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Au ministère, une «  cellule classements  » pour mieux les interpréter

Par Marine Dessaux | Le | Stratégies

Analyser le territoire à la lumière de l’ESR et le caractériser en relevant les signatures scientifiques qui se dégagent des classements internationaux, tels sont les défis d’Aude Lefèvre, chargée de mission au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pour Campus Matin, elle présente ses missions au sein d’un poste qui illustre l’importance stratégique de ces sujets.

Le MESR analyse en détail cinq classements : Shanghai et son pendant thématique, Leiden, QS, THE - © Google Map
Le MESR analyse en détail cinq classements : Shanghai et son pendant thématique, Leiden, QS, THE - © Google Map

Diplômée de l’école d’ingénieurs UniLaSalle en 2020 et après une première expérience en tant que chargée de mission d’appui à la direction générale du Groupe, Aude Lefèvre devient chargée de mission analyses territoriales et classements internationaux, en juillet 2021, au sein du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR).

Une mission qui l’amène à assurer le suivi des classements internationaux et à élaborer des diagnostics territoriaux offrant un éclairage sur l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation en région et dans les territoires ultra-marins.

Quel est le rôle du département au sein duquel vous travaillez au ministère ?

Aude Lefèvre : Cela fait deux ans que j’évolue en tant que chargée de mission au sein du département des investissements d’avenir et de l’analyse territoriale, composé d’une dizaine de personnes.

Aude Lefèvre est chargée de mission analyses territoriales et classements internationaux au MESR. - © MESR
Aude Lefèvre est chargée de mission analyses territoriales et classements internationaux au MESR. - © MESR

Mes missions sont très variées et s’articulent autour des trois compétences que porte notre département. L’analyse territoriale, constitue notre mission historique et consiste en l’élaboration de diagnostics territoriaux selon un périmètre régional et ultramarin (Strater et Stratom).

Afin de nourrir ces analyses et affiner notre connaissance du territoire, l’équipe assure depuis quelques années deux missions complémentaires : la coordination et le suivi du programme d’investissement France 2030 pour le compte du MESR (ex-programmes investissement d’avenir) et l’analyse des classements internationaux.

Notre objectif est de traiter et valoriser des données issues de plus d’une quarantaine de sources : open data du service systèmes d’information et d’études statistiques (SIES), direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (Dgesip), direction générale de la recherche et de l’innovation pour caractériser finement les potentiels à l’échelle d’une région (Dgri), Insee, Eurostat, Erasmus+, Agence nationale pour la recherche, Observatoire des sciences et techniques du Hcéres…

Notre équipe s’appuie sur des profils très complémentaires chacun expert de leurs territoires. Pour ma part, je suis particulièrement mobilisée sur l’Occitanie, le Grand Est et la Bourgogne-Franche-Comté.

L’autre facette de vos missions, ce sont les classements internationaux …

Fournir une analyse rapide dès leur parution

Si les classements connaissent un écho important au sein de la communauté universitaire, l’enjeu pour le MESR est de garantir leur juste interprétation.

Je m’attache donc à produire des notes et à proposer des communiqués de presse donnant les clés de lecture nécessaires à la bonne interprétation des différents palmarès. La formalisation d’une cellule classements internationaux au sein du MESR permet aujourd’hui d’être en mesure de fournir une analyse rapide dès leur parution.

Un travail qui s’effectue en lien avec la mission expertise-conseil, la délégation à la communication et le cabinet ministériel.

Pour un établissement, être classé dans Shanghai ne signifie pas la même chose que d’apparaitre dans le palmarès de QS, THE ou encore celui de Leiden. Chaque palmarès est construit selon une méthode, des critères d’évaluation et des indicateurs bien précis qui impactent de manière significative la position des établissements au sein de ces classements.

Sur quels classements travaillez-vous plus précisément ?

Je mène ce travail d’analyse spécifique pour quatre principaux classements -complémentaires dans leur approche méthodologique : le classement général de Shanghai (ARWU - Academic ranking of world universities), celui du CWTS Leiden (Centre for science and technology studies de l’Université de Leiden), le classement général de QS (Quacquarelli Symonds) et le THE Ranking (du magazine Times Higher Education).

Valoriser les spécificités territoriales

À ceux-là s’ajoute le classement thématique de Shanghai (le Global ranking of academic subject) qui évalue les activités de recherches des établissements à la lumière de 54 disciplines scientifiques. Ce prisme thématique est très intéressant pour notre département car il permet de valoriser les spécificités territoriales des régions étudiées.

Si les classements généraux ne classent qu’une trentaine de pôles d’excellence en France, les classements thématiques dont celui produit par Shanghai permettent de valoriser un nombre beaucoup plus important d’établissements en reconnaissant leur spécialisation scientifique. Il permet ainsi à un établissement de plus petite taille d’apparaître à un très bon niveau. En 2022, le thématique de Shanghai classait 85 établissements français.

Cette mission classement appelle de manière ponctuelle à répondre aux sollicitations de la part des établissements sur leur politique de signature commune, des assesseurs de classement sur la compréhension de la structuration de l’écosystème ESR français ou des opérateurs de données bibliométriques. Une partie de mon temps est également dédié à la vulgarisation de cette expertise en interne et auprès d’homologues externes (Campus France, autres ministères…).

Qu’envisagez-vous de faire évoluer dans vos analyses ou dans les outils proposés ?

Dans le cadre des analyses territoriales, notre premier défi a été de passer d’une approche « diagnostic » très factuelle à une approche analytique. Enrichies d’une note d’enjeux, d’une matrice « forces, faiblesses, opportunités, menaces » et d’autres analyses plus qualitatives, elles caractérisent désormais le territoire dans une optique constructive pour faciliter et accompagner les choix des décideurs à tous niveaux.

Une analyse plus fine du territoire

Le deuxième défi sur lequel nous travaillons actuellement est de proposer une analyse plus fine du territoire en passant de l’échelle régionale à l’échelle des regroupements d’établissements. Cette évolution s’inscrit dans le cadre du déploiement de l’ordonnance du 12 décembre 2018, relative à l’expérimentation de nouvelles formes de rapprochement, de regroupement ou de fusion des établissements d’enseignement supérieur et de recherche), qui enregistre désormais une certaine stabilité.

L’idée est de voir comment cela structure et transforme le territoire en termes d’offre de formation, de coopération et de signature scientifique, d’ancrage au sein des branches professionnelles, etc.

Le Strater regroupements sera publié début 2024. L’analyse portera sur les 35 regroupements d’établissements ainsi que sur les territoires d’outre-mer répartis en six sites. Par exemple, seront disponibles pour la région Grand Est, les diagnostics des sites alsacien, lorrain et champenois.

Une version numérique de ces diagnostics Strater et Stratom

Un troisième défi pour notre département consiste à proposer une version numérique de ces diagnostics Strater et Stratom actuellement disponibles uniquement sous format PDF sur le site du MESR.

Cette plateforme aurait pour vocation de devenir la vitrine des diagnostics Strater/Stratom. Elle complètera leur offre de service en mettant à la disposition des acteurs, des informations et des données mises à jour continuellement, en facilitant les comparaisons entre territoires (outils de data visualisation) et en proposant des recherches par mots clefs pour un accès rapide aux informations souhaitées.