L’ESR (enfin) en mode simplification administrative ?
Par Marine Dessaux | Le | Stratégies
Plus besoin de justificatif pour les repas en mission, finis les frais pour déposer un dossier social étudiant, une IA souveraine pour le service public… Résumé des premières annonces du Premier ministre Gabriel Attal en matière de simplification de l’administration.
« Diminuer les délais, réduire la paperasse, diminuer le nombre de contrôles, mais aussi développer la culture de service en se mettant du côté de l’usager » : voici l’objectif, fixé par Matignon à chaque ministère en matière de simplification pour la période 2025-2027.
Les administrations doivent identifier dix mesures prioritaires. Mais le 23 avril, lors du 8e comité interministériel de la transformation publique, le Premier ministre Gabriel Attal a déjà annoncé une première série d’actions pour lutter contre le millefeuille administratif. Une simplification initialement évoquée par le président de la République Emmanuel Macron lors d’une conférence de presse le 16 janvier, dans un contexte de mobilisation des agriculteurs.
Des mesures contre le non-recours aux droits sociaux…
Au niveau scolaire, pour lutter contre le non-recours aux droits sociaux, les données fiscales seront utilisées par l’administration pour proposer directement une bourse aux 1,5 million de familles qui y ont droit, sans aucune démarche de leur part. Et ce, dès septembre 2024.
Dans cette même optique, mais cette fois dans le supérieur, les frais de dossier Crous pour déposer un dossier social étudiant seront supprimés au printemps 2024.
« Percevoir ces frais demandait toute une organisation administrative, notamment sur les modes de paiement qui peuvent être compliqués à mettre en place. Cette mesure permettra un gain de temps pour les équipes du Crous », estime Christophe Bonnet, secrétaire fédéral du syndicat Sgen-CFDT.
L’idée ne sort pas de nulle part puisqu’elle a déjà été évoquée dans le cadre de la réforme des bourses, dont le second volet figure sur la feuille de route de la ministre de l’ESR, Sylvie Retailleau. « Nous espérions voir ces mesures dans un plan plus large d’aide sociale aux étudiants. J’ai peur qu’il n’arrive jamais », réagit Christophe Bonnet. La refonte du dossier social de demande de bourses et d’aides étudiantes est en tout cas inscrite dans les objectifs 2025 de simplification.
… et de simplification RH
De leur côté, les chercheurs n’auront plus à recenser les justificatifs pour leurs frais de repas en mission. « C’est trois millions de justificatifs supprimés chaque année », indique Gabriel Attal. Pour Christophe Bonnet, ce changement ne révolutionnera pas leur quotidien : « C’est une quinzaine de minutes économisées par déplacement ». Sont également évoqués :
- Le lancement du dispositif « France simplification », « pour résoudre les situations administratives les plus complexes qui remonteront du terrain ».
- Dix mesures de déconcentration RH mises en œuvre de façon progressive, dont la généralisation de la publication des emplois vacants sur la plateforme « Choisir le service public » ;
- L’adaptation et l’extension dans l’ESR du programme Services publics+, dédié à la transformation et l’amélioration de la qualité et de l’efficacité des services publics, notamment dans les universités de La Rochelle et Lille.
Albert, une IA souveraine pour les agents publics, dont les enseignants
Le Premier ministre souhaite développer le recours à l’intelligence artificielle (IA) dans les services publics, et annonce le lancement d’une « IA souveraine, française », qui permet à l’administration de protéger les données issues des échanges avec les agents.
Dénommée Albert, elle a été créée à partir de modèles pré-entrainés open source, dont Llama 2 de Meta et le français Mistral. Un projet porté par la direction interministérielle du numérique et plus particulièrement Ulrich Tan, chef du programme de collaboration entre experts de la donnée de l’État, Datalab.
Cette IA recouvre un ensemble de services, dont « Aristote » qui « proposera à partir de supports d’enseignement des quiz et des évaluations adaptées au niveau des étudiants pour les aider dans leurs révisions et améliorer le taux de réussite en licence », rapporte Matignon. Lancée fin 2023 par les équipes de CentraleSupélec, cette solution sera déployée à la rentrée.
Christophe Bonnet, qui est également responsable de l’équipe systèmes et réseaux de l’Université Sorbonne Nouvelle, est méfiant sur certains usages. « Se servir de l’IA comme interface utilisateur fonctionne généralement très mal », observe-t-il.
Un programme d’excellence administrative étendu dans chaque ministère
Un programme d’excellence administrative sera mis en place dans trois administrations au second semestre 2024, en s’appuyant sur des services locaux volontaires, puis dans un service pilote par ministère d’ici fin 2025.
Les agents du ministère seront formés afin d’essaimer et de pérenniser les pratiques. Une école de l’excellence administrative formera 200 agents d’ici l’été 2025.
Un programme de formation à l’efficacité opérationnelle sera développé à titre expérimental pour la rentrée 2025 puis étendu pour proposer aux agents des instituts régionaux d’administration de se former à ces techniques.
Enfin, un outil d’auto-évaluation de la complexité administrative sera mis à la disposition des ministères par la direction interministérielle de la transformation publique et une communauté de l’excellence administrative et un comité d’orientation seront créés pour développer, enrichir la méthode et suivre les résultats d’ici fin 2024.
Former tous les agents publics au numérique d’ici fin 2026
Autre objectif pour la fonction publique d’État : former tous les agents au numérique d’ici fin 2026. Pour cela un socle de compétences commun sera défini et un « dispositif mutualisé d’évaluation et de formation » sera créé. Dès 2024, l’évaluation via PIX sera déployée auprès de 100000 agents issus de sept ministères.
Le Campus du numérique public, lancé le 9 janvier 2024 et qui compte 44 parcours de formation, sera également un outil « pour répondre à ces enjeux, mais aussi pour engager tous les agents publics dans la transformation numérique ».
Pour le syndicaliste Christophe Bonnet : « Il faudra voir si ces annonces de formations sont synonymes de réels efforts : quels seront les moyens et le périmètre engagés ? Tous les services sont dans le rouge quasiment en permanence, prendre du temps pour se former est très compliqué… Pour la formation continue, il faut dégager du temps de service et non pas proposer un contenu à suivre en ligne à faire sur son temps libre. »