les chantiers et les rénovations. Un travail qui est fait tous les étés, dès lors que les étudiants cessent de fréquenter le site.
Une chose est certaine : selon le mode d’enseignement, cette partie du service SI fonctionne différemment. « On ne travaille pas de la même façon en mode crise », souligne Jérémie Schneider, « il y a une mutation dans la façon dont on travaille ».
« Pour le reconfinement, on est prêt » : Anne Le Saout, responsable d’équipe assistance informatique
C’est au service d’assistance informatique, usages et communication (AUC) que nous nous rendons ensuite pour rencontrer Anne Le Saout, responsable d’une équipe de 13 personnes. Si ce service est primordial pour tout utilisateur du numérique, du parfait débutant au débrouillard qui ne trouve pas les clés dont il aurait besoin, son fonctionnement reste mal connu du grand public.
Le service d’assistance informatique, usages et communication
La mission de ce pôle de la Direction générale déléguée au système d’information : accompagner tous ceux qui utilisent les services numériques et informatiques dans le cadre universitaire. Et cela s’adresse aussi bien aux étudiants qu’aux personnels de l’UGA. 7 « hotliners » assurent cette tâche pour les 6700 personnels et 20 moniteurs en contrat étudiant, présents physiquement sur cinq sites, notamment en BU, pour accompagner leurs 55 000 camarades.
Plus de 200 applications pilotées par le SI
La limite de son champ d’action : « Tout ce qui n’est pas proposé par l’UGA, on n’y va pas. S’il y a une question d’un usage sur Excel par exemple, si on a la réponse nous allons la fournir, mais nous n’approfondirons pas. Il y a déjà plus de 200 applications pilotées par le SI ! », précise Anne Le Saout.
« Nous participons au développement de certaines applications, sommes bêta-testeurs de divers outils et venons également en assistance aux usagers sur des applications métiers », affirme la responsable de service.
Sorte de service après-vente de l’environnement numérique de travail, l’assistance informatique doit faire preuve d’une grande flexibilité et connaissance des outils numériques de l’université.
« Il faut avoir une vision utilisateur, saisir le niveau de l’interlocuteur pour poser les bonnes questions et l’accompagner dans la résolution du problème », témoigne-t-elle. « Parfois, il faut prendre du recul, poser des questions de base : est-ce que l’ordinateur est bien branché ? Est-ce que la connexion internet fonctionne ? ».
Un catalogue des services numériques et un chatbot
Pour répondre aux questions les plus fréquentes, comme la grande classique « Comment récupérer mes identifiants ? », mais aussi proposer des outils ludiques pour en savoir plus sur les services numériques et informatiques (serious game, cahier de vacances, etc.), les collègues du service AUC délégués aux usages et à la communication ont créé un Catalogue des services numériques (Cdsn) pour les personnels et étudiants. Il est ouvert sur le web, sans authentification nécessaire. « On relève plus de 4000 connexions mensuelles sur le Cdsn personnel et 20 000 côté étudiants », affirme Anne Le Saout.
« Collecter les écueils et y répondre sur le Cdsn, mais aussi, à terme, via un chatbot, c’est faire gagner les utilisateurs en autonomie et l’équipe en temps. Ce qui lui permettra de se concentrer sur la formation, creuser les questions auxquelles elle n’a pas su répondre et d’autres tâches au long cours », ajoute-t-elle.
L’occasion également pour chacun des membres de l’équipe de « devenir référent sur des compétences précises ».
Pendant le confinement, l’explosion des demandes
« Dès qu’il y a quelque chose de disponible pour les usagers de l’UGA, on doit être au fait. Pendant le confinement, la charge de travail en formation a été multipliée. Pour être plus efficaces, différents binômes travaillaient sur les nouveaux outils puis les présentaient aux autres collègues par visioconférence »
Les services ont en effet explosé pendant le confinement : alors que l’équipe reçoit en moyenne 22 000 demandes par an pour le personnel, 5 000 ont été envoyées sur la seule période du confinement !
« À la hotline, le temps de communication moyen habituel est de 8 minutes pour un appel. On est monté à 23 minutes en moyenne en cette période troublée », dit Anne Le Saout qui indique que cette situation « a amené beaucoup d’utilisateurs à être plus curieux, à se poser de nouvelles questions sur leurs usages numériques ».
