La crise sanitaire donne un coup d’arrêt à l’amélioration des conditions de vie étudiante
Par Isabelle Cormaty | Le | Expérience étudiante
L’enquête de l’Observatoire national de la vie étudiante, publié fin janvier, met en évidence le coup de frein porté par la crise sanitaire à l’amélioration des conditions de vie des étudiants.
Si le lien avec l’enseignement a été maintenu pendant le premier confinement, plus d’un quart des étudiants se sentent peu ou pas intégrés dans leur établissement. Le réchauffement climatique fait partie des sujets d’inquiétude de cette population, tout comme leur budget.
Campus Matin décrypte quatre principales conclusions de cette enquête de référence.
L’enquête « Conditions de vie des étudiants 2020 »
La source : qui a réalisé cette enquête ?
Publiée le 28 janvier dernier, l’enquête intitulée “Conditions de vie des étudiants 2020” a été produite par l'Observatoire national de la vie étudiante (OVE), un organisme public d’études et de recherche.
Il s’agit de la neuvième édition de cette enquête nationale réalisée environ tous les trois ans et qui fait figure de référence pour appréhender les conditions de vie des étudiants et en mesurer les évolutions dans le temps.
La méthode : comment cette enquête a-t-elle été réalisée ?
Plus de 100 000 personnes ont répondu au questionnaire d l’OVE envoyé à plus de 250 000 personnes, entre le 12 mars et le 25 mai 2020. Ces réponses déclaratives ont été pondérées à partir des informations sur les inscriptions effectives dans les établissements.
Parmi les thématiques récurrentes étudiées : la population étudiante, l’origine migratoire des étudiants, le choix des études, le rythme des études, la vie dans l’établissement, les discriminations, les perspectives d’avenir, l’activité rémunérée, le logement étudiant, le budget et enfin le bien-être et la santé.
Afin de mesurer les effets de la crise sanitaire sur la vie étudiante, une enquête complémentaire a été réalisée entre le 26 juin et le 8 juillet 2020 sur la vie d’étudiant confiné.
Quelles sont les principales conclusions de cette enquête ?
69 % des étudiants ont eu des cours ou des réunions de travail en visio durant le confinement
Pendant la période du confinement au printemps dernier, « le lien avec le milieu scolaire a été largement maintenu », conclut l’OVE. Les étudiants ont continué à échanger avec leurs enseignants (pour 77 % d’entre eux) et avec leurs camarades de promotion (pour 87 %). De même, 69 % des étudiants ont suivi des cours ou des réunions de travail en visioconférence à cette période.
L’OVE souligne toutefois le suivi pédagogique variable d’un établissement à l’autre.
« Selon le type d’établissement, des disparités apparaissent, notamment en ce qui concerne la tenue de cours ou de réunion en visioconférence : 94 % des CPGE contre 81 % en école d’ingénieur et 63 % à l’université », précise l’enquête complémentaire réalisée par l’OVE cet été.
27 % des étudiants se sentent peu ou pas intégrés à leur établissement
27 % des étudiants se disent peu, voire pas, intégrés quand 41 % se déclarent satisfaits ou très satisfaits de leur intégration à la vie de l’établissement. Ce sentiment d’intégration varie en fonction des types d’établissements : il s’élève à 37 % à l’université, 53 % en école de commerce, 58 % en école d’ingénieur et 63 % dans les grands établissements.
« Déjà surpris en 2016 par le faible sentiment d’intégration des étudiants à leur établissement, cela s’est fortement aggravé avec l’enseignement à distance : seuls 15 % se disent pleinement intégré à leur établissement », insiste l’OVE.
Plusieurs paramètres influent sur le sentiment d’intégration : l’offre d’activités proposée par les établissements et de leur utilisation par les étudiants. Ainsi « Les étudiants ayant participé à des événements culturels dans leur établissement se montrent plus souvent satisfaits de leur intégration à la vie de l’établissement ainsi que ceux qui utilisent des équipements sportifs ou culturels », analyse l’Observatoire.
86 % des étudiants inquiets par la réchauffement climatique
86 % des étudiants interrogés se déclarent inquiets, voire très inquiets vis-à-vis du dérèglement climatique. Parmi eux, « la proportion est particulièrement élevée parmi les étudiantes (89 %) et les étudiants aux niveaux de diplôme les plus élevés (85 % parmi les étudiants de niveau bac+1 contre 89 % parmi les étudiants de niveau bac+5 et plus) », ajoute l’OVE.
Ces convictions écologiques se concrétisent moins par la participation à des manifestations ou cours sur le climat reste minoritaire (moins d’un quart des étudiants) que par les habitudes alimentaires des étudiants et leurs moyens de transport.
« Plus d’un étudiant sur deux déclare avoir modifié ses habitudes alimentaires ou ses habitudes de transport pour des raisons écologiques, et près de la moitié des étudiants qui ne l’ont pas fait déclarent qu’ils aimeraient le faire », constate l’enquête de l’OVE.
26 % des étudiants estiment ne pas avoir assez d’argent pour couvrir leurs besoins mensuels
Un peu plus d’un quart des étudiants (26 %) déclarent ne pas avoir de revenus suffisants pour couvrir leurs dépenses mensuelles. Les ressources mensuelles des étudiants s’élèvent à 919 € en moyenne. Elles proviennent principalement des revenus d’activités puis des aides familiales et enfin des aides publiques. Le logement (484 €), frais de vie quotidienne et les frais de transport constituent les trois principaux postes de dépenses pour les étudiants.
Alors que les difficultés financières des étudiants avaient tendance à reculer avant la crise sanitaire - avec une baisse de trois points pour la part d’étudiants rencontrant des difficultés financières entre 2016 et 2020- une hausse de 13 points s’en est suivie durant le premier confinement. Un tiers des étudiants ont ainsi éprouvé des difficultés et 58 % des étudiants qui exerçaient une activité rémunérée l’ont cessée.
« Ces difficultés ne se sont vraisemblablement pas améliorées par la suite, car la perte d’activité rémunérée chez certains étudiants, qui pouvait être compensée par les parents, s’est parfois doublée d’une situation économique compliquée pour ces derniers », s’inquiète l’OVE.
L’avis d’une experte : Monique Ronzeau
« Nous observons une transformation en profondeur d’un certain nombre de caractéristiques de la vie étudiante dans la période actuelle », affirme Monique Ronzeau, présidente de l’OVE à News Tank HER [abonnés].
« Nous voyons bien que les inquiétudes, les interrogations et la fragilisation des étudiants sont porteurs d’enjeux très forts pour l’avenir des établissements d’enseignement supérieur, dans les domaines social, économique, pédagogique », poursuit-elle.
Elle souligne l’amélioration de la satisfaction des étudiants par rapport à leurs études : 64 % sont satisfaits ou très satisfaits en 2020 (contre 60 % en 2016).
« Malheureusement, la crise et le confinement ont stoppé ce mouvement. On tombe à 39 % d’étudiants satisfaits à partir du premier confinement, et encore moins en université (36 %) », conclut-elle.