Vie des campus

Si tu ne viens pas à la médecine, la télémédecine viendra à toi !

Par Antoine Bovio | Le | Stratégies

En mars dernier, l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines a déployé sa première cabine de téléconsultation. Ce dispositif est la première pierre d’un projet plus vaste pour un meilleur accès à la santé des étudiants, des personnels et enseignants de l’établissement, mais aussi de la population locale, dans un département touché par la désertification médicale.

 Cette cabine a été construite par l’entreprise française Health for development (H4D). - © Antoine Bovio
Cette cabine a été construite par l’entreprise française Health for development (H4D). - © Antoine Bovio

Au premier étage de la Maison des étudiants de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ), à deux pas du service de santé des étudiants, un équipement inédit pour un campus se dresse : une cabine de téléconsultation. Elle a été inaugurée le 20 mars 2024 sur le campus de Saint-Quentin en Yvelines, qui compte près de 9 000 étudiants. 

Cet espace clos, afin de respecter la confidentialité des échanges, permet de bénéficier d’une consultation de médecine générale dans de courts délais. En effet, la prise de rendez-vous ne peut être faite plus de 72 heures à l’avance. L’objectif est ainsi de répondre aux besoins de rendez-vous pressant — mais pas les urgences vitales ! — quand un généraliste n’est pas disponible ou à proximité. 

L’apparition de cette cabine sur le campus vise à pallier les difficultés d’accès au soin que connaissent les étudiants. Selon une étude de l’Observatoire de la vie étudiante menée en 2020, 33 % des étudiants en 2020 ont renoncé au moins une fois à des examens ou soins médicaux pour des raisons financières. Elle a été co-financée par le département des Yvelines, dans le cadre d’une politique de développement de la télémédecine pour tout son territoire, et par la contribution à la vie étudiante et de campus (CVEC).

Agir contre l’accès inégal à la médecine et le renoncement aux soins des étudiants

Katia Radja est vice-présidente en charge de la vie universitaire de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. - © UVSQ
Katia Radja est vice-présidente en charge de la vie universitaire de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. - © UVSQ

Améliorer les conditions matérielles des études supérieures et faciliter l’accès à des services de vie étudiante en lien avec la santé : voilà un des points figurant dans le schéma directeur de la vie étudiante de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines pour la période 2023-2028.

Katia Radja, vice-présidente en charge de la vie universitaire de l’UVSQ depuis janvier 2022, a contribué à son élaboration. Dans une université qui comprend cinq campus (Saint-Quentin en Yvelines, Versailles, Rambouillet, Mantes et Vélizy) répartis sur l’ensemble du vaste territoire des Yvelines, l’accès à la santé est une priorité pour l’équipe présidentielle.

« L’accès à l’offre médicale est inégale sur nos différents campus. L’enjeu est de proposer une option de proximité aux étudiants quels qu’ils soient et quel que soit le lieu d’étude »,  indique la VP vie universitaire.

Marie-Noëlle Maeght, qui travaille au sein du service de santé des étudiants de l’université, raconte : « Cela nous arrive d’orienter des étudiants venus pour une consultation avec un médecin généraliste vers des cabinets médicaux. En raison de nombreux départs à la retraite qui ne sont pas remplacés, nous ne pouvions pas répondre à leurs demandes, nous les renvoyons donc maintenant à la cabine de téléconsultation. »

Un constat que partage Marine, étudiante : « Dans ma ville de Vélizy, tous les médecins partent à la retraite. S’il y a une urgence, il n’y a pas besoin de faire des kilomètres et c’est rassurant. »

S’appuyer sur sa communauté étudiante 

Des étudiantes en santé accueillent les patients en cabine. - © Antoine Bovio
Des étudiantes en santé accueillent les patients en cabine. - © Antoine Bovio

Pour ce projet, l’USQV a fait le choix de s’appuyer sur son UFR de santé Simone Veil. Elle a pour cela misé sur un système d’étudiants accompagnateurs.

En formation dans des filières de santé (médecine, de sage-femme, de soins infirmiers…), quatre étudiantes assurent ainsi une rotation dans la semaine pour veiller à l’accueil des patients en cabine. L’entreprise qui produit l’équipement, H4D, a assuré la formation des étudiants vacataires sur une demi-journée. 

« L’enjeu, c’était aussi de rassurer les usagers de ces cabines. Nous avons pensé à des étudiants vacataires, formés à leur utilisation et entretien, issus de nos filières santé pour tenir ce rôle », évoque Katia Radja.

Le déroulement d’une téléconsultation

Une fois le rendez-vous médical validé sur le site « Je trouve un médecin », l’usager peut se rendre dans la cabine de téléconsultation et valider une empreinte bancaire. Il pourra bénéficier d’une consultation de secteur 1, c’est-à-dire remboursée par la sécurité sociale.