Un des gros chantiers de la DSI a néanmoins été la mise en place de serveurs pour permettre aux personnels d’accéder aux applications métiers disponibles habituellement sur leur poste en présentiel. Ce qui revient à ouvrir sa session, comme au bureau, mais à distance.
Une période de dur labeur qui a valu la reconnaissance des utilisateurs : « Lors d’une enquête, les retours sur le service de la DSI ont été très positifs », confirme Anne Le Saout.
Une rentrée sur les chapeaux de roues
Aujourd’hui, le service a repris majoritairement en présentiel avec des personnes en télétravail permanent et d’autres qui alternent présentiel et télétravail.
« La rentrée c’est toujours sportif, il ne faut pas laisser les usagers en difficulté. À toutes les demandes habituelles s’ajoutent celles qui sont dues au contexte d’hybridation », rapporte Anne Le Saout.
À propos du reconfinement, « on est prêt », affirme-t-elle quand nous la rencontrons (avant sa mise en place officialisée ensuite par le gouvernement), « nous avons l’expérience, les usagers sont équipés et les outils sont en place ».
En revanche, avec l’achat de tous ces nouveaux équipements, « on a explosé le budget », explique la responsable d’équipe.
Son parcours
Après une formation en Staps, en 2001, Anne Le Saout a d’abord été éducatrice spécialisée avant de devenir gestionnaire de scolarité, en 2005, puis de laboratoire de recherche. Toujours dans un contexte éducatif mais dans un domaine radicalement différent, elle postule en 2010 à l’assistance informatique, dont elle est aujourd’hui à la tête depuis 2015. Son argument face aux recruteurs ?
« Pourquoi moi ? Parce que je n’y connais rien en informatique. En montant en compétences, je pourrais combler le fossé qui existe entre les utilisateurs et les équipes techniques » !
« Ce qui nous motive, c’est de voir les gens » : Ali Boukou, magasinier
À la bibliothèque universitaire (BU) de droit et de lettre, dans des murs fraîchement repeints, nous retrouvons Ali Boukou. Dès le premier contact, la passion de celui qui n’a pour ainsi dire presque jamais quitté l’UGA depuis ses études se fait sentir.
En effet, travailler au sein de l’université, Ali Boukou le voulait fermement. Après un BTS industrie graphique obtenu en 1994, il commence en 1998 à passer les concours de la fonction publique. Il les tente sept fois, à différents postes, en catégorie A, B et C. Contractuel en BU dès 2003, il devient fonctionnaire au poste de magasinier en 2005 et passe 18 mois à Lyon avant de revenir à Grenoble.
Depuis sa prise de fonctions, son travail n’a cessé d’évoluer. Aujourd’hui, il s’occupe aussi bien de réceptionner, étiqueter et ranger les livres que de répondre aux besoins des étudiants en salle et de faire des permanences à l’accueil. Une réalité de métier qui n’est pas englobée par le terme de ‘magasinier’, puisqu’Ali Boukou ne travaille que très peu dans le magasin, cet endroit où sont stockés les livres obsolètes.
« On se bat pour faire changer ce nom. Je préfère celui d’agent de bibliothèque qui est plus large et correspond plus à la réalité du métier », expose-t-il.
Évolution de missions… mais pas de statut
« Avant les choses étaient bien plus compartimentées, aujourd’hui, il y a un traitement intellectuel dans le catalogage des livres par exemple, de l’encadrement de TD, de la gestion des salles de travail… Ce qui nous permet de sortir de la routine », se réjouit Ali Boukou.
« De manière générale la catégorie C se rapproche de la catégorie B, la seule chose qui ne va pas dans ce sens, c’est la rémunération ».
À chacun sa spécialisation
L’agent de BU a également des missions spécifiques, notamment celle de suivre les emprunts. « C’est un travail qui prend du temps », explique-t-il. « Il faut retrouver les étudiants qui n’ont pas rendu leur livre à la fin de leur cursus, les joindre, les relancer. C’est aussi du contact ».
Ainsi, chacun des 20 magasiniers de la direction générale déléguée « bibliothèques et appui à la science ouverte » se spécialise. « Ce qui nous motive, c’est de voir les gens et de pouvoir monter en compétences dans un domaine particulier », résume Ali Boukou.
Un métier de l’ombre, mais pas moins de passion donc, et dont Ali Boukou nous parle plus largement dans la vidéo ci-dessous.