Conditions de vie des étudiants : après la crise sanitaire, le retour à la normale ?
Par Marine Dessaux | Le | Expérience étudiante
L’enquête « Conditions de vie des étudiants 2023 » de l’Observatoire national de la vie étudiante aborde les impacts de la crise sanitaire. Globalement, c’est un retour à la normale qui s’annonce, à quelques exceptions près…
Les effets de la crise sanitaire sur le quotidien des étudiants se sont déjà envolés (ou presque !) : c’est ce que dévoile l’enquête « Conditions de vie des étudiants 2023 » de l’Observatoire national de la vie étudiante (OVE), publié le 11 mars 2024.
Elle constate une « grande stabilité » et une « absence de bouleversement sur la structure des budgets, les modes d’habitat, les aides des familles, ou encore la précarité économique ». Voici les trois grandes leçons de ce travail qui fait référence.
1. Une précarité « structurelle » qui touche un étudiant sur quatre
« Malgré l’importance du phénomène de précarité économique, celui-ci demeure relativement stable dans le temps. Les situations de précarité étudiante ne sont donc pas nouvelles. La crise sanitaire les a révélées plus qu’elle ne les a exacerbées », expose l’enquête.
En effet, depuis 2016, la part des étudiants précaires s’établit autour d’un quart. Ils sont 23 %, à cette date, à s’estimer avoir des difficultés économiques importantes ou très importantes, puis 20 % en 2020 et 26 % en 2023.
Les données de l’OVE permettent de définir les populations étudiantes les plus fragiles : les étudiants internationaux et les décohabitants plus âgés et d’origine sociale modeste. « Ils ont vu se cumuler les différents effets de la crise, et se trouvent en état de vulnérabilité économique », ajoute l’OVE.
Une détresse économique qui a poussé 34 % des répondants à renoncer au moins une fois à des examens ou soins médicaux pour des raisons financières au cours des douze derniers mois (contre 33 % en 2020).
Près d’un tiers des étudiants au moins une fois à découvert
Depuis la rentrée 2023 :
• 32 % des étudiants déclarent avoir été au moins une fois en situation de découvert à la banque,
• 26 % ont eu au moins une fois une fin de mois difficile ou très difficile,
• 20 % ont vécu au moins une fois des difficultés financières telles qu’il a été impossible de faire face à ses besoins,
• 12 % ont dû faire face au moins une fois des impayés ou retard de paiement.
Par ailleurs, ils sont 9 % à avoir pu bénéficier d’une aide alimentaire (bons d’achat Crous, Restos du cœur, banque alimentaire, épicerie solidaire, etc.).
2. Le taux d’emploi étudiant retrouve le niveau d’avant crise
Après avoir connu une chute nette durant le premier confinement en 2020, passant de 40 % à 27 %, le taux d’emploi (hors stage) retrouve et dépasse même légèrement son niveau d’avant la crise sanitaire en 2023 pour s’établir à 44 %.
L’emploi étudiant « recouvre des réalités très contrastées », d’après l’observatoire. Il faut distinguer les ceux liés aux études, dont l’effet sur la réussite est positif : 9 % des répondants exercent une activité en alternance et 10 % une activité totalement ou fortement en lien avec le contenu de leurs études.
Et les emplois non liés aux études, qui concernent 25 % des étudiants. Ils sont 18 % à effectuer une activité rémunérée occasionnelle (moins d’un mi-temps), 3 % ont une activité concurrente des études (à mi-temps ou plus, mais moins de six mois par an) et 4 % exercent une activité très concurrente des études (soit un mi-temps ou plus, pendant plus de six mois par an).
Si le recours à un emploi est répandu chez les étudiants, leur première ressource reste les aides de la famille (41 % des ressources de l’ensemble des étudiants), suivie des revenus d’activité (27 %) et des aides publiques (25 %).
Une santé mentale des étudiants encore fragile
C’est l’impact principal qui perdure depuis la crise sanitaire : les conséquences psychologiques des confinements « semblent durables avec plus d’un tiers des étudiants (36 %) qui manifestent, encore en 2023, des symptômes de détresse dans les quatre semaines précédant leur réponse à l’enquête ».
3. Visioconférences : point trop n’en faut
La crise sanitaire, avec le développement des cours à distance, a accéléré l’usage des technologies de l’information et de la communication dans le cadre des études. Trois ans après le début de la pandémie, 62 % des étudiants déclarent encore suivre souvent ou ponctuellement des cours en visioconférence.
Un recours qui varie selon les formations. Peu fréquente en sections de technicien supérieur et classe préparatoire aux grandes écoles (respectivement, seuls 12 % et 19 % des élèves de ces formations ont suivi des cours à distance), la visio est monnaie courante en école de commerce (pour 85 % des répondants), en études de santé et droit/économie (75 %) ainsi qu’en lettres et sciences humaines et sociales (70 %).
Cette nouvelle tendance ne doit cependant pas se généraliser : en effet, le niveau de satisfaction des étudiants diminue à mesure que la proportion des enseignements à distance augmente. « Quand la totalité des cours est en visioconférence, 54 % des étudiants se déclarent satisfaits ou très satisfaits de leurs études, contre 65 % quand leurs cours ont intégralement lieu sur site », indique l’enquête.
La méthode de l’enquête
Sur 260000 étudiants sollicités par l’OVE, 80000 ont répondu à son questionnaire (soit 31 %). 49523 questionnaires intégralement renseignés par les étudiants ont été exploités et les données brutes ont été pondérées à partir des informations sur les inscriptions effectives dans les établissements.
Cette enquête 2023 est marquante puisque la dernière de même ampleur date de 2020. Entre-temps, des enquêtes flash ont été réalisées en 2020 et 2021. Elles « permettent de disposer de contrepoints bien que leurs champs ne soient pas strictement comparables », note l’observatoire.
Par la suite, étudier les impacts de la réforme des bourses
La prochaine enquête permettra « d’évaluer les impacts du premier volet de la réforme de bourses de septembre 2023 », écrit l’OVE.
Un chantier qui doit encore être approfondi et que la ministre de l’ESR, Sylvie Retailleau, a confirmé comme étant l’une de ses priorités lors de son audition à la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, le 5 mars dernier. Elle évoquait alors « une mise en œuvre pour la campagne 2025 ».