Muni d’un code à entrer sur un petit écran dans la cabine, il se connecte à une salle d’attente virtuelle. Le médecin apparait alors sur l’écran principal de la cabine.

Plusieurs outils médicaux sont mis à disposition dans la cabine, dont le médecin récolte les données, auxquelles il accède en temps réel :

• Un saturomètre pour avoir le taux d’oxygène dans le sang.
• Un thermomètre et un tensiomètre.
• Un otoscope pour tout ce qui est ORL.
• Un dermatoscope pour examiner la peau et vérifier les grains de beauté.
• Un électrocardiogramme.
• Une balance au sol et un laser en hauteur pour prendre la taille.

Un projet co-financé par le département des Yvelines pour lutter contre la désertification médicale

La cabine mesure 230 cm de hauteur pour 121 cm de largeur. - © Antoine Bovio
La cabine mesure 230 cm de hauteur pour 121 cm de largeur. - © Antoine Bovio

Dans une région Île-de-France qui ne compte que 108 médecins généralistes pour 100 000 habitants selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) en 2023, le département des Yvelines n’est pas épargné par la désertification médicale.

Cela se traduit par une baisse de près de 9,5 % du nombre de médecins généralistes sur la période 2011-2022, comme en témoigne une étude menée par l’Agence régionale de santé (ARS) de l’Île-de-France.

Ainsi, ce projet, construit avec le département des Yvelines et son opérateur Seine-et-Yvelines Numérique, l’établissement public d’aménagement numérique du territoire qui réunit le conseil départemental des Yvelines et les intercommunalités pour porter les projets numériques communs, s’inscrit dans une démarche locale plus importante.

Une dizaine de cabines de téléconsultation ont déjà été déployées, dont celle de la maison des étudiants, qui est la première installée dans les environs de Saint-Quentin en Yvelines. Du fait de ce partenariat, son accès est ouvert aux enseignants et personnels de l’université, mais aussi à la population locale.

Soigner la santé physique, mentale et sexuelle

Marie-Noëlle Maeght travaille au sein du service de santé des étudiants de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. - © D.R.
Marie-Noëlle Maeght travaille au sein du service de santé des étudiants de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. - © D.R.

Près de 4 étudiants sur 10 présentent des symptômes dépressifs, selon une étude menée en 2023 par l’Université de Bordeaux. Une situation alarmante qui a poussé des universités comme l’UVSQ à améliorer le suivi de la santé mentale et sexuelle de ses étudiants.

« Nous nous sommes rendu compte qu’il y avait des pathologies à considérer, qui ont un impact sur le déroulement des études, notamment les problématiques de santé mentale, sexuelle et affective ainsi que les comportements addictifs », explique Katia Radja. Ces sujets font partie des motifs de consultation disponibles en téléconsultation.

Pour Marie-Noëlle Maeght, cependant, rien ne remplace le lien humain pour traiter la santé mentale. « Il est à mon goût nécessaire de voir quelqu’un physiquement, car la cabine est trop impersonnelle. Nous avons une offre de psychologues au service de santé des étudiants. Toutefois, une téléconsultation peut permettre d’orienter vers un psychologue. »

Lola, étudiante, y voit cependant une solution « pour les personnes anxieuses d’entrer physiquement dans un cabinet médical ».

Un dispositif qui peine à se faire connaître 

Lancé près de la fin d’année universitaire, le dispositif peine pour l’instant à se faire connaître au sein des étudiants, personnels et enseignants de l’université. 

« Cette première cabine est arrivée en mars. Nous allons en faire un bilan à la fin de l’année universitaire, sur la fréquence d’utilisation, sur la communication, le type de consultations qui ont été effectuées, en n’oubliant pas la confidentialité des données à respecter. Nous ferons aussi un bilan au point de vue technique pour répondre au mieux aux besoins de nos étudiants », déclare Katia Radja. 

Une réflexion autour de la communication à réaliser à la rentrée est déjà en cours : « Nous allons beaucoup communiquer au moment des amphis de rentrée pour présenter le service de santé, toute l’offre et cette nouveauté. Nous mettrons l’accent sur la proximité humaine avec l’encadrement de nos étudiants vacataires », poursuit Katia Radja. 

Implantation à venir dans d’autres campus des Yvelines   

L’installation de cette cabine est le point de départ d’une série d’actions. Encore en phase d’expérimentation à la Maison de l’étudiant de Saint-Quentin en Yvelines, le même outil pourrait être implanté dans les quatre autres campus de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines :  Versailles, Rambouillet, Mantes et Vélizy.

Une offre médicale en présentiel supplémentaire est aussi programmée. En septembre prochain, l’ouverture d’un centre de santé pluridisciplinaire est prévue à Clayes-sous-Bois, à quelques kilomètres du campus de Saint-Quentin en Yvelines.