Vie des campus

Réforme des retraites : sur les campus la mobilisation n’atteint pas la moyenne

Par Isabelle Cormaty | Le | Stratégies

Après une sixième journée de mobilisation contre la réforme des retraites très suivie à l’échelle nationale, Campus Matin dresse le bilan de la mobilisation de l’enseignement supérieur et de la recherche. Encouragés par un député insoumis, plusieurs campus ont été bloqués le 7 mars. La plupart des établissements ont depuis repris leurs activités normalement alors que de nouvelles journées de grève sont programmées.

Une sixième journée de mobilisation contre la réforme des retraites a eu lieu le 7 mars. - © MB
Une sixième journée de mobilisation contre la réforme des retraites a eu lieu le 7 mars. - © MB

Quelle sera l’issue de la contestation contre le projet de réforme des retraites présenté par le Gouvernement début janvier ? Le 7 mars dernier pour la sixième journée de grève depuis le début de l’année, le ministère de l’intérieur et les syndicats ont enregistré une mobilisation record, avec respectivement 1,28 million et 3,5 millions de manifestants dans les rues partout en France. Pendant ce temps, le Sénat poursuit jusqu’au 12 mars l’examen du texte et les établissements du supérieur se mobilisent, en ordre dispersé.

Universités bloquées : quelle est l’ampleur du mouvement ?

Le député insoumis Louis Boyard a lancé un challenge de la plus belle photo de campus bloqué le 5 mars. Un défi vivement commenté et critiqué sur les réseaux sociaux par les élus et syndicats et relativement peu suivi. « L’Assemblée n’est pas un prix de concours. La politique n’est pas un challenge TikTok », s’est insurgée la présidente de la chambre basse du Parlement, Yaël Braun-Pivet sur Twitter.

La présidente de la Région Île-de-France, Valérie Pécresse a porté plainte contre le député insoumis pour pour « incitation au délit d’entrave et incitation à la violence »

Plusieurs campus bloqués sans installation du mouvement

Plusieurs universités ont été partiellement bloquées quelques heures le 7 mars comme à Tours, Rouen Normandie, Pau, Strasbourg et Lille. D’autres l’ont été pour la journée, au centre Pierre-Mendès-France (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne) par exemple, Sciences Po Bordeaux, Angers ou Nantes. 

L’Université Bordeaux Montaigne a banalisé la journée du 7 mars - © Université Bordeaux Montaigne
L’Université Bordeaux Montaigne a banalisé la journée du 7 mars - © Université Bordeaux Montaigne

Occupée le 6 mars, la faculté des sciences et techniques de l'Université de Bretagne occidentale a subi des dégradations. « L’université dénonce l’ensemble des actes de dégradation, de vandalisme et de mise en danger de la vie d’autrui sur le site particulièrement sensible de l’UFR Sciences (notamment par la présence de produits chimiques dans les laboratoires) », indique l’établissement, qui a décidé de porter plainte.

L'Université Bordeaux Montaigne a choisi de banaliser la journée du 7 mars « pour favoriser la mobilisation du plus grand nombre ». Le conseil d’administration de l’établissement avait voté en février une motion « contre une réforme des retraites inutile et injuste ». Une décision rare depuis le début du mouvement, les universités ayant plutôt recours aux fermetures administratives pour empêcher les blocages. L’Université Paul-Valéry a ainsi fermé ses campus de Béziers et Montpellier toute la journée du 7 mars.

Des fermetures administratives critiquées

Éléonore Schmitt et Hugo Prévost sont les deux porte-paroles du syndicat étudiant l’Alternative. - © News Tank
Éléonore Schmitt et Hugo Prévost sont les deux porte-paroles du syndicat étudiant l’Alternative. - © News Tank

« Il y a une répression administrative qui se met en place via le passage des cours à distance et la fermeture administrative des sites », regrette Éléonore Schmitt, porte-parole de l’Alternative lors d’une conférence de presse du syndicat étudiant le 23 février dernier.

Plusieurs universités comme Nantes ou Lyon 2 ont en effet décidé de passer les enseignements à distance « lorsque l’accès à un bâtiment est bloqué par un mouvement d’étudiants. Nous insistons sur le fait que ces dispositions s’appliquent, non pas en cas de grève, mais bien face à une situation de blocage », précise l’établissement.

Une décision critiquée entre autres par l’Association nationale des candidats aux métiers de la science politique qui appelle les enseignants titulaires « à refuser cette transition systématique vers les enseignements en distanciel ».

Pour Paolo Stuppia, chercheur au Centre européen de sociologie et de science politique de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, le distanciel permet « un contrôle des présences (à défaut souvent de l’attention du public) et pourrait décourager certains étudiants à se mobiliser pour pouvoir suivre ces cours à distance », explique-t-il dans un entretien à News Tank (abonnés).

Pas de grève reconductible à l’horizon dans l’ESR

Après la forte mobilisation lors de la sixième journée de grève le 7 mars, l’intersyndicale qui rassemble 13 organisations de représentants des salariés et de jeunesse demande à être reçue par le chef de l’État, Emmanuel Macron. 

Trois nouvelles journées de mobilisation sont d’ores et déjà programmées : le samedi 11 mars puis la semaine d’après, le jour de la commission mixte paritaire. Cette dernière réunira sept députés et sept sénateurs afin d’aboutir à un texte commun sur la réforme des retraites.

À cela s’ajoute une mobilisation des organisations étudiantes et lycéennes, le jeudi 9 mars, afin de souligner l’impact de l’évolution de l’âge de la retraite sur les jeunes générations et réclamer une réforme des bourses.

« Nous observons des jeunes scolarisés dans les cortèges, mais de là à ce que le mouvement contre la réforme des retraites se transforme en véritable mobilisation lycéenne-universitaire avec des cadres auto-organisés, il y a encore du chemin à faire », analyse le chercheur Paolo Stuppia.

Marylise Léon est secrétaire générale adjointe de la CFDT depuis juin 2018. - © DR.
Marylise Léon est secrétaire générale adjointe de la CFDT depuis juin 2018. - © DR.

L’intersyndicale n’appelle pas à une grève reconductible, comme l’explique la secrétaire générale adjointe de la CFDT, Marylise Léon  :

 « La CFDT a toujours été claire sur sa volonté de ne pas bloquer le pays. Nous soutenons les secteurs engagés dans une grève reconductible. Je pense notamment aux cheminots, il n’est pas question de leur faire cesser leur mouvement. Chaque secteur a la liberté de choisir le mode de mobilisation qui lui convient le mieux. »

Grève dans l’ESR : quelles obligations pour les établissements et les grévistes ?

Droit constitutionnel, l’exercice de la grève est très réglementé et fait l’objet d’une circulaire du ministère de l’enseignement supérieur, publiée en juillet 2018. Les enseignants-chercheurs et personnels en grève doivent faire parvenir un préavis cinq jours francs avant le début de la mobilisation.

« Lorsqu’un préavis de grève a dûment été déposé, le recensement des agents ayant cessé le travail incombe à l’administration. L’absence de service fait doit se traduire par une retenue sur salaire pour chacune des missions pour lesquelles l’absence du service fait peut être constatée (cours, TP, TD, surveillance examens, auditions, etc.). L’enseignant-chercheur concerné doit, préalablement à la retenue, être mis en mesure de produire une justification éventuelle de l’absence constatée », précise le texte.