Science et performance sportive : quand la FFF fait une passe à Aix-Marseille Université
Par Antoine Bovio | Le | Stratégies
C’était juste avant le coup d’envoi de l’Euro 2024 de football : l’Institut des sciences du mouvement Étienne-Jules Marey d’Aix-Marseille Université et la Fédération Française de Football (FFF) ont signé un partenariat de trois ans. Ce projet pluridisciplinaire met la science au service du sport, avec des recherches axées sur l’amélioration des performances des athlètes et le bien-être des entraîneurs.
C’est désormais officiel : après plusieurs reports successifs, un partenariat inédit de trois années a été signé entre l’Institut des sciences du mouvement Étienne-Jules Marey (ISM), rattaché à Aix-Marseille Université (AMU), et le Centre de recherche de la Fédération française de football (FFF).
Cette coopération scientifique autour de la recherche sur le football souligne « l’importance de mettre la science au service de l’amélioration de toutes les facettes de la société, y compris les performances sportives de haut niveau », indique AMU.
L’université n’est pas la première à s’associer aux travaux de recherche du centre de la FFF puisque l’Université Rennes 2, par le biais de son laboratoire Mouvement sport et santé, collabore par exemple sur des études relatives à la réalité virtuelle.
« Se rapprocher d’une université nous offre une concentration d’experts sur des champs très variés », analyse Chloé Leprince, docteure et psychologue en science du sport et responsable du centre.
À l’ISM, une approche multidisciplinaire de l’analyse du mouvement
L’autre acteur majeur de cette convention est l’Institut des sciences du mouvement (ISM).
Créé conjointement en 2008 par Aix-Marseille Université et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), sa structure mobilise près de 150 chercheurs sur trois axes de recherche qui se matérialisent par trois équipes distinctes :
- Les éléments structurels qui sous-tendent le mouvement, en s’appuyant sur les concepts de la biomécanique, de la science des matériaux et de la science du mouvement.
- Les processus et déterminants sensori-moteurs, cognitifs et psychologiques.
- La modélisation bio-inspirée appliquée à la conception et au contrôle des systèmes en mouvement.
Des infrastructures complémentaires et modernes
En quinze années, l’ISM s’est doté à Marseille d’un équipement de haute technicité pour l’analyse du mouvement et de ses fondements (neuro)physiologiques, biomécaniques et musculaires, en s’appuyant sur cinq plateformes technologiques de pointe. Parmi eux, le TechnoSport qui associe le sport de haut niveau à la recherche scientifique afin d’améliorer les performances des athlètes, mais aussi pour mieux connaître les populations les plus vulnérables en vue d’améliorer leur santé et leur qualité de vie.
Ce dernier dispositif a récemment travaillé avec l’équipe professionnelle masculine de basket de Nancy, évoluant en première division, pour optimiser la performance de ses joueurs sur le lancer franc : une phase de jeu primordiale pour faire la différence dans un match.
Cette qualité d’installations a donc ainsi suscité un intérêt commun du Centre de recherche de la FFF pour ses travaux de recherche. « Aix-Marseille Université est la première université française à signer un accord de cette nature avec ce centre. À travers ce partenariat, l’ISM contribuera à des avancées technologiques qui permettront de renforcer la présence de la France sur la scène sportive internationale », a déclaré Éric Berton, président d’Aix-Marseille Université.
Un centre de recherche à l’écoute des acteurs du football
L’histoire du centre de recherche de la Fédération française de football est récente. Mis sur pied en 2021, il dispose d’infrastructures flambant neuves au sein de l’espace Michel Hidalgo basé à Clairefontaine-en-Yvelines, à deux pas du célèbre château qui accueille les équipes de France.
L’objectif principal de sa création ? Être à l’écoute des acteurs du football amateur et professionnel pour mieux les comprendre et leur apporter des réponses concrètes, validées par des travaux de recherche. Le tout en s’engageant à « ne pas refaire ce qui a déjà été fait ».
La structure mobilise plus d’une dizaine de personnes, dont cinq chercheurs en poste permanent, et travaille sur une quinzaine de projets de recherche simultanés.
Elle s’articule en trois pôles associés à ses trois axes de recherche :
- La data (suivi des parcours, évolution du jeu et de l’entraînement, management) ;
- Les technologies et méthodes d’apprentissage (réalité virtuelle, pédagogie) ;
- La santé et le bien-être (gestion du stress de son environnement).
Une approche originale de la performance
Dans un sport très suivi à l’international, c’est habituellement la performance des joueurs qui est étudiée de près. Le centre de recherche de la FFF explore ainsi une piste inédite en axant ses recherches de performance sur les staffs, c’est-à-dire les entraîneurs et sélectionneurs.
« Nous nous sommes d’abord aperçus que ce sont des personnes très exposées dans notre sport, mais peu accompagnées. Ils ont aussi un pouvoir d’influence énorme. Tout ce qu’on pourra apporter à l’entraîneur diffusera in fine dans son système et dans son approche avec les joueurs », souligne Chloé Leprince.
Pour promouvoir le bien-être et la gestion de stress, le centre propose des journées thématiques. La fédération a de plus inclus, dans le processus de formation des candidats au brevet d’entraîneur professionnel de football (BEPF), des heures de formation dédiées à ce sujet.
Développer son influence en dehors du football
L’objectif du centre de recherche, à terme, est aussi de s’ouvrir à d’autres publics en explorant de nouveaux domaines. « Notre pôle santé et bien-être collabore avec l’armée ou encore l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris (APHP), mais nous avons aussi investi le milieu de l’entreprise. De nombreuses compétences peuvent être mises en œuvre dans l’écosystème du football comme ailleurs », souligne Chloé Leprince.
Un premier projet déjà mené conjointement depuis l’automne
Les deux parties ont déjà identifié depuis octobre 2023 une première problématique pour débuter leur collaboration : une étude sur l’approche psychosociale de l’acceptabilité de la réalité virtuelle.
Cette dernière identifie, sur une population de sportifs et d’entraîneurs, les blocages psychologiques initiaux chez les joueurs, ainsi que l’impact de l’entraînement en réalité virtuelle sur leur performance en situation réelle. Avec la possibilité de mettre en application la méthodologie trouvée pour des cas de figure comme le retour de blessure